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Initiative citoyenne européenne
En réponse à l’initiative citoyenne "Un de nous", la Commission européenne décide de ne pas publier de proposition législative, ce que les organisateurs de l’ICE dénoncent comme "une décision contraire aux exigences éthiques et démocratiques"
28-05-2014


La Commission européenne a présenté le 28 mai 2014 sa réponse à l'initiative citoyenne européenne (ICE) "Un de nous".

Les revendications de l’initiative "Un de nous"

L'initiative "Un de nous" a pour objet la "protection juridique de la dignité, du droit à la vie et à l'intégrité de tout être humain depuis la conception dans les domaines de compétence de l'UE où cette protection s'avère d'une importance particulière".

Au titre des principaux objectifs, les organisateurs déclarent que "la dignité et l’intégrité de l'embryon humain doivent être respectées. Ceci a été établi par l'arrêt Brüstle contre Greenpeace de la CJUE qui définit l'embryon humain comme le commencement du processus de développement d’un être humain. Afin d’être cohérente dans l’exercice de ses compétences, l'UE devrait interdire et mettre fin au financement des activités qui impliquent la destruction d'embryons humains, en particulier dans les domaines de la recherche, de l’aide au développement et de la santé publique".Un de nous

Les auteurs de cette initiative proposaient trois modifications législatives:

  • Le règlement financier: Principe de cohérence: Aucun fonds de l’Union européenne ne doit être attribué à des activités qui détruisent des embryons humains ou qui présupposent leur destruction;
  • Financement de la recherche – le règlement "Horizon 2020": Principes éthiques: Les domaines de recherche suivants ne sont pas financés: [...] les activités de recherche qui détruisent des embryons humains, notamment celles visant à obtenir des cellules souches, et la recherche impliquant l’utilisation de cellules souches embryonnaires humaines dans des étapes ultérieures pour les obtenir;
  • Coopération au développement - règlement portant établissement d'un instrument financier de coopération au développement (ICD): Objectifs: L’aide de l'Union, en vertu du présent Règlement, ne doit pas servir à financer directement ou indirectement l’avortement ni par le biais d’organisations qui l’encouragent ou la promeuvent. Dans le présent Règlement, aucune référence faite à la santé génésique et sexuelle, aux soins, aux droits, aux services, aux fournitures médicales, à l’éducation et à l’information définis lors de la Conférence internationale sur la population et le développement, à ses principes et Programme d’action, à l’Ordre du jour du Caire et aux objectifs du Millénaire pour le Développement, notamment l’objectif n° 5 concernant la santé et la mortalité maternelle, ne peut être interprétée comme servant de fondement légal à l’utilisation de fonds de l’Union européenne pour financer directement ou indirectement l’avortement.

La Commission décide de ne pas soumettre de proposition législative

Les organisateurs de l’initiative ont recueilli, après l’enregistrement de leur proposition, plus que le nombre de signatures requis, soit un million de signatures de citoyens provenant d'au moins sept États membres de l'UE, dont 5469 signatures recueillies au Luxembourg. Ils ont rencontré les services de la Commission le 9 avril 2014 puis ont pris part, le lendemain, à une audition publique au Parlement européen.

Dans la communication publiée le 28 mai 2014 en réponse aux signataires de cette initiative citoyenne, la Commission justifie point par point les raisons pour lesquelles elle a décidé de ne pas donner suite sous la forme d’une proposition législative.

Le règlement financier est conforme aux traités de l’Union et à la charte des droits fondamentaux et garantit donc déjà que toutes les dépenses de l’UE respectent la dignité humaine, le droit à la vie et le droit à l’intégrité de la personne

En ce qui concerne la demande adressée à l'Union de mettre fin au financement des actions et de modifier le règlement financier, les services de la Commission relèvent que toutes les dépenses de l'Union doivent être conformes aux traités de l'Union et à la charte des droits fondamentaux.

En conséquence, souligne la Commission, le règlement financier de l'Union garantit déjà que toutes les dépenses de l'Union, y compris celles engagées dans les domaines de la recherche, de la coopération au développement et de la santé publique, respectent la dignité humaine, le droit à la vie et le droit à l'intégrité de la personne. De surcroît, précise la Commission, le règlement financier a pour objectif de prévoir des règles financières, formulées non pas pour un domaine particulier de la politique de l'Union mais en termes généraux, et relatives notamment à l'établissement et à l'exécution du budget de l'Union européenne.

Les dispositions du programme Horizon 2020 offrent un système de triple sécurité en matière de recherche sur les cellules souches embryonnaires et elles ont été adoptées par les colégislateurs en décembre 2013, en tenant compte  les aspects éthiques

En ce qui concerne le règlement Horizon 2020, la Commission souligne là encore que les dispositions du programme-cadre Horizon 2020 relatives à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines sont totalement conformes aux traités de l'Union et à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Elle est également d'avis que ces dispositions répondent déjà à plusieurs demandes importantes des organisateurs, notamment celle tendant à obtenir que l'Union ne finance pas la destruction d'embryons humains et qu'elle instaure des contrôles adaptés.

Les dispositions d'Horizon 2020 relatives à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ont été soigneusement pesées et constituent un "système de triple sécurité", souligne la Commission:

  1. Tout d'abord, la législation nationale est respectée: les projets de l'UE doivent obéir aux lois du pays dans lequel la recherche est menée
  2. Ensuite, tous les projets doivent être scientifiquement validés sur la base d'un examen par les pairs et doivent faire l'objet d'un examen éthique rigoureux.
  3. Enfin, les fonds de l'UE ne peuvent pas être utilisés pour l'isolement de nouvelles lignées de cellules souches ni pour des recherches qui impliquent de détruire des embryons, y compris pour l'approvisionnement en cellules souches.

Ces dispositions prévoient un ensemble d'exclusions explicites et de clauses de conditionnalité, plusieurs contrôles ex-ante rigoureux (examens scientifique et éthique), des niveaux décisionnels supplémentaires qui, pour un projet donné, associent les États membres, des obligations contractuelles, des obligations précises relatives à la production de rapports, et des audits ex-post. Les audits systémiques démontrent que le système instauré est bien conçu et conforme aux normes éthiques les plus élevées, observe la Commission.

La Commission ajoute encore qu’elle n'encourage pas expressément de propositions de recherche impliquant l'utilisation de cellules souches embryonnaires humaines. Pour elle, il s'agit plutôt de financer des travaux sur des thérapies destinées à traiter des pathologies ou des problèmes de santé publique, par exemple la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington ou le diabète. Certaines des recherches qu'elle finance peuvent avoir recours à des cellules souches embryonnaires humaines. Entre 2007 et 2013, l’Union a accordé, pour un montant total de 156,7 millions d’euros, des financements à 27 projets de recherche collaborative en matière de santé impliquant l’utilisation de cellules souches embryonnaires humaines. Au cours de la même période, le total des dépenses consacrées à la recherche dans le secteur de la santé s'est établi à près de 6 milliards d’euros

Par ailleurs, la Commission considère qu'elle ne peut satisfaire à la demande des organisateurs tendant à ce que l'Union ne finance pas la recherche ultérieure à l'établissement de lignées de cellules souches embryonnaires humaines. La Commission a en effet formulé sa proposition en prenant en compte les considérations éthiques, les avantages potentiels pour la santé et la valeur ajoutée du soutien au niveau de l'Union, pour tous les types de recherche sur les cellules souches. Les co-législateurs, à savoir le Parlement européen et le Conseil, ont adopté cette proposition sur le fondement d'un accord obtenu démocratiquement lors des négociations interinstitutionnelles. C’est en décembre 2013 que les co-législateurs de l'Union, à savoir le Parlement européen et le Conseil, ont approuvé les dispositions relatives au financement au titre du programme-cadre Horizon 2020 en prenant tous les aspects en compte, dont les considérations éthiques, la valeur ajoutée au niveau de l'Union et les avantages potentiels pour la santé de tous les types de recherche sur les cellules souches.

Interdire le financement de tout avortement dans le règlement portant établissement d’un instrument financier de coopération au développement entraverait la capacité de l’UE à atteindre les objectifs du Millénaire (OMD), craint la Commission qui souligne que sa politique contribue à réduire le nombre d’avortements

Enfin, en ce qui concerne le règlement portant établissement d'un instrument financier de coopération au développement, les services de la Commission estiment que "l’objectif sous-jacent de l'initiative citoyenne est la réduction du nombre d'avortements pratiqués dans les pays en développement".

Or, souligne la Commission, la coopération au développement dans le domaine de la santé maternelle et infantile est guidée par d’une part les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), destinés à lutter contre la pauvreté dans le monde, qui comprennent un objectif visant spécifiquement à réduire de trois quarts la mortalité maternelle avant 2015 et à garantir un accès universel à la santé génésique et d’autre part le programme d’action élaboré par la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), qui indique que l’avortement ne devrait en aucun cas être encouragé comme une méthode de planification familiale, que les soins liés à l'avortement doivent s'inscrire dans le cadre juridique de chaque pays, et que dans les cas où il n’est pas interdit par la loi, l’avortement devrait être pratiqué dans de bonnes conditions de sécurité.

Par ailleurs, les priorités des financements de l’UE dans le domaine de la santé sont décidées avec les gouvernements des pays partenaires, l'accent étant mis sur l’amélioration des systèmes de santé nationaux et sur le renforcement de l’accessibilité de ceux-ci. La Commission souligne que le soutien de l'Union contribue fortement à réduire le nombre d'avortements parce qu'il améliore l'accès à des services sûrs et efficaces, dont une planification familiale de qualité, une large gamme de méthodes contraceptives, la contraception d'urgence et une éducation sexuelle globale.

Du point de vue de la Commission l’UE dispose actuellement du cadre juridique nécessaire pour gérer efficacement son financement au développement d’une façon qui contribue à réduire autant que possible le nombre d’avortements pratiqués dans les pays en développement. Toutefois, à ses yeux, une interdiction de financement entraverait la capacité de l’UE d’atteindre les OMD, notamment en matière de santé maternelle.

"La Commission fait du mécanisme d’ICE un simulacre", dénoncent les organisateurs de "Un de nous" en promettant que "la procédure n’est pas close"

Aussitôt la communication de la Commission publiée, les organisateurs de l’initiative citoyenne ont dénoncé "une décision contraire aux exigences éthiques et démocratiques".

Le Comité "Un de nous" évoque "un veto" de la Commission européenne qu’il juge "illégitime et anti-démocratique" dans la mesure où "c’est au législateur européen qu’il appartient de se prononcer politiquement sur le fond de l’Initiative, et non pas à la Commission". Selon les organisateurs de cette ICE, la Commission "plutôt que de constater le succès de l’initiative et de la transmettre au Parlement et au Conseil européens, a abusé de son pouvoir de contrôle formel pour porter un jugement sur l’opportunité politique de "Un de Nous" et pour bloquer la procédure". Ils en concluent que la Commission "fait ainsi du mécanisme d’ICE un simulacre alors que les députés voulaient au contraire en faire un véritable instrument de démocratie participative".

"La procédure n’est pas close", soulignent-ils : "d’une part, la décision de la Commission est susceptible d’un recours auprès de la Cour de Justice de Luxembourg et d’autre part, le nouveau Parlement va auditionner la prochaine Commission, permettant de replacer le respect de l’Initiative citoyenne au cœur des débats, en demandant aux institution européennes plus d’éthique et plus de démocratie".