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Politique étrangère et de défense
L’UE face au risque de marginalisation dans un contexte multipolaire émergent
30-06-2014


conference-mario-telo-universite-luxembourg-marginalisation-ue-30-juin-2014Dans le cadre du cycle de conférences sur le thème "l’Union européenne en tant qu’acteur international mondial" organisé par la Faculté de Droit, d'Economie et de Finance de l'Université du Luxembourg, la professeure de droit européen, Eleftheria Neframi, avait convié le professeur Mario Telo à Luxembourg le 30 juin 2014 afin d’évoquer l’avenir de l’UE et celui de l’influence de son modèle dans un monde qui connaît "d’énormes changements", en particulier vers un contexte multipolaire émergent.

Pour celui qui est membre de l’Académie Royale des sciences de Belgique et président émérite de l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles, il s’agissait ainsi de s’interroger sur l’existence "d’une alternative à la marginalisation totale de l'Europe dans le monde multipolaire émergent". Car, explique-t-il, "le monde de l'après-guerre froide se caractérise toujours par une transition à durée indéterminée et l'UE, après près de deux décennies (1990-2009) de développement à l'international en tant qu'acteur régional et mondial, fait désormais l'expérience des incertitudes, des peurs et de l'isolement".

L’UE connaît une transition difficile

Selon le professeur de relations internationales, l’UE connaît actuellement "une transition difficile" combinant crises internes et menaces externes, ce qui pose la question même  de sa survie: les 500 millions de citoyens européens ne représentent que 7 % à peine de la population mondiale et composent une population vieillissante et sur le déclin démographique.

A ce constat s’en ajoute un autre, plus conjoncturel : l’UE a été durement frappée depuis 2008 par les crises financières, économiques et sociales, rappelle Mario Telo, qui souligne aussi la crise de légitimité des institutions européennes, une crise confirmée par le faible taux de participation aux élections européennes de mai 2014 et le nombre croissant de députés européens eurosceptiques. "Les pas en avant réalisés en matière d’efficacité pour gérer la crise ont parfois été en conflit avec une augmentation de la légitimité" de l’UE estime-t-il.  

En outre, si l’UE a connu des pas en avant en termes d’intégration, notamment au sein de la zone euro, parallèlement, le processus de désintégration interne de l’UE s'accélèrerait, via la présence de plus en plus affirmée de tendances à la renationalisation dans le débat politique européen et dont le Royaume-Uni "est le symbole" à travers ses menaces de sortie de l’UE.

Autres tendances lourdes, d’ici 2050 : la Chine devrait avoir dépassé le PIB de l’UE, de même que probablement l’Inde, tandis que, contrairement aux pays dits "BRICS" (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), les indicateurs tant quantitatifs que qualitatifs de la puissance militaire européenne sont à la baisse. "Il y a donc de bonnes raisons d’être inquiets", estime le professeur de relations internationales.

Des réalisations "extraordinaires"

Si le constat ainsi dressé semble peu optimiste sur l’avenir de l’UE, Mario Telo rappelle néanmoins que l’Union peut se targuer de certains "succès extraordinaires", 62 ans après la déclaration de Robert Schuman.

En premier lieu, la réconciliation et la coopération régionale entre d’anciens ennemis (France et Allemagne...) pour la paix, la consolidation de la démocratie et la prospérité à l’échelle du continent, si elles sont souvent rappelées, ne doivent pas être sous-estimées, juge le professeur de relations internationales. "Lorsque l’on se rappelle de la violence des première et deuxième Guerres mondiales, je suis déçu que la Commission européenne n’arrive pas à montrer l’opposition avec l’énorme violence des relations entre Etats européens au 20e siècle", dit-il.

La coopération économique qui a résulté de la mise en place du marché unique et d’une monnaie commune a par ailleurs eu des conséquences politiques positives sur l’approfondissement progressif de l'intégration européenne. L’Europe serait ainsi "un modèle de coopération entre des pays voisins pour le reste du monde".

Enfin, l’UE peut se targuer de son expérience de la pratique de "partage du pouvoir" ("shared power") et donc d’une gouvernance à plusieurs niveaux et "multicouche" ("multilayer") à la fois infranationale, nationale et supranationale sur un même territoire.

Cette paix régionale et le partage du pouvoir seraient particulièrement importants, du fait que ces pratiques s'opposent à la notion classique du pouvoir souverain "qui a une longue histoire européenne". Selon Mario Telo, ce "partage du pouvoir dépasse ainsi la division classique entre l'intérieur et l'extérieur de l'État, cela en se concentrant sur des réseaux transnationaux et des interdépendances complexes".

Concrètement, le partage du pouvoir signifie le respect du partage des compétences (établi par les traités sur base volontaire) et de la primauté de la règle de droit, le multilatéralisme et la puissance collective, cela par opposition à l'hégémonie régionale et la militarisation. "Le partage des compétences et sa base légale sont cruciaux pour comprendre l’UE. C’est quelque-chose de totalement nouveau dans l’histoire du monde. Jamais une telle forme de pouvoir partagé, sur plusieurs niveaux, n’avait existé", poursuit-il.

"La question centrale se situe donc ici : l’acquis européen de ces 62 dernières années peut-il servir de laboratoire pour influencer et transformer la gouvernance mondiale, est-il une première étape en vue d’une ‘paix par étape’ qui se diffuserait à partir de l’UE, ou bien est-ce une sorte d’utopie isolée ?", s’interroge Mario Telo, qui souligne à ce propos l’écart entre l’expérience européenne et l’évolution actuelle du contexte international.

La coopération en matière de politique étrangère et militaire, "parent pauvre" du processus d'unification de l'UE …

L’une des différences fondamentales entre les puissances dites "classiques", dont les USA, et l’UE, repose selon le professeur de relations internationales sur l’absence de mise en place d’une véritable stratégie commune en matière de politique étrangère et de défense au cours du processus de construction européenne.

"Toute tentative de changer cette situation a échoué, tant au niveau européen que national", explique Mario Telo selon lequel cela met en lumière "la nature même du pouvoir européen, qui n’est pas une forme classique de pouvoir militaire et politique, mais qui est différent, une forme sans précédent, où les moyens de pouvoir ne sont pas essentiellement militaires". Cette différence par rapport à la définition classique de la notion de pouvoir dans les relations internationales est dès lors un élément "crucial" pour comprendre le rôle de l’UE dans le monde à l’avenir, juge-t-il. "L’UE est une forme étrange de pouvoir que je qualifie depuis dix ans de ‘pouvoir civil’ (civilian power) qui repose à la fois sur l’histoire, et notamment les Guerres mondiales, sur la structure institutionnelle décentralisée et sur l’importance de l’Etat providence qui empêchent  l’UE d’être autre chose".

Mario Telo relève parallèlement une baisse des dépenses en matière de défense dans les Etats membres de l’UE, déjà engagée avant les crises financières et économiques. Additionnés, les budgets de défense des Etats membres représentaient en 2012 moins de 1,5 % du PIB de l’UE, relève-t-il, dans un contexte où, dans le monde, nombreux sont les Etats qui ont doublé leurs dépenses militaires au cours de la dernière décennie.

La part des USA dans les dépenses militaires mondiales (qui atteignent 1 747 milliards d’euros annuels) est de 43 % et si sa progression a ralenti à environ 2,8 % par an, elle représente encore 4,8 % du PIB des Etats-Unis. Pour des préoccupations de sécurité, la Chine, l'Inde et la Russie, augmentent également leur budget militaire, de même que l’Afrique du Sud et le Brésil pour des raisons de "statut". En revanche, les pays européens et la Turquie ont réduit les budgets de défense, "qui ont chuté de 2,8 % en 2010 et davantage en 2011", relève Mario Telo.

Et malgré la baisse des dépenses, l’accent n’a pas pour autant été mis sur leur qualité : les études menées sur le sujet révèlent en effet de nombreux "chevauchements et gaspillages" ainsi que le déclin des investissements en matière de recherche et développement.

… mais une "caractéristique structurelle" de l’UE "peu susceptible de changer à l'avenir"

Ce déséquilibre militaire avec les puissances classiques serait peu susceptible d’évoluer vers un rééquilibrage des forces, selon le professeur de relations internationales qui met en avant trois facteurs explicatifs :

  • l’opposition des opinions publiques européennes à une hausse des dépenses en la matière parallèlement au fort soutien de l’Etat providence et des services publics (les dépenses en matière de sécurité sociale dans l’UE sont deux fois plus élevées qu’aux USA) ;
  • l’impossibilité qui en découle pour un dirigeant national de changer durablement cette situation (au risque, sinon, de ne pas être réélu) et cela malgré les appels des USA au "partage du fardeau" militaire au sein de l’OTAN, et ;
  • le renforcement de cette tendance structurelle en raison de la crise financière.

Cinq tendances vers un monde multipolaire émergent

Pour Mario Telo, l’évolution du contexte mondial et d’un nouvel ordre émergent dans les prochaines années devrait voir cinq grandes tendances rivaliser, dont une seule serait propice à la survie de l’approche européenne.

La première consisterait en un nouvel équilibre multipolaire du pouvoir, soit une nouvelle version de l'équilibre classique de la politique internationale de puissance répartie entre de nouveaux acteurs.

Une seconde hypothèse consisterait à voir un retour à une tendance unipolaire et unilatérale comme sous la précédente administration républicaine aux USA.

Une troisième consisterait en le développement de la fragmentation et du chaos.

Enfin, la quatrième hypothèse suppose l’approfondissement de la coopération multilatérale, qui pourrait néanmoins prendre deux formes opposées : celle d’un multilatéralisme contingent et instrumental ou bien celle d’une coopération multilatérale pluraliste, post-hégémonique et à plusieurs niveaux.

Une forme d’interdépendance multipolaire sans précédent

En évoquant le scénario d’une nouvelle forme de multipolarité, Mario Telo souligne bien sa  différence par rapport à l’équilibre des pouvoirs expérimenté lors des années 1990 qui voyait notamment les USA, la Russie, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne composer les principaux pôles de pouvoir. Cette nouvelle multipolarité serait au contraire "très hétérogène et asymétrique", selon le professeur de relations internationales, qui relève que les pays émergents (les BRICS plus l’Indonésie, l’Argentine, la Turquie, le Mexique, etc.) dominent des secteurs de compétence différents (puissance économique, militaire, démographique, énergétique, de connaissance, etc.). "Ils ont donc intérêt à l’expansion de la coopération multilatérale", dit-il.

Ces pays sont d’ailleurs très différents, souligne encore Mario Telo, qui relève notamment la structure d’Etats fédéraux démocratiques de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud. "Je ne partage pas l’idée de certains chercheurs selon lesquels ces pays nous menacent et restaurent le principe de souveraineté des années 1990, c’est impossible, puisqu’en termes institutionnels, ils ont une expérience profonde du concept de souveraineté partagée. L’UE n’est pas la seule à être dans ce cas".

La Chine et la Russie, deux pays considérés comme "plus problématiques" en raison de "leur absence de caractère démocratique au sens occidental", seraient également "profondément différents", selon le professeur de relations internationales. "A Pékin où je me suis rendu récemment, je n’ai jamais entendu autant de critiques sur l’idée que certains se font à l’Ouest du genre d’alliance que pourraient faire la Chine et la Russie. Ils disent avoir bien plus en commun avec l’UE qu’avec la Russie."

Par ailleurs, l’impact de ce que le professeur qualifie "d’interpolarité" doit également être pris en compte, Mario Telo soulignant les phénomènes "d’interdépendance complexe et d’institutionnalisation à plusieurs niveau de la vie internationale" qui dessinent les relations internationales. "Nous sommes dans un monde où les interdépendances, commerciales, technologiques ou autres, n’ont jamais été aussi fortes, et pas uniquement au niveau des relations intergouvernementales mais aussi à celui de la société civile", poursuit-il. Et malgré les politiques de puissance, l'interdépendance complexe s'est accentuée, mettant en réseau tous les pôles potentiels, y compris les puissances émergentes, juge encore le professeur qui rejette dès lors une image conventionnelle de la multipolarité qui verrait l’UE seule contre le reste du monde.

La situation ukrainienne, preuve contraire ?

L’attitude de Vladimir Poutine en 2014 en Ukraine ne conteste-t-elle cependant pas cette conclusion? Si Mario Telo reconnaît que la crise ukrainienne a été une surprise pour l'Occident, qu’elle semble remettre en cause la notion de continuité du leadership des États-Unis et que l’UE a en la matière été décevante dans la mise en œuvre de sa politique vis-à-vis de l’Est, il estime que "Poutine n'est pas le gagnant d'un jeu à somme nulle, il semble plutôt le perdant".

La Russie est en effet la cible de sanctions économiques et politiques des USA et de l’UE qui la poussent dans un certain isolement international. Son économie connaît un très fort ralentissement et la réduction de la dépendance énergétique de l'UE à la Russie est désormais recherchée concrètement par l’UE. "Poutine va ainsi à l’encontre de 20 ans de politique étrangère russe qui ont vu la Russie tenter d’adhérer à la plupart des instances multilatérales", relève le professeur.

Selon Mario Telo, la coopération multilatérale et bilatérale est le seul moyen de sortir de cette situation. "L’UE doit prendre soin de l'implication géopolitique de sa politique européenne de voisinage et améliorer la coordination entre l'Association avec l'Ukraine et le partenariat avec la Russie. Elle devrait aussi fournir à la Russie des incitations appropriées pour revenir à sa propre stratégie de 20 ans de coopération internationale avec les pays du G7, le FMI, l'UE, l'OMC", estime-t-il.

Deuxième scénario : le retour à une tendance unipolaire et hégémonique

Un deuxième scénario pourrait donc être le retour à la tendance unipolaire à la suite de la présidence de Barack Obama. Les données empiriques témoignent en effet d’un "avantage absolu" des USA dont la suprématie militaire des États-Unis a été consolidée de même que la puissance économique, malgré l'énorme dette du pays. Par ailleurs, l'unilatéralisme américain n'est pas une parenthèse représentée par G. W. Bush, souligne le professeur. "Même marginal sous Obama, il repose sur des racines historiques profondes et diverses tendances à long terme. Cependant: il y a également des preuves du déclin économique relatif des États-Unis et des limites de la puissance militaire américaine".

"Nous sommes dans un système multipolaire post-hégémonique où non seulement la Russie mais aussi les États-Unis ne sont plus le maître du système international et la dynamique unipolaire de 2001-2008 a échoué", relève le professeur Telo.

Troisième scénario : vers la fragmentation et le chaos

Le troisième scénario abordé par le professeur Telo serait donc une tendance vers la fragmentation et le chaos, exemplifiée par divers éléments : au niveau politique, la prolifération des armes de destruction massive, les États défaillants, les réseaux terroristes informels ; au niveau culturel, la fragmentation subnationale et ethnocentrique, le fondamentalisme religieux, les craintes populistes contre l'immigration et le multiculturalisme, et au niveau économique via le protectionnisme et le bilatéralisme contre multilatéralisme.

"La fragmentation est une question importante, mais elle appelle une demande supplémentaire de gouvernance multilatérale", juge Mario Telo, qui note que la question est de savoir si la coopération régionale peut fournir un cadre plus légitime et efficace pour une gouvernance mondiale à plusieurs niveaux et multilatérale et contre la fragmentation ou si elle en est au contraire un facteur aggravant.

Et de rappeler que la coopération régionale multidimensionnelle se développe sur tous les continents au-delà de simples zones de libre-échange (ALE), notamment en tant qu’étape intermédiaire pour l'ouverture des marchés nationaux, mais aussi comme un outil de développement et de coordination des politiques, un cadre de prévention des conflits et de gestion des crises et un contexte positif qui sous-tend la transition ou de consolidation démocratique interne et qui favorise différents réseaux de la société civile au niveau régional.

Scénario quatre : vers un nouveau multilatéralisme

Enfin, le quatrième scénario repose sur l’émergence d’un nouveau multilatéralisme. "La question centrale est : en dépit de l'émergence de diverses tendances, une nouvelle époque de coopération multilatérale pluraliste émerge-t-elle ? Selon les sceptiques, le multilatéralisme n'est plus qu'un outil des pôles de puissance, incapable d'affecter la souveraineté de l'État et les règles nationales, alors que le réseau multilatéral créé en 1944-1945 est à bout de souffle", souligne Mario Telo

Le professeur fait néanmoins la différence entre deux formes de multilatéralisme : une forme instrumentale et ad hoc du multilatéralisme exemplifiée par l’attitude des USA qui y défend ses intérêts propres, et d'autre part, des tendances vers un multilatéralisme plus profond et plus institutionnalisé.

Ce nouveau multilatéralisme reposerait sur plusieurs principes, à commencer par une coopération volontaire (post-hégémonique et non hiérarchique) entre  plusieurs Etats. Il inclurait des règles et des procédures communes, ainsi que le partage de principes généraux de conduite (y compris pour le membre le plus fort) et serait ouvert, par opposition à une alliance exclusive. Il mettrait en en outre avant des relations interétatiques allant au-delà d'une réciprocité spécifique au profit d'une réciprocité diffuse, bref une relation basée sur la confiance et non seulement sur la reconnaissance mutuelle entre les entités territoriales juridiquement indépendantes. Enfin il affecterait les règles internes de droit.

Divers arguments plaident en faveur de ce modèle selon le professeur Telo:

  • les défis mondiaux nécessitent des solutions mondiales et régionales via une augmentation de la coopération multilatérale : le changement climatique, les déséquilibres financiers, la pauvreté, les nouvelles menaces à la sécurité, à titre d’exemples ;
  • les multiples contradictions et les tensions entre les pôles hétérogènes et asymétriques ne peuvent être adressées que par la fonction d’équilibrage de l’interpolarité, par l’approfondissement de l'interdépendance complexe ainsi que par le rôle croissant de l'institutionnalisation internationale sur plusieurs niveaux ;
  • le cadre multilatéral actuel ad hoc, qui repose sur la coopération multilatérale contingente et instrumentale, a montré ses limites dans de nombreuses parties du monde.

Conclusions

En conclusion, Mario Telo laisse la question de la marginalisation ou non de l’UE dans le contexte multipolaire émergent ouverte : "La réponse pessimiste est que l’UE a une chance sur cinq de ne pas être marginalisée. L'UE ne pourra en effet survivre et étendre son influence régionale et mondiale qu'à la condition que le monde multipolaire soit encadré par un réseau de coopération multilatérale dynamique et pluraliste, permettant à un nouveau multilatéralisme d’émerger".

Le professeur estime malgré tout que le concept d'une coopération contraignante, institutionnalisée, fondée sur les valeurs, post-hégémonique, multilatérale à plusieurs niveaux de l'UE "ne prévaudra pas facilement en tant que tel dans le monde multipolaire actuel". Cependant, "il est un laboratoire et une source d'inspiration pour d'autres continents, à condition d’assurer davantage de communication et de dialogue ainsi que le respect des différentes valeurs et cultures nationales dans un monde pluraliste".

Il souligne par ailleurs que "dans une certaine mesure, les concepts et les approches multilatérales concurrentes vont interagir, entrer en conflit, et s’influencer de manière positive en ce qui concerne les enjeux mondiaux, la réforme des institutions mondiales et l'évolution de certains continents, notamment l’Afrique".

Selon Mario Telo, l’UE ne deviendra finalement jamais un acteur stratégique du type de l’Etat, mais elle "a offert au monde un message fort : des pas progressifs sont possibles vers une coopération multilatérale et institutionnalisée plus contraignant entre les Etats et les sociétés pour la stabilité, la prospérité et la paix, et ces étapes influencent la politique interne des Etats".