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La CJUE considère que le régime suédois d’aide à l’énergie verte, s’il restreint la libre-circulation des marchandises, est justifié par l’objectif d’intérêt général de promotion de la transition vers des sources d’énergie renouvelables
01-07-2014


CJUEDans un arrêt rendu le 1er juillet 2014, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère le régime d’aide suédois qui favorise la production d’énergie verte sur le territoire national conforme au principe de libre circulation des marchandises et donc compatible avec le droit de l’Union.

Le contexte

En Suède, les installations de production d’électricité verte situées sur le territoire national peuvent se voir attribuer des certificats d’électricité. Ceux-ci peuvent être par la suite vendus à des fournisseurs d’électricité ou à certains utilisateurs, lesquels sont tenus, sous peine de devoir s’acquitter d’un droit spécifique, de détenir un quota de certificats correspondant à une quote-part du total de leurs fournitures ou de leur consommation en électricité.

La vente de ces certificats permet aux producteurs d’électricité verte de bénéficier de recettes supplémentaires qui viennent compléter celles tirées de la vente d’électricité. Ainsi, le surcoût lié à la production d’électricité verte, dont le coût de production est toujours plus élevé que celui de l’électricité produite à partir de sources d’énergie non renouvelables, est supporté par les fournisseurs et les consommateurs.

Le litige

La société Ålands Vindkraft a demandé aux autorités suédoises de lui attribuer des certificats d’électricité pour son parc éolien situé en Finlande dans l’archipel des îles Åland. Cette demande a été rejetée au motif que seuls les exploitants d’installations de production situées en Suède pouvaient se voir octroyer de tels certificats.

Ålands Vindkraft a attaqué cette décision administrative devant les juridictions suédoises en faisant valoir que le principe de libre circulation des marchandises s’opposait au régime suédois des certificats d’électricité. Selon cette société, ce régime a pour conséquence de réserver environ 18 % du marché suédois de la consommation d’électricité aux producteurs d’électricité verte situés en Suède, et ce, au détriment des importations d’électricité en provenance d’autres États membres.

Saisi du litige, le förvaltningsrätten i Linköping (tribunal administratif de Linköping, Suède) a donc adressé une question préjudicielle à la Cour sur la conformité du régime suédois des certificats d’électricité au droit de l’UE.

L’arrêt

Dans son arrêt rendu le 1er juillet 2014, la Cour constate, en premier lieu, que le régime suédois des certificats verts est un régime d’aide qui relève du champ d’application de la Directive 2009/28/CE sur la promotion de l’utilisation de l’énergie verte "dans la mesure où il soutient la production de l’électricité verte". Or la Cour rappelle que cette directive "n’impose pas aux États membres qui ont opté pour un régime d’aide d’étendre le bénéfice de celui-ci à l’électricité verte produite sur le territoire d’un autre État membre". Par conséquent, elle juge le régime d’aide suédois "compatible avec la directive".

En second lieu, la Cour relève que le régime d’aide en cause est susceptible d’entraver les importations d’électricité en provenance d’autres États membres, en particulier l’électricité verte. "D’une part, les fournisseurs et utilisateurs sont tenus d’acheter des certificats à hauteur de l’électricité qu’ils importent s’ils veulent éviter de devoir payer un droit spécifique. D’autre part, la faculté des producteurs d‘électricité verte d’origine suédoise de vendre les certificats conjointement avec l’électricité qu’ils produisent est de nature à favoriser l’ouverture de négociations ainsi que la concrétisation de relations contractuelles portant sur la livraison d’électricité nationale aux fournisseurs ou aux utilisateurs d’électricité", dit la Cour. Il s’ensuit que ce régime constitue bien "une restriction à la libre circulation des marchandises".

Toutefois, la Cour estime que cette restriction "est justifiée par l’objectif d’intérêt général qui consiste à promouvoir l’utilisation de sources d’énergie renouvelables en vue de protéger l’environnement et de combattre les changements climatiques".

Dans ce contexte, la Cour reconnaît que, aux fins de la réalisation de l’objectif poursuivi, il est justifié que les mesures favorisant la transition vers l’énergie verte ciblent le stade de la production plutôt que celui de la consommation. De même, la Cour admet qu‘en l’état actuel du droit de l’Union, la Suède a légitimement pu considérer que, à ces mêmes fins, le bénéfice du régime national de soutien devait être limité à la seule production nationale d’électricité verte. La Cour souligne notamment que "ce régime de soutien est nécessaire pour favoriser, dans une perspective de long terme, les investissements dans l’énergie verte".

Dans ces conditions, la Cour juge que le régime de soutien suédois est également conforme au principe de libre circulation des marchandises.

Les réactions

Le groupe politique des Verts/ALE au Parlement européen a réagi par voie de communiqué, se félicitant de l’arrêt de la CJUE " d'aujourd'hui qui confirme la législation de l'UE sur les énergies renouvelables et les prérogatives des régimes nationaux de soutien aux énergies renouvelables".

L’eurodéputé Vert luxembourgeois Claude Turmes s’est notamment satisfait du fait que la Cour "a jugé que la restriction des régimes nationaux de soutien aux opérateurs nationaux se justifie par l'objectif d'intérêt public de promouvoir l'utilisation des énergies renouvelables sources d'énergie". Cela ne remettrait par ailleurs "aucunement en question" les possibilités pour les États membres de l'UE de coopérer sur une base régionale (par des régimes d'aide communs, des projets communs ou les transferts statistiques), "comme cela est déjà prévu par la législation européenne", a-t-il déclaré.

"Cette décision doit servir d'avertissement à la Commission européenne, qui a déjà essayé de saper cet élément fondamental de la directive sur les énergies renouvelables de l'UE en tentant d’intimider le gouvernement allemand afin qu’il exempte l'électricité importée de contribution au soutien des énergies renouvelables", a encore estimé Claude Turmes.

Et de conclure : "Le projet de cadre énergétique et climatique de l'UE pour 2030 doit tenir compte des circonstances nationales reflétées dans les programmes de soutien aux énergies renouvelables. En s'appuyant sur le succès des objectifs 2020 existants en matière d’énergie renouvelable, il doit également inclure un objectif contraignant de 45 % d'énergies renouvelables pour 2030."