M. et Mme Wiering résident avec leurs deux enfants à Trèves (Allemagne). M. Wiering exerce une activité salariée au Luxembourg, tandis que son épouse travaille en tant que fonctionnaire en Allemagne. En 2007, M. Wiering a sollicité auprès de la CNPF luxembourgeoise le versement d’allocations familiales au titre de ses deux enfants. En Allemagne, les époux touchaient déjà le "Kindergeld" (prestations pour enfants) et l’"Elterngeld" (prestations pour congé parental).
Le droit de l’Union prévoit des règles afin d’éviter le cumul de prestations familiales auxquelles un travailleur a droit à la fois dans son État de résidence et dans son État d’emploi. Ainsi, le fait que Mme Wiering exerce une activité professionnelle en Allemagne où les enfants ont leur résidence suspend le droit aux allocations de M. Wiering au Luxembourg jusqu’à concurrence du montant des allocations de même nature effectivement versées par l’Allemagne.
Considérant que l'Elterngeld et le Kindergeld étaient des prestations de même nature que les allocations familiales luxembourgeoises, la CNPF a refusé de verser aux époux Wiering le complément différentiel au motif que le montant des prestations allemandes ("Elterngeld" et "Kindergeld") dépassait celui des prestations luxembourgeoises. M. et Mme Wiering considèrent que, si les allocations familiales luxembourgeoises sont bien de même nature que le "Kindergeld", elles ne sont pas des prestations de même nature que l’"Elterngeld". Ce dernier n’aurait dès lors pas dû être pris en considération dans le cadre du calcul du complément différentiel demandé par M. Wiering à la CNPF.
Saisie du litige en dernière instance, la Cour de cassation luxembourgeoise demandait à la Cour de justice si, aux fins du calcul du complément différentiel éventuellement dû à un travailleur migrant au Luxembourg, l’ensemble des prestations familiales perçues par la famille de ce travailleur en Allemagne (à savoir "Elterngeld" et "Kindergeld") doivent être prises en compte en tant que prestations de même nature. L’identité de nature entre les allocations familiales luxembourgeoises et le "Kindergeld" n’étant pas contestée, la Cour de justice examinait si l’ Elterngeld" peut être considéré comme une prestation de même nature que les allocations familiales luxembourgeoises.
Dans son arrêt rendu le 8 mai 2014 dans l’affaire C-347/12, la Cour relève que l’Elterngeld a essentiellement pour objet de contribuer au maintien des conditions d’existence de la famille en cas de cessation temporaire, totale ou partielle de l’activité professionnelle des parents pour les besoins de l’éducation de leurs enfants en bas âge. La Cour constate en outre que l’Elterngeld n’est pas accordé exclusivement en fonction du nombre d’enfants et de leur âge, mais est généralement calculé en fonction du salaire perçu avant l’interruption de l’activité professionnelle (en général 67 % du salaire antérieur à concurrence de 1 800 euros par mois maximum).
En revanche, le Kindergeld et les allocations familiales luxembourgeoises visent à permettre aux parents de couvrir les frais liés aux besoins de l’enfant et sont accordées sans tenir compte des revenus ou du patrimoine des membres de la famille ni d’une éventuelle activité professionnelle des parents. En outre, il s’agit de prestations périodiques en espèces accordées exclusivement en fonction du nombre et de l’âge des enfants, de sorte qu’elles peuvent être qualifiées d’allocations familiales au sens du droit de l’Union.
Au vu de ces considérations, la Cour en conclut que l’Elterngeld ne peut pas être qualifié d’allocations familiales au sens du droit de l’Union et n’est donc pas de même nature que le Kindergeld allemand et les allocations familiales luxembourgeoises.
En résumé, la Cour considère que l'Elterngeld allemand n’est pas une prestation de même nature que les allocations familiales luxembourgeoises et ne doit donc pas être pris en compte dans le cadre du calcul du complément différentiel.