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Elections européennes
En vue des élections européennes, l’eurodéputé libéral Charles Goerens a dressé le bilan d’une "législature de réparation" et relevé les défis sociaux et démocratiques auxquels l’UE devrait s’atteler
06-03-2014


goerens-bilanTrois mois avant les élections européennes et quelques semaines après avoir dévoilé la liste des six candidats du Parti démocratique (DP) qui se présenteront au vote des électeurs le 25 mai 2014, l’eurodéputé luxembourgeois Charles Goerens (DP – ALDE) a dressé le bilan de ses cinq dernières années d’action au sein du Parlement européen lors d’une conférence de presse à Luxembourg, le 6 mars 2014.

Membre de l’institution législative européenne dès 1982, le député européen y a fait un premier passage entre 1982 et 1984, avant d’être une nouvelle fois élu en 1994 et d’y exercer son mandat jusqu’en 1999. Appelé à des responsabilités nationales dans le gouvernement luxembourgeois entre 1999 et 2004, il est de nouveau membre du Parlement européen depuis 2009. Lors des élections à venir, le libéral briguera ainsi un quatrième mandat de député européen. 

L’Union européenne "est encore là"

Charles Goerens a tout d’abord tenu à souligner le fait que l’UE "est encore là", cela malgré certaines prévisions très pessimistes apparues au plus fort de la crise qui prédisaient la fin de l’euro et de l’UE, et les "situations très difficiles" qu’ont connues et que connaissent toujours des Etats membres tels que la Grèce, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie ou Chypre.

"La gestion de la crise de l’euro peut être comparée à un grand chantier sur un terrain qui brûlait peu auparavant", a expliqué Charles Goerens, notant qu’elle a conduit à des politiques d’austérité difficilement supportables pour les Etats et leurs citoyens qui y étaient soumis.

Si la mise en place de nouveaux instruments et mécanismes comme le semestre européen ou le Mécanisme européen de stabilité ont permis au cours de la législature qui s’achève de gérer  avec plus ou moins de réussite les crises successives – financières, économiques, budgétaires et sociales – qui ont frappé l’UE au cours des cinq dernières années selon le député libéral, les lacunes de la construction européenne seraient encore nombreuses. Trop nombreuses pour espérer construire l’avenir européen sur ces bases.

Une gestion de crise inefficace

"Nous avons assisté à cinq années d’austérité brutale" qui ont conduit certains Etats à mener des politiques d’économie qui ont-elles-mêmes constitué "une épreuve très sérieuse pour la croissance", sachant que l’ajustement économique a été réalisé soit par la hausse des impôts, soit par la réduction des dépenses de l’Etat. "Les deux moteurs de la croissance, à savoir l’investissement et la consommation, ont été paralysés", a-t-il estimé.

L’impact de la gestion des crises sur la Grèce relèverait par ailleurs d’un « véritable scandale », poursuit l’eurodéputé. "Dans un récent rapport, il a été montré que la mortalité infantile en Grèce a grimpé de près de 43 %, c’est un scandale que l’UE et les Etats membres ne peuvent pas accepter. Il y a ici un impératif de solidarité et il n’est pas question de chercher des prétextes, nous avons ici une obligation de résultats vis-à-vis d’une situation de détresse", appuie Charles Goerens.

La souveraineté "suspendue" de certains Etats membres

Le député européen estime par ailleurs que la gestion de la crise telle que menée les cinq dernières années ne pourra avoir lieu plus d’une fois au risque de creuser encore davantage le déficit de légitimité démocratique dans l’UE. "La gestion s’est déroulée sur toile de fond d’un dialogue de sourds relatif à la souveraineté", selon Charles Goerens, qui souligne que dans l’UE actuelle, certains Etats membres exercent leur souveraineté tandis que d’autres l’ont perdue, et notamment la Grèce.

"Les pensions, le niveau des salaires, les prestations sociales, les investissements y sont définis par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international)", poursuit-il.

La gestion de crise aurait par ailleurs mené plus d’une fois à se poser la question en Europe de l’existence même de l’Union européenne, ce que Charles Goerens, bien qu’il se dise convaincu de l’irréversibilité du processus d’intégration européen, juge dangereux.

"L’Europe a besoin d’une sécurité de planification. Nous avons besoin de sécurité pour les investissements, pour les chercheurs d’emploi, pour ceux qui économisent pour construire une maison", assure le député libéral qui souligne le besoin d’une vision claire sur l’avenir européen.

Déficit démocratique, de solidarité et ressentiments des citoyens

La politique européenne de gestion de crise aurait en outre suscité un large ressentiment parmi une portion croissante des citoyens européens, tout particulièrement dans les pays les plus touchés par la crise.

Charles Goerens cite notamment des échanges acerbes entre responsables politiques grecs et allemands, "qui font penser aux années 1930 ou 1940". "Malgré toutes les lacunes" que l’on peut reprocher aux autorités grecques sur leur gestion des finances publiques des années précédentes, le député européen estime que l’on aurait "pu faire preuve de davantage de tact" et ne pas pointer du doigt certains pays comme mauvais élèves. "Il n’y avait pas besoin d’humilier un pays, ce n’est jamais bon pour la cohésion à l’intérieur de l’Union", juge-t-il.

Les déficits démocratiques que connaît l’UE seraient d’ailleurs loin d’être résorbés au cours de la législature actuelle. Bien que le Parlement européen exerce désormais un pouvoir de codécision avec le Conseil en matière de législations européennes, la nécessité pour les deux branches législatives de s’accorder donne lieu à des négociations en coulisse, "une partie du débat qui devrait être public ayant donc lieu derrière portes closes", regrette Charles Goerens.

L’eurodéputé libéral met en avant plusieurs exemples, dont le Fonds européen de développement (FED) qui n’est pas soumis au contrôle du Parlement européen, ou encore l’absence de contrôle parlementaire du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Charles Goerens pointe encore un autre déficit, en termes de solidarité cette fois. "De nombreux  Etats membres jugent que l’UE ne fait pas assez, mais refusent tout transfert de compétences supplémentaires". Selon lui, la mise en place de normes sociales européennes, ainsi qu’une harmonisation contre le dumping fiscal et social pourrait être des solutions.

Pour un gouvernement économique de l’UE

"La diplomatie des capitales est un moyen du 19e siècle utilisé pour faire la politique du 21e siècle", juge Charles Goerens, qui pointe un autre anachronisme à ses yeux: l’existence d’une union monétaire sans véritable union économique.

Le député se prononce en faveur de la création d’un gouvernement économique de l’UE qui soit véritablement fonctionnel et surtout soumis au contrôle démocratique du Parlement européen.

Pour une "pause de réflexion" sur l’élargissement

Sur la question de l’élargissement, Charles Goerens a estimé qu’il serait utile de mener une pause de réflexion. "Veut-on une Europe qui fonctionne ou veut-on une grande UE", s’interroge-t-il. Le député juge utile l’éventuelle introduction de critères d’absorption, des règles qui permettraient de faire respecter les exigences européennes une fois un Etat membre entré dans l’UE. "Si la Hongrie avait eu les standards actuels [en matière de justice notamment] en 2004, elle ne serait jamais entrée dans l'UE", souligne le député.

Le Parlement européen "peut faire bouger les choses là où il le veut"

Le Parlement européen a-t-il atteint ses objectifs ? Selon Charles Goerens, si celui-ci a, notamment du fait du traité de Lisbonne, augmenté ses compétences, il a aussi augmenté son poids grâce à son action. "Là où il le veut et où il dispose des compétences, le Parlement peut faire bouger les choses", appuie-t-il, évoquant le retrait d’ACTA, les pressions sur Swift ou encore le déclenchement de l’enquête sur les activités de la NSA.

En termes de politique étrangère, Charles Goerens a souligné l’action de l’UE en matière d’aide humanitaire, "peu visible mais qui donne des résultats", ainsi que la politique de développement, "au cœur de la politique étrangère de l’Europe".

Une législature de réparation

En conclusion, Charles Goerens a estimé que la législature qui s’achève aura été une "législature de réparation". "On ne pourra pas avec les règles actuelles relever les défis à venir", note encore le député, qui appelle à une Convention européenne pour se poser notamment la question du rapport des citoyens avec l’UE.