L'économie de l’Europe pourrait croître de 800 milliards d'euros (soit 6 % du PIB européen actuel) si plus d’actions étaient entreprises au niveau européen. C’est là le résultat d’une étude réalisée par le Parlement européen pour chiffrer le "coût de la non-Europe" et diffusée le 26 mars 2014.
Intitulée "Maping the cost of non-Europe" (identifier le coût de l’absence d’Europe), l’étude a été réalisée par l’unité "Valeur ajoutée européenne" du Parlement, en collaboration avec le bureau du Secrétaire général et l'unité de "Soutien à la gouvernance économique" en vue d'identifier le coût d'opportunité de l’inaction au niveau européen. L'analyse repose sur le travail fourni par les commissions parlementaires et les demandes spécifiques du Parlement européen lors de ses propositions législatives et rapports d'initiative.
L’étude "reflète le travail en cours sur un projet à long terme [qui vise à] tenter d'identifier et d'analyser les 'coûts de la non-Europe' dans certains domaines politiques", détaille Joseph Dunne, directeur à la direction de l'évaluation de l'impact et de la valeur ajoutée européenne du Parlement, dans l’introduction du document. Celle-ci est conçue comme une "contribution à la discussion croissante sur les priorités politiques de l'UE pour le cycle institutionnel des cinq années à venir", poursuit-il.
Concrètement, le concept tente d'identifier l'avantage économique qui résulterait de l’entreprise d’actions politiques au niveau européen dans un domaine particulier ainsi que le coût économique collectif de ne pas les entreprendre. "Les avantages économiques potentiels d'actions peuvent être mesurés en termes de produit intérieur brut (PIB) supplémentaire généré ou d’économies dans les dépenses publiques ou autres, grâce à une répartition plus efficace des ressources dans l’économie", précise le document.
Les gains d’efficacité potentiels identifiés vont d'un marché unique numérique plus large et plus profond à des politiques européennes et nationales en matière de défense et de développement mieux coordonnées, en passant par l'achèvement du marché unique existant pour les consommateurs et les citoyens. "Ces politiques avantageuses ont déjà été préconisées par le Parlement européen lors de la législature actuelle. En respectant à la lettre le principe de subsidiarité, les députés essaient toujours d'identifier les opportunités les plus efficaces au niveau européen", lit-on dans le communiqué du Parlement européen qui accompagne l’analyse et qui est agrémenté d'une infographie dédiée.
Selon les résultats de l’analyse, "si les politiques énumérées devaient être poursuivies efficacement, l'avantage économique qui en résulterait annuellement est estimé à environ 800 milliards d’euros, soit environ 6 % du PIB actuel de l'UE".
Dans le détail, la création d'un marché unique numérique pourrait générer à elle seule pas moins de 260 milliards d’euros supplémentaires selon le Parlement européen, "soit plus que le PIB estimé du Danemark pour 2014", détaille le communiqué diffusé sur son site.
"Un marché unique approfondi et plus complet dans le domaine du numérique pourrait élever le niveau de PIB de l’UE à long terme d'au moins 4 % – ou environ 520 milliards d'euros à prix courants", précise l’analyse. "Cependant, la complexité règlementaire de la dé-compartimentation des marchés existants dans ce domaine suggère que ce potentiel peut prendre une longue période de temps pour être réalisé. Une hypothèse plausible est que, avec les bonnes politiques en place, près de la moitié de ces gains peuvent être atteints par l'économie européenne dans les prochaines années", y lit-on.
Pour ce qui est de l'achèvement du marché unique existant pour les consommateurs et les citoyens, l’analyse du Parlement européen estime les gains potentiels en la matière à près de 235 milliards d’euros.
"Le marché unique existant pour les biens et services a déjà contribué de manière significative à la croissance économique et au bien-être des consommateurs dans l'UE. La Commission européenne estime que les progrès dans ce domaine au cours de la période 1992-2006 a contribué au PIB annuel de l'UE et à l'emploi respectivement de 2,2 % et 1,3 %, soit quelque 233 milliards d’euros et 2,8 millions de personnes. On estime qu'un approfondissement de ce marché 'classique' unique pourrait encore générer des gains supplémentaires très importants pour les consommateurs de l'UE et les citoyens, ce qui augmenterait le PIB européen de 2,2 % supplémentaires par an sur une période de dix ans, si les obstacles restants étaient éliminés", appuie l’étude qui s’appuie notamment sur un travail de recherche commandé par le Parlement européen en 2013 sur ce sujet.
Le gain d'efficacité potentiel d'avoir, à l’échelle de l'UE, de marchés financiers entièrement intégrés et réglementés efficacement est estimé de l'ordre de 60 milliards d'euros par an, pour ce qui est des intérêts de l’épargne uniquement précise encore l’étude, qui renvoie à un autre travail de recherche du Parlement européen sur le sujet.
Autre exemple, le TTIP. La mise en place du Partenariat transatlantique pour l’investissement et le commerce, en cours de négociation entre l'UE et les USA, "pourrait générer des gains potentiels importants pour l'économie européenne", affirme l’étude. Néanmoins, contrairement à la Commission européenne, qui sur base d’un rapport indépendant de 2013, estimait ce gain à 0,5 % du PIB, soit 120 milliards d’euros par an une fois que l’accord serait pleinement mis en œuvre, l’étude adopte "une approche plus prudente, en supposant que seule la moitié des bénéfices potentiels revendiqués par le TTIP seront réalisés. Le chiffre final retenu est donc de 60 milliards d'euros par an".
L’Union bancaire, une fois le système pleinement opérationnel, aurait également un potentiel d’économie important, notamment en évitant des coûts majeurs de recapitalisation et dès lors le recul du PIB au cours des prochaines années grâce à "un rôle clé dans la prévention et l’encadrement de toute future crise financière". Les premières recherches à ce sujet suggèrent que le gain potentiel pour l'économie européenne, en comparaison à l'expérience passée, atteigne environ 35 milliards d'euros par an.
"De toute évidence [...] l'analyse détaillée ne vise pas à faire des prédictions exactes - comme toutes les prédictions dépendent d'hypothèses qui doivent faire l'objet d’améliorations continues - mais elle peut illustrer l'ordre de grandeur des gains d'efficacité potentiels de l'action commune dans ces domaines. Par définition, les gains potentiels pour l'économie européenne identifiés dans le présent document ne peuvent être réalisés qu’au fil du temps […] si les politiques énumérées devaient être poursuivies efficacement", conclut l’étude.