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Politique étrangère et de défense
Conseil Affaires étrangères – Le plan de paix proposé par le président ukrainien Porochenko était le sujet principal du Conseil avec aussi la situation en Irak, Syrie et Thaïlande
23-06-2014


cae-jean-asselborn-230614-source-consiliumLe Conseil Affaires étrangères a exhorté la Russie à soutenir et à appliquer le plan de paix proposé par le président ukrainien Petro Porochenko, lors d’une réunion le 23 juin 2014 à Luxembourg. Moscou doit "faire valoir son influence" pour mettre en œuvre ce plan, qui est considéré par le Conseil comme "une chance majeure de désescalade". Les ministres européens des Affaires étrangères  ont appelé toutes les parties à "accepter et honorer immédiatement un cessez-le-feu afin de stabiliser la situation en matière de sécurité". Le plan de paix, proposé le 20 juin 2014, prévoit entre autre un cessez-le-feu, la libération des otages, une zone-tampon et à long terme un désarmement des séparatistes.

Pour le ministre allemand, Frank-Walter Steinmeier, "le plan de paix du président Petro Porochenko et le cessez-le-feu ne sont pas seulement courageux, ils représentent aussi une étape décisive" en vue d'une résolution de la crise. "Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une semaine cruciale pour l'Ukraine", a-t-il ajouté. "Cette semaine doit être consacrée à traduire concrètement dans les faits la désescalade. C'est la priorité", a déclaré le ministre français Laurent Fabius. Pour cela, les Russes doivent "s'impliquer pour que le plan de paix s'applique" et cela doit être fait "dans les jours qui viennent", a souhaité Laurent Fabius.

Le ministre ukrainien, Pavlo Klimkine, venu présenter le plan de paix, a considéré qu'une désescalade était maintenant "vraiment nécessaire», selon l’Agence Europe. "Nous sommes pleinement engagés sur le plan de paix, nous faisons de notre mieux pour mettre en place ce plan. Nous avons besoin de la Russie à bord", a-t-il ajouté. Il a précisé que l'UE devait maintenir la pression sur tous ceux capables de faire changer la situation, qu'il fallait garder toutes les options possibles sur la table, comme le renforcement des sanctions. "Le président Poutine ne doit pas douter que l'UE est prête à prendre de nouvelles mesures" pour sanctionner la Russie, a prévenu le ministre britannique, William Hague. "D'ici à vendredi, nous devrions être en mesure de voir" comment la Russie répond au plan de paix de Porochenko, a-t-il ajouté. L'Ukraine sera une nouvelle fois au menu du Conseil européen du 27 juin 2014, en marge duquel sera signé l'accord d'association UE-Ukraine. La question des sanctions reviendra sur le tapis si "rien ne bouge, si rien ne change du tout", a précisé Frank-Walter Steinmeier.

Jean Asselborn appelle Moscou à mieux contrôler les frontières

Pour Jean Asselborn, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, le plan de paix "va à la rencontre des revendications russes". Le ministre a noté, lors d’une conférence de presse, que "de bonnes volontés" existaient des deux côtés, notamment du côté du président ukrainien Porochenko qui soutiendrait, selon lui, la thèse que "pour avoir la stabilité en Ukraine, il faut coopérer avec et pas contre la Russie". "Il a dit qu’il veut travailler avec la Russie ce qui est très positif et sérieux".

Le ministre a lancé un appel à la Russie à mieux contrôler les frontières pour stopper le flux d’armes.  "Il faut que le président Poutine arrive à trouver un accord avec son homologue ukrainien, sinon on n’arrivera jamais à une solution. On ne peut pas s’accorder sur un cessez-le-feu, mais laisser entrer des armes et des combattants dans le pays. Il y a des armes lourdes en Ukraine qui ne tombent pas du ciel et qu’on ne peut pas acheter dans un magasin". Il a précisé que parmi les séparatistes pro-russes, il y a auraient des Ukrainiens, mais aussi des Tchétchènes et des mercenaires qui ont combattu en Syrie, une information que lui aurait confirmé son homologue ukrainien Pavlo Klimkine lors d’une réunion bilatérale.

Des mesures supplémentaires dans le dossier ukrainien

Le Conseil a en outre approuvé une mission de soutien à la réforme du secteur de la sécurité en Ukraine, dans le cadre de Politique de sécurité et de défense commune de l'UE (PSDC). "Notre mission mettrait l'expertise européenne à la disposition des autorités ukrainiennes, afin de les aider à améliorer la gestion du maintien de l'ordre de manière à ce que celui-ci soit  efficace, juste et sous contrôle démocratique", a déclaré Catherine Ashton, la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères. 

Les ministres ont par ailleurs formellement approuvé la décision d'interdire les importations de produits, notamment de vin, originaires de Crimée et de Sébastopol, afin de sanctionner le rattachement de la péninsule à la Russie. A compter du 25 juin, il sera "également interdit de fournir des services financiers et d'assurance" concernant ces marchandises, a précisé le Conseil.

La Commission augmente son aide humanitaire en Irak à 12 millions d’euros

Concernant l’avancée des djihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) en Irak, le Conseil a exprimé sa "profonde inquiétude" à propos de la "détérioration rapide des conditions de sécurité" et s’est dit "gravement préoccupée par la crise humanitaire" alors que près d’un million de personnes ont été déplacés en fuyant les combats. Dans ce contexte, la Commission européenne a décidé d'augmenter de 5 millions d'euros l'aide humanitaire ce qui porte à 12 millions d'euros l'enveloppe consacrée depuis le début de l'année à l'aide humanitaire apportée à l'Irak, selon les conclusions. Les ministres ont plaidé pour une "solution politique durable de la part du gouvernement irakien, qui associe dans un esprit d'unité nationale l'ensemble des responsables et des communautés de l'Irak". Ils soulignent que les communautés "doivent faire abstraction de leurs différends pour lutter en commun contre la menace terroriste et rétablir la sécurité et l'État de droit".

Jean Asselborn met en garde contre une désintégration de l’Irak et ne voit pas de futur pour le gouvernement de Nouri Al-Maliki

Si ces conclusions ne mentionnent pas le sort du Premier ministre chiite Nouri Al-Maliki, le ministre luxembourgeois Jean Asselborn a été plus franc lors de sa conférence de presse : Malgré la victoire du parti chiite aux législatives du 30 avril 2014, il ne voit pas de futur pour ce gouvernement, pour la simple raison "qu‘avec Al-Maliki, on n’arrivera pas à avoir un gouvernement qui sera accepté par les trois communautés". Le ministre a précisé que même l’Iran, pays à domination chiite, aurait déconseillé récemment au Premier ministre irakien de continuer ainsi. Le ministre a néanmoins appelé à ne pas commettre "la même erreur" qu’en Syrie où "l’option principale était que le président Assad doit partir". "Avec tous les reproches qu’on peut faire à Al-Maliki, il n’est pas Assad, on ne peut pas les comparer. La Syrie est considérée comme beaucoup plus antidémocratique que l’Irak où des élections ont eu lieu qui reflètent l’opinion du peuple", a-t-il souligné. "Le message a été clair. Il faut un gouvernement inclusif ce qui veut dire implicitement qu’il faut un nouveau Premier ministre qui soit reconnu par toutes les communautés".

Pour Jean Asselborn, la raison du conflit se trouve dans les huit ans de règne du Premier ministre chiite Al-Maliki "qui n’a pas réussi à former un gouvernement inclusif". Il précise qu’il y a des "divisions féroces" entre les sunnites et chiites.

Il a mis en garde contre la désintégration totale de l’Etat irakien. "Il y a la crainte que l’Irak puisse tomber entre les mains de terroristes  qui sont pires qu’Al-Qaïda". Il a cité une source palestinienne, selon laquelle la crise en Irak pourrait s’avérer "une catastrophe terrible, pire que la Syrie, avec une vraie guerre civile".

Il a exclu toute intervention militaire puisque celle-ci "servirait un gouvernement qui n’est pas soutenu par son propre peuple". La meilleure façon de résoudre ce conflit serait d’engager beaucoup plus les pays de la région, telle que la Ligue arabe ou le GCC, juge-t-il, ajoutant que "l’Europe devrait pousser dans cette direction".

Le Conseil renforce les sanctions contre le régime syrien

Le Conseil AE a par ailleurs renforcé les sanctions existantes contre le régime syrien en vertu de la "gravité de la situation dans le pays", avec un nouveau gel des avoirs et une interdiction de voyager dans l’UE pour 12 ministres en raison de leur "responsabilité pour des violations des droits de l’homme", ce qui porte le nombre de personnes sanctionnées à 191. Le ministre luxembourgeois, Jean Asselborn, a précisé qu’il y a trois millions de réfugiés dont un million au Liban. "42 % de la population libanaise sont des réfugiés – c’est comme si le Royaume-Uni devrait accueillir les populations de la Roumanie et de la Bulgarie", a-t-il souligné.

Le Conseil suspend des visites officielles en Thaïlande en signe de protestation

Exprimant leur "forte préoccupation", les ministres ont appelé la junte qui a pris le pouvoir en Thaïlande lors d’un coup d’Etat le 22 mai, à "rétablir, en urgence, le processus démocratique légitime et la Constitution, par le moyen d'élections crédibles et représentatives". En signe de protestation, "les visites officielles vers (la Thaïlande) et de Thaïlande ont été suspendues" et "l'UE et ses Etats membres ne signeront pas l'Accord de partenariat et de coopération avec la Thaïlande tant qu'un gouvernement démocratiquement élu ne sera pas nommé", selon le texte. La junte thaïlandaise s'est dite "déçue" de cette décision, appelant les Européens à "réexaminer la situation" et à être patients.