Après La Valette en 2008 et le Caire en 2012, la troisième réunion ministérielle UE-Ligue arabe a réuni à Athènes les ministres des Affaires étrangères de l’UE et leurs homologues de la Ligue arabe, le 11 juin 2014. Le ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg, Jean Asselborn, y représentait le Grand-Duché.
La rencontre avait pour objectif de faire le point sur l’état des relations entre les 28 États membres de l’UE et les 21 pays de la Ligue arabe (la Syrie étant suspendue), notamment "en envisageant les pistes pour renforcer la coopération stratégique, institutionnelle, socio-économique et politique", détaille un communiqué diffusé par le Ministère luxembourgeois des Affaires étrangères.
À ce sujet, les ministres ont adopté une déclaration conjointe soulignant "leur volonté d’une mise en œuvre d’un programme de travail commun" dans les domaines de l’énergie, des droits de l’homme, de l’aide humanitaire, de la gestion de crise et de l’assistance aux processus électoraux. "Les ministres ont exprimé leur détermination à relever ensemble les défis politiques, économiques et de sécurité communs en vue de partager un avenir meilleur pour tous", lit-on ainsi à l’article 1 de la déclaration.
S’agissant de la première réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE avec leurs homologues de la Ligue arabe depuis la constitution d’un gouvernement palestinien d’unité nationale, les discussions ont également porté sur le processus de paix au Moyen-Orient. Les ministres ont notamment "réaffirmé leur position commune qu'une paix juste et globale au Moyen-Orient est un objectif stratégique vital pour la stabilité, la paix et la sécurité internationales", précise la déclaration.
Dans son intervention, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn a déploré que "neuf mois de négociations n'[aient] pas suffi, en dépit de tous les efforts de John Kerry [le secrétaire d’Etat des USA], pour fournir ne serait-ce qu’un cadre pour la négociation d'un accord sur le statut final". Cela n’est pourtant "pas une raison pour arrêter les pourparlers", a assuré le ministre selon lequel "la priorité la plus urgente" doit justement être d'assurer la reprise des négociations, point sur lequel "les deux parties devraient se concentrer".
"Le Luxembourg n'a cessé d'appeler à la réconciliation intra-palestinienne derrière le président Abbas en tant qu’élément important pour l'unité du futur Etat palestinien et pour parvenir à une solution à deux Etats. Seule cette réconciliation renforcera la viabilité d'un futur accord de paix et assurera l'unité d'un Etat palestinien comprenant Jérusalem-Est, la Cisjordanie et Gaza", a rappelé Jean Asselborn qui se félicite "de la formation d'un gouvernement palestinien d'union nationale et de la décision des Etats-Unis de le reconnaître". La perspective d'élections démocratiques pour le président de l'Autorité palestinienne et au Conseil législatif palestinien est considérée par le ministre comme "positive pour ramener une pleine légitimité aux institutions palestiniennes".
Selon le ministre luxembourgeois, le fait que le président Abbas reste pleinement en charge du processus de négociation et dispose d’un mandat pour négocier au nom de tous les Palestiniens donne des garanties supplémentaires sur le fait que ces négociations de paix "peuvent et doivent continuer". Leur poursuite est "entièrement compatible avec la réconciliation intra-palestinienne", poursuit-il, jugeant "inacceptable de punir les Palestiniens parce qu'ils veulent se réconcilier ou parce qu'ils veulent adhérer aux conventions et aux organisations internationales". Pour Jean Asselborn, la réconciliation ne peut ainsi "pas être une excuse pour le gouvernement israélien de ne pas reprendre les négociations dès que possible et en toute bonne foi".
Dans leur déclaration commune, les ministres saluent ainsi la formation du nouveau gouvernement de consensus palestinien et la restauration de l'unité entre la Cisjordanie et la bande de Gaza "comme un élément important pour parvenir à une solution à deux Etats", appelant Israël à coopérer avec le nouveau gouvernement palestinien. Ils se sont félicités des récents pourparlers de paix engagés sous l’égide des USA, bien qu’à l’arrêt, et ont appelé "à l'élimination des obstacles qui empêchent la poursuite des négociations entre les parties ainsi que la résolution de toutes les questions liées au statut final pour atteindre un solution de deux Etats vivant côte à côte dans la paix et la sécurité", lit-on dans la déclaration.
Il s’agit notamment de mesures unilatérales en violation du droit international et du droit international humanitaire, y compris les activités de colonisation à Jérusalem-Est occupée, qui font l’objet d’une "préoccupation" réitérée des ministres, souligne la déclaration commune, de même que "la grave situation humanitaire dans la bande de Gaza en grande partie causée par le blocus imposé par la puissance occupante". Les ministres ont d’ailleurs réaffirmé leur position commune de ne reconnaître "aucune modification des frontières d'avant 1967 autres que celles convenues par les deux parties, y compris en ce qui concerne Jérusalem".
Du côté israélien, Jean Asselborn a déploré dans son discours le fait que "la construction de colonies illégales, qui a été la principale raison invoquée pour que les négociations soient actuellement suspendues, se poursuit". Il estime que la colonisation demeure "un obstacle à la paix et compromet les perspectives d'un règlement négocié" et qu’il faudrait dès lors faire davantage pour [la] décourager". Selon la déclaration commune, "les colonies israéliennes, le mur de séparation construit n'importe où dans le territoire palestinien occupé, les démolitions de maisons et les expulsions sont illégales au regard du droit international, constituent un obstacle à la paix et mettent en danger la viabilité de la solution à deux Etats".
Jean Asselborn a en outre rappelé que tout futur gouvernement palestinien "doit respecter le principe de non-violence, rester engagé à parvenir à une solution à deux Etats et à un règlement pacifique et négocié du conflit israélo-palestinien, et accepter les accords et obligations antérieurs, y compris le droit légitime d'Israël à exister". "Les Palestiniens ont le droit d'avoir leur propre Etat et de vivre dans la dignité. Il s'agit d'un droit fondamental, d’un droit humanitaire", a-t-il dit.
La situation "dramatique" de la crise syrienne, qui a causé plus de 100 000 victimes et entraîné des millions de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur et à l'extérieur de la Syrie, a également été l’objet de la préoccupation des ministres, qui ont "fermement condamné la poursuite des effusions de sang, les abus et les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire", peut-on lire dans la déclaration conjointe.
Réaffirmant leur "respect de la souveraineté syrienne, l'indépendance et l'intégrité territoriale, et le rejet de l'intervention étrangère existante", les ministres ont souligné la nécessité de résoudre la crise à travers un véritable processus politique en conformité avec le communiqué final à Genève du 30 juin 2012. Ils ont appelé en conséquence toutes les parties concernées à déployer les efforts nécessaires et urgents en vue de parvenir à un cessez-le-feu immédiat.
Pour Jean Asselborn, qui a relevé dans son intervention que le processus de Genève était "dans l'impasse", les perspectives d'une solution politique sont néanmoins "très sombres". "En dehors de ce cadre, toute élection, présidentielle ou autre, réalisée au milieu d'un conflit et avec des millions de Syriens déplacés de leur maison est un obstacle aux efforts visant à trouver une solution politique", insiste la déclaration conjointe.
En l'absence d'une solution politique que le conflit syrien "exige à tout le moins", la communauté internationale devrait "répondre de manière décisive à l'urgence humanitaire", a plaidé le ministre luxembourgeois. "Malheureusement, une chose est claire : sept mois après l'adoption de la déclaration présidentielle, et trois mois après l'adoption de la résolution 2139 sur l'accès humanitaire, les exigences fixées par le Conseil de sécurité n'ont pas été respectées".
Dans ce contexte, le Luxembourg, reconnaissant la non-application de la résolution 2139, travaille à l’élaboration d’une nouvelle résolution avec l'Australie et la Jordanie, en étroite collaboration avec le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), a expliqué Jean Asselborn selon lequel il s’agit de proposer des mesures que le Conseil de sécurité pourrait prendre en réponse "au refus arbitraire d'accès humanitaire à la Syrie", et afin d'augmenter l'aide à la population dans le besoin.
Quant aux "auteurs de crimes odieux commis en Syrie", le ministre se dit convaincu qu’ils "doivent répondre de leurs actes" et cela "indépendamment de leur affiliation". Jean Asselborn déplore enfin le blocage au Conseil de sécurité de l’ONU, auquel le Luxembourg demande depuis mars 2011 de déférer la situation en Syrie à la Cour pénale internationale (CPI). "Nous regrettons que le texte de la résolution rédigée par la France ait été refusé par la Russie et la Chine", souligne-t-il.
Dans leur déclaration conjointe, les ministres ont par ailleurs invité la communauté internationale à aider les pays voisins qui accueillent des réfugiés syriens, en particulier la Jordanie qui accueille plus de 1,3 millions de réfugiés syriens sur son territoire et qui devrait faire l’objet d’un "soutien financier et logistique" en conséquence.
Dans une seconde déclaration conjointe, les ministres de l’UE et des Etats de la Ligue arabe sont également revenu sur les derniers développements de la situation en Irak, exprimant "leur profonde préoccupation face à la détérioration de la situation de sécurité en Irak, en particulier dans la région de Mossoul".
Dans ce texte, ils condamnent "dans les termes les plus forts" la récente vague d'attaques terroristes, qui ont fait de nombreuses victimes et ont conduit des milliers de personnes à fuir leurs maisons. "Nous exprimons nos condoléances aux familles des victimes", y lit-on.
"En ce moment difficile pour l'Irak, l'UE et la Ligue arabe en appellent à toutes les forces démocratiques irakiennes à travailler ensemble sur la base de la Constitution irakienne, à relever le défi sécuritaire et à respecter la volonté des citoyens irakiens d’être régis sur la base d'un processus démocratique, tel qu'ils l’ont exprimé par leur participation aux dernières élections nationales", souligne la déclaration. Les ministres en appellent particulièrement au gouvernement irakien et à celui de la région du Kurdistan à ce qu’ils "combinent leurs forces politiques et militaires afin de rétablir la sécurité à Mossoul et à Ninive" et ils encouragent "tous les autres éléments démocratiques de la société à soutenir ces efforts".
Enfin, d’autres sujets liés à l’actualité politique régionale ont été évoqués par les ministres, qui ont notamment abordé les derniers développements en Libye ainsi que leurs répercussions sur les pays avoisinants. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères a conclu son intervention en exprimant "[s]on soutien à ceux qui, dans des conditions extrêmement difficiles, restent engagés dans l'élaboration d'une nouvelle constitution et tentent d'organiser de nouvelles élections législatives pour donner une légitimité démocratique aux institutions libyennes".