Le 13 mai 2014, la Chambre des députés a modifié avec 55 voix pour et 5 voix contre la loi sur l’impôt sur le revenu et la loi générale des impôts, parce que certaines dispositions du droit fiscal national risquaient d’entrer en conflit avec les règles du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
La Commission européenne avait adressé des reproches à cet égard au Luxembourg le 27 septembre 2012. Le litige concernait la découverte et de l’imposition des plus-values latentes dans le cadre du transfert d’une entreprise ou de biens isolés par un contribuable vers un autre Etat partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE : tous les Etats membres de l’Union européenne, ainsi que l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège) alors que le contribuable continue à en être propriétaire, autrement dit l’imposition à la sortie ("exit taxation").
Comme l’a exposé la rapporteure du projet de loi 6556, la députée libérale Joëlle Elvinger, la loi modifiée prévoyait que si une entreprise quittait le Luxembourg, l’Etat luxembourgeois avait le droit de déterminer le montant de l’imposition sur les plus-values nées pendant la période de résidence ou de rattachement du contribuable ou pendant que les biens transférés se trouvent sur son territoire.
La nouvelle loi ne met pas en question ce droit. Mais ce qui était contesté, c’était le caractère immédiat du recouvrement de cet impôt. La Commission estimait qu’il entravait le principe européen de la liberté d’établissement.
Au Luxembourg, jusque-là, cet impôt était prélevé au moment du transfert des biens vers l’étranger. Or ces dispositions étaient potentiellement incompatibles avec les règles de droit prévues par le Traité CE et contraires à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne.
La Chambre a constaté dans ses délibérations qu’il était vrai que les contribuables non-résidents propriétaires d’une entreprise ou d’un établissement stable sur le territoire luxembourgeois se trouvaient dans une situation plus défavorable par rapport aux contribuables résidents lorsque leur entreprise ou leur établissement stable était transféré vers un autre Etat membre de l’EEE,
La loi votée le 13 mai 2014 vise à accorder au contribuable, sur demande et sans intérêts de retard, un sursis de paiement de la dette fiscale aussi longtemps qu’il reste propriétaire des biens transférés et qu’il est contribuable résident d’un Etat partie à l’Accord sur l’Espace économique européen.
Elle porte aussi sur un élargissement de l’article 54 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu qui traite de l’immunisation provisoire des plus-values réalisées sur la cession de certains éléments d’actifs en cas de réemploi du prix de cession. L’ancienne loi prévoyait que le réemploi devait se faire dans une entreprise établie au Luxembourg. La nouvelle loi étend le report d’imposition aux biens économiques investis dans un établissement stable situé dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat de l’EEE.
Lors du court débat qui a eu lieu avant le vote, le député CSV Gilles Roth a apporté le soutien du plus grand parti d’opposition à la loi dans la mesure où elle doit être considérée comme une chance pour rendre le pays plus compétitif.
Alex Bodry (LSAP) a approuvé une démarche qui met tous les résidents concernés à un traitement égal.
Les Verts ont eux aussi apporté leur soutien à la loi, sans autre commentaire.
Roy Reding (ADR) a marqué son désaccord avec la loi, parce que la disposition sur le report d’imposition s’applique aux entreprises dans l’EEE, alors que le report des plus-values des personnes privées sur des objets immobiliers sera quant à lui aboli.
Le député de Déi Lénk, Justin Turpel a placé la loi en question sous le signe des délocalisations qu’il considère comme un moyen auquel les entreprises recourent pour payer moins d’impôts. Ce comportement, qui lui semble devenir la règle dans l’UE, pose de nombreux problèmes. Le fait que de grandes entreprises multinationales comme les grands de l’Internet ne paient presque pas d’impôts a occasionné selon lui aux Etats de l’UE une perte en termes de recettes fiscales de mille milliards d’euros par an, ce qui est l’équivalent du budget entier de l’UE pour le septennat 2014-2020. Plutôt que de favoriser l’évasion fiscale, l’UE aurait dû aller selon Justin Turpel dans le sens de plus de justice fiscale, mais les délocalisations et le dumping fiscal qui sont devenus la règle sont le fruit d’un choix idéologique bien déterminé. D’où le rejet de cette loi par Déi Lénk
Répondant à l’ADR, le ministre des Finances Pierre Gramegna a confirmé que le projet de loi ne s’apppliquait efffectivement qu’aux entreprises, et pas aux personnes privées. La loi a été votée avec 55 voix pour et 5 voix contre, les 3 voix de l’ADR et les 2 voix de Déi Lénk.