Le Parlement européen s’est opposé au projet de définition des "nanomatériaux manufacturés" tel que l’avait proposé la Commission européenne en adoptant une résolution d’objection en séance plénière le 12 mars 2014, par 402 voix pour, 258 contre et 14 abstentions.
Le 12 décembre 2013, la Commission avait en effet adopté un règlement délégué qui visait à amender le règlement en vigueur relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires en ce qui concerne la définition des nanomatériaux manufacturés datant de 2011.
Pour mémoire, le règlement de 2011 prévoit que tous les ingrédients présents sous la forme de nanomatériaux doivent être clairement indiqués dans la liste des ingrédients et les noms de ces ingrédients doivent être suivis par le mot "nano" entre parenthèses.
"En outre, il fournit une définition des nanomatériaux, qui peuvent être ajustées et adaptées au progrès technique et scientifique ou de définitions convenues au niveau international, par voie d'actes délégués, aux fins de la réalisation des objectifs du règlement", justifiait la Commission dans l’exposé des motifs du règlement délégué.
Le texte de la Commission entendait justement préciser la définition du règlement de 2011. Par nanomatériau manufacturé, l'acte délégué précisait qu'"on entend tout matériau fabriqué intentionnellement, contenant des particules, dans un état non lié ou comme un agrégat ou sous forme d'agglomérat et où, 50% ou plus des particules dans la répartition numérique par taille présentent une dimension entre 1 nanomètre (nm) et 100 nm".
La Commission prévoyait néanmoins une exemption générale pour les additifs alimentaires, justifiant ce choix par le fait que certains pourraient être considérés comme nanomatériaux manufacturés dans l'alimentation finale.
Or, assure la Commission, "l'indication de tels additifs alimentaires sur la liste des ingrédients suivis du mot 'nano' entre crochets risque de jeter la confusion parmi les consommateurs, car elle peut laisser entendre que ces additifs sont nouveaux, alors qu'en réalité, ils sont utilisés sous cette forme dans les denrées alimentaires depuis des décennies".
Les députés réunis en séance plénière le 12 mars n'ont pas suivi cette explication et ont donc fait objection au règlement délégué de la Commission en adoptant la résolution déposée par l’eurodéputé allemand Matthias Groote (S&D) au nom de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen. Un mois plus tôt, le 12 février 2014, la commission ENVI avait adopté le projet de résolution par 31 voix pour, 23 voix contre et 2 abstentions.
La résolution adoptée par les eurodéputés balaye notamment la justification de la Commission, jugée "erronée et hors de propos, puisque le règlement concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires ne prévoit aucune distinction entre les nanomatériaux existants et les nouveaux nanomatériaux, mais requiert explicitement l'étiquetage de la totalité des ingrédients présents sous la forme de nanomatériaux".
Le texte rejette également le seuil de 50 % voulu par la Commission, le jugeant bien trop élevé. La résolution précise que "considérant que l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), en concertation avec son comité scientifique et avec son réseau pour les nanomatériaux dans l'alimentation humaine et animale, a indiqué à la Commission, le 3 octobre 2012, que, compte tenu des incertitudes actuelles sur la sécurité des aliments, il serait opportun de fixer une valeur seuil inférieure pour les nanoparticules utilisées dans les denrées alimentaires, par exemple 10 %, au lieu du seuil de 50 % proposé dans la recommandation".
"Le Parlement européen a demandé à plusieurs reprises un nano-étiquetage approprié et il est très surprenant que la Commission ait tout de même tenté d'affaiblir ce qui a été décidé par le Parlement et le Conseil. Les consommateurs ont le droit de savoir et de faire leur propre choix. Ils ne veulent pas que la Commission le fasse pour eux. C'est pourquoi le vote d'aujourd'hui est important ", s’est félicité l’eurodéputé suédois Carl Schlyter (Verts/ALE), chargé de suivre ce dossier pour le Parlement européen.
L’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels (S&D) s’est en revanche opposé à la résolution, jugeant que le Parlement, "comme à son habitude, veut aller plus loin dans la soi-disant protection des consommateurs. Comme les nano-particules sont microscopiquement petites, elles doivent selon le Parlement être macro-dangereuses", a-t-il ironisé.
"Les nombreuses études scientifiques faites sur les effets potentiels des nanomatériaux manufacturés n'ont pas conclu à la dangerosité de ces dernières. Mais comme le 'principe de précaution' est devenu un principe de ne rien faire, le Parlement exige une valeur de seuil inférieure de 10%, au lieu des 50% proposés par la Commission. Le Parlement ne peut pas expliquer le seuil choisi, mais se réfère à une étude allemande indiquant que les nanomatériaux 'sont le moins bien acceptés dans les denrées alimentaires' par la population. Quand on ne sait rien, on peut toujours faire peur!", a conclu le député S&D qui ne se représentera plus aux élections.