La Commission européenne a proposé le 8 avril 2014 de fixer de nouvelles normes strictes pour réglementer les activités des drones (systèmes d'aéronef télépiloté ou, selon le nouvel acronyme venant de "remotely piloted aircraft systems", RPAS) à usage civil. Les nouvelles normes porteront sur la sécurité, la sûreté, le respect de la vie privée, la protection des données, l'assurance et la responsabilité. L’objectif est de permettre à l’industrie européenne de devenir l’un des leaders mondiaux du marché pour cette technologie émergente, tout en assurant la mise en place de toutes les garanties nécessaires.
Dans sa communication, la Commission constate que les drones civils sont de plus en plus utilisés en Europe, notamment dans des pays comme la Suède, la France et le Royaume-Uni, et dans différents secteurs, mais aussi que leur cadre réglementaire est fragmenté. Des règles nationales de base s’appliquent en matière de sécurité, mais elles varient à travers l’UE, et un certain nombre de garanties pourtant essentielles ne sont pas traitées de manière harmonisée.
Siim Kallas, le vice-président de la Commission chargé des transports, a déclaré à ce sujet: "Les drones civils permettent de vérifier les dégradations des ponts routiers et ferroviaires, de suivre l'évolution de catastrophes naturelles telles que des inondations et de pulvériser les cultures de manière extrêmement précise. Il en existe de toutes les formes et de toutes les dimensions. Un jour, ils pourront même vous livrer les livres commandés auprès de votre détaillant en ligne préféré. Mais bon nombre de personnes, dont moi-même, sont préoccupées par les questions de sécurité, de sûreté et de protection de la vie privée que posent ces dispositifs."
"C'est le moment ou jamais de prendre ces mesures", pense le vice-président de la Commission, "et de les prendre au niveau européen. Car les aéronefs télépilotés vont franchir les frontières, presque par définition, et l’industrie en est encore à ses balbutiements. L'occasion nous est offerte de définir un ensemble unique de règles que chacun pourra appliquer dans son travail, tout comme nous le faisons pour les aéronefs de plus grande taille."
Selon la communication de la Commission, "la technologie des drones civils arrive à maturité et offre un grand potentiel de création de croissance et d’emplois". Elle cite certaines estimations, selon lesquelles elle pourrait acquérir dans les dix prochaines années une valeur représentant 10 % du marché de l’aviation, c'est-à-dire 15 milliards d’euros par an. Pour l'Europe, on prévoit quelque 150 000 nouveaux emplois d'ici à 2050, sans compter ceux produits par les services liés aux exploitants, lit-on dans la communication.
Partant de là, la Commission parle dans sa communication d’une "stratégie européenne" qui "vise à établir un marché unique des RPAS permettant de tirer profit des avantages sociétaux qu'offre cette technologie innovante, et à intégrer les préoccupations des citoyens au moyen de débats publics et de mesures de protection, en tant que de besoin".
Cette stratégie "devrait également instaurer les conditions permettant la création, pour le secteur manufacturier comme pour celui des services, d'une industrie solide et compétitive qui soit en mesure de soutenir la concurrence sur le marché mondial".
Le fin fond de la proposition est le suivant : "Le développement des applications liées aux RPAS n'est possible que si l’aéronef peut voler dans un espace aérien non réservé sans affecter la sécurité et le fonctionnement du système aéronautique civil au sens large. " À cette fin, l’UE doit, selon la Commission, mettre en place une structure règlementaire à laquelle les principaux acteurs aux niveaux européen et national peuvent contribuer.
L’intégration progressive des RPAS dans l’espace aérien à partir de 2016 doit s'accompagner d'un débat public adéquat sur l'élaboration de mesures abordant des questions de société, y compris la sécurité, la protection de la vie privée et des données, la responsabilité civile et l’assurance ou la garantie. De nuisances sonores et autres, il n’est pas question dans le papier de la Commission.
Enfin, la Commission estime que les programmes existants devraient stimuler la compétitivité de l’industrie européenne des RPAS. La stratégie devrait offrir la sécurité juridique appropriée et présenter un calendrier fiable, afin que l'industrie puisse prendre des décisions d'investissement et créer de nouveaux emplois. Le marché des RPAS étant par nature de dimension mondiale, l’UE travaillera également en coordination avec les partenaires internationaux.
Des règles strictes à l’échelle de l’UE concernant les agréments de sécurité. La sécurité est l’objectif premier de la politique de l’UE en matière de transports aériens. Les normes de l’UE seront fondées sur le principe que les aéronefs pilotés à distance doivent offrir un niveau de sécurité équivalent à celui des opérations aériennes avec pilote à bord. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) va entamer l'élaboration de normes européennes spécifiques pour les aéronefs télépilotés.
Des contrôles rigoureux du respect de la vie privée et de la protection des données. Les données collectées par les drones devront être conformes aux règles applicables en matière de protection des données et les autorités chargées de la protection des données devront surveiller la collecte et le traitement ultérieur des données à caractère personnel. La Commission examinera comment garantir que les règles de protection des données s’appliquent pleinement aux aéronefs télépilotés et proposera des modifications ou des orientations spécifiques en tant que de besoin. En effet, les paparazzis utilisent des drones munis de caméras ou d'appareils photos pour survoler les lieux dans lesquels leurs cibles se trouvent.
Des contrôles sévères pour garantir la sûreté. Les drones civils, comme tout autre aéronef, peuvent donner lieu à d’éventuelles interventions illicites et menaces pour la sûreté. L’AESA commencera à définir les exigences requises en matière de sûreté, notamment pour protéger les flux d'information, et proposera ensuite des obligations légales spécifiques pour tous les acteurs concernés (par exemple, les responsables de la gestion du trafic aérien, l’exploitant, les prestataires de services de télécommunications), que les autorités nationales devront faire respecter.
Un cadre clair en matière de responsabilité et d'assurance. Le régime actuel d’assurance responsabilité civile a été essentiellement conçu pour des aéronefs avec équipage et prévoit que la masse (à partir de 500 kg) détermine le montant minimum de l’assurance. La Commission étudiera la nécessité de modifier les règles existantes de manière à tenir compte des spécificités des aéronefs télépilotés.
Rationalisation de la R&D et soutien en faveur des nouvelles entreprises. La Commission va rationaliser les travaux de R&D, notamment les fonds de l’UE consacrés à la R&D qui sont gérés par l'entreprise commune SESAR (ciel unique européen) afin que les délais restent les plus courts possibles pour les technologies prometteuses permettant d'intégrer les drones dans l’espace aérien européen. Les PME et les start-ups de ce secteur bénéficieront d'un soutien à l’industrie en vue de développer les technologies appropriées (programmes Horizon 2020 et COSME).
La Commission réalisera en 2014 une analyse (d’impact) approfondie afin d’examiner les problèmes et de définir les meilleures solutions pour y remédier. Cette analyse pourra être suivie d’une proposition législative, qui devra être approuvée par les États membres et par le Parlement européen.
Par ailleurs, l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) peut immédiatement s'atteler à l'établissement des normes de sécurité requises.
D’autres mesures pourront comprendre des actions de soutien dans le cadre de programmes de l'UE existants tels que SESAR, Horizon 2020 ou COSME. Tous ces efforts visent la réalisation de l’objectif énoncé par le Conseil européen de décembre 2013 d’assurer l’intégration progressive des RPAS dans l’espace aérien à partir de 2016.