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Migration et asile
Suite à une injonction de la Commission européenne, la Chambre des députés modifie des articles de la loi sur la libre circulation des personnes et l'immigration qui ont trait au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
19-06-2014


La Chambre des députés a voté le 19 juin 2014 avec 58 voix et 2 abstentions le projet de loi 6673 qui modifie la loi sur la libre circulation des personnes et l'immigration de 2008.

Suite à une évaluation de la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (dite "directive retour"), les services de la Commission européenne avaient conclu à la non-conformité de la législation nationale du Grand-Duché en trois points. Ce sont ces trois points critiqués par la Commission que la Chambre des députés a modifiés, évitant ainsi qu’une procédure d’infraction ne soit lancée contre le Luxembourg.

Une première modification concerne l’article 111(2) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration qui ne reprend pas les exemples cités par l’article 7(2) de la directive 2008/115/CE pour lesquelles une extension de la période de départ volontaire serait possible. Se référant à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 7 mai 2002 dans l’affaire C-478/99 (Commission contre Suède), la Commission européenne avait soutenu que pour atteindre le résultat visé par la directive, les exemples énumérés ont une valeur indicative et illustrative et doivent être transposés en droit national de façon à ce que le public puisse en prendre connaissance. Le texte du projet de loi reprend ces exemples non limitatifs, à savoir la durée du séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux.

Ensuite, selon la Commission européenne, la transposition correcte de l’article 3(6) de la directive requiert que la législation nationale prévoie expressément que l’interdiction d’entrée concerne l’ensemble du territoire des Etats membres ou du moins que l’étranger à l’encontre duquel a été prise une interdiction d’entrée sur le territoire soit informé qu’il fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen (SIS). Là aussi, le législateur s’est acquitté de la demande de la Commission.

Finalement, la Commission européenne a retenu que la législation luxembourgeoise n’était pas conforme avec l’interprétation que la Cour de Justice de l’Union européenne a donnée de la directive 2008/115/CE dans l’arrêt Achughbabian (CJUE, 6 décembre 2011, affaire C-329/11) au sujet de la criminalisation du séjour irrégulier. Selon la Cour de Justice, la directive doit être interprétée en ce sens qu’elle "s’oppose à une réglementation d’un État membre réprimant le séjour irrégulier par des sanctions pénales, pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers qui, tout en séjournant irrégulièrement sur le territoire dudit État membre et n’étant pas disposé à quitter ce territoire volontairement, n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention".

Selon la Commission, le libellé de l’article 140 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration qui a été changé portait atteinte à l’effet utile de la directive puisque la disposition prévue était susceptible de faire échec à l’application des normes et procédures communes établies par la directive.

La modification retenue adapte l’article 140 en vue de sa conformité à la directive et prévoit une sanction pénale à l’encontre d’un ressortissant de pays tiers auquel la procédure de retour a été appliquée et qui continue de séjourner irrégulièrement sur le territoire sans avoir un motif justifié de non-retour, notamment s’il ne bénéficie ni d’un report, ni d’un sursis à l’éloignement. Le ressortissant de pays tiers qui, sans motif justifié de non-retour, séjourne irrégulièrement sur le territoire après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement, sera désormais puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de 251 à 1.250 euros ou d’une de ces peines seulement.

Le débat

Dans son rapport, le député socialiste Marc Angel a souligné que le projet de loi ne transposait pas le volet des autorisations de séjour annoncé dans le programme gouvernemental et qu’il ne s’agissait pas de la dernière adaptation de la loi de 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration. Il s’agissait d’abord d’éviter une procédure d’infraction et la législation nationale devait par conséquent être modifiée le plus rapidement possible. Par ailleurs, a-t-il souligné, le projet de loi ne va rien changer à la pratique sur le terrain.

Claude Wiseler (CSV) a apporté le soutien de son parti au projet de loi et déclaré que son groupe politique attendait les autres changements prévus pour le texte de la loi de 2008. Eugène Berger (DP) a insisté sur l’urgence de voter un texte qui apporte de "petites modifications" seulement. Pour Claude Adam (Déi Gréng), on ne peut séparer la politique d’asile, la politique d’immigration et la traite des personnes humaines, de sorte que le Luxembourg doit s’engager pour le respect des droits de l’homme dans ces domaines. Ce sera en 2015 qu’une nouvelle loi sur l’immigration et l’asile devra aborder ces problèmes, a-t-il indiqué. Fernand Kartheiser (ADR) a apporté le soutien de sa sensibilité politique au projet de loi toute en s’insurgeant sur la manière dont la Commission adressait des injonctions à l’Etat luxembourgeois pour modifier un texte de loi sans que cela implique une vraie valeur ajoutée ou de la substance, sauf pour la troisième modification. Serge  Urbany (Déi Lénk) a plaidé pour que la loi sur l’immigration soit amendée, l’estimant mauvaise. Mais sa sensibilité politique s’est abstenue, bien qu’elle ait admis que la troisième modification représentait un progrès par rapport à la première formulation, estimant que le contexte actuel n’était pas propice pour légiférer en à la matière. 

Le ministre en charge de l’Immigration, Jean Asselborna confirmé qu’une nouvelle loi sur

l’immigration et l’asile était en gestation, conformément au programme de gouvernement. Il a confirmé que les exemples que la Commission avait demandé d’ajouter dans la première modification correspondaient à la pratique du Luxembourg. De même, a-t-il précisé, le Luxembourg n’a pas poursuivi des personnes en séjour irrégulier dont le retour est impossible. Par ailleurs, il a insisté sur le fait qu’il n’est pas évident de poursuivre pénalement les personnes en infraction dans la pratique.