Suite à la liquidation judiciaire de l’asbl Objectif plein emploi (OPE), ses anciens salariés ont saisi la Commission européenne d’une plainte pour ne pas avoir bénéficié du Fonds pour l’emploi après leur licenciement, au motif qu’une asbl ne peut pas, selon la législation luxembourgeoise, être déclarée en faillite. Les ex-salariés qui estiment qu’il y a une inégalité de traitement entre salariés ont invoqué la directive européenne sur l’insolvabilité.
La Commission leur donne raison, en estimant que "la directive insolvabilité ne prévoit pas de distinction entre les employeurs ayant une activité à but lucratif et les autres", selon un courrier cité par le Quotidien dans son édition du 11 juin 2014. La directive européenne s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité, selon son premier article.
L’Etat luxembourgeois avait mis fin en juin 2013 à la convention entre l’Etat et l’OPE, qui s’est endetté à hauteur de plus de six millions d’euros auprès de l’Etat et des communes. Près d’une centaine de salariés se sont vu licenciés du jour au lendemain. La liquidation judiciaire de l’organisme a été ordonnée le 13 novembre 2013.
Les salariés auraient perçu des indemnités de chômage "dès le jour de l’arrêt des activités de l’OPE" qui est intervenu bien avant sa liquidation judiciaire, a déclaré le ministre du travail Nicolas Schmit le 2 juin 2014 dans une réponse à une question parlementaire déposée par le député Serge Wilmes (CSV), en ajoutant que ce n’aurait pas été le cas pour une faillite. "OPE a été constitué sous forme d'une asbl et n'a donc pas pu être déclarée en état de faillite. De ce fait et sur base de la législation actuelle, les salariés d'OPE n'ont pas pu bénéficier de la garantie de créance du Fonds pour l'emploi pour les indemnités de préavis restant dus", écrit Nicolas Schmit. Il précise néanmoins "qu’il a été décidé de leur accorder tout de suite les indemnités de chômage de la part du Fonds pour l’emploi" jusqu’à l’expiration de la période du préavis "pour éviter que les salariés OPE ne soient privés de tous revenus pendant plusieurs mois". Le ministre souligne qu’au "moment où fut ordonnée la liquidation judiciaire d'OPE, les anciens salariés bénéficiaient tous des indemnités de chômage de sorte que la garantie de créance qui n'aurait pu jouer qu'à partir du 13 novembre 2013 n'était plus de mise, les salariés ayant obtenu des indemnités de chômage".
Selon le Quotidien, les salariés ont cotisé pour le Fonds pour l’emploi qui prévoit de verser aux salariés, en cas de faillite de leur employeur, les arriérés de salaire résultant des six derniers mois de travail. Le journal estime que les salariés "auraient pu profiter d’une période de chômage plus longue" s’ils avaient bénéficié du Fonds pour l’emploi et que l’Etat a ainsi fait "de belles économies" sur le dos des salariés.
Dans sa réponse écrite, Nicolas Schmit a par ailleurs annoncé qu’il allait mettre en conformité avec la législation européenne la législation luxembourgeoise, qui, au moment de l’insolvabilité de l’OPE, était "plus stricte que la directive communautaire", en estimant que "la législation nationale parle de faillite de l'employeur tandis que la directive communautaire se réfère à l'insolvabilité de l'employeur, incluant ainsi des associations comme OPE". Le Code de travail (article L.126.1) sur la garantie des créances du salarié en cas de faillite de l’employeur sera modifié, en ajoutant un alinéa qui reprend une partie de l’article 2 de la directive : "Il en est de même lorsque le tribunal compétent soit a décidé l'ouverture de la procédure collective fondée sur l'insolvabilité de l'employeur, soit a constaté la fermeture définitive de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur, ainsi que l'insuffisance de l'actif disponible pour justifier l'ouverture de la procédure collective fondée sur l'insolvabilité de l'employeur". Les ex-salariés espèrent pour leur part que "la modification de la loi sera votée avec effet rétroactif avant que les ex-salariés n’entament une procédure devant les tribunaux nationaux", ainsi que l’a confié l’un d’entre eux au Quotidien.
Quant à la suite qui sera donnée à cette affaire, selon le Quotidien, la Commission va transférer la plainte des ex-salariés de l’OPE dans le système EU-Pilot, qui vise à trouver plus facilement des solutions aux problèmes qui se posent dans le domaine de l'application du droit de l'UE ou de la conformité de la législation d'un État membre avec ce droit, afin "d’éviter, si possible, le lancement d’une procédure d’infraction". "Les réponses obtenues par les autorités nationales nous permettront notamment de déterminer si d’éventuelles autres sanctions sont requises à l’encontre du Luxembourg", écrit la Commission selon le courrier cité par le Quotidien.