Alors que la conclusion officielle de l’accord de libre-échange UE-Canada (AECG ou CETA en anglais) a été célébrée par les dirigeants de l’UE et du Canada lors du sommet d’Ottawa le 26 septembre 2014, les critiques relatives aux dispositions relatives à la protection de l’investissement – et particulièrement contre le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etat (RDIE ou ISDS en anglais) – se sont intensifiées au sein de certains Etats membres.
Face aux inquiétudes soulevées entre autres par la société civile, où l’on dénonce un système extrajudiciaire – des tribunaux arbitraux ad hoc – qui favoriserait les intérêts des investisseurs au détriment de l’intérêt général, et notamment du pouvoir des gouvernements de règlementer dans l’intérêt public, la Commission européenne a publié, outre le texte intégral du traité, une note précisant les amélioration apportées selon l’institution aux dispositions relatives à l’investissement dans le CETA.
Dans ce document, la Commission souligne que le CETA "reflète un tournant de l'approche européenne en matière de politique d'investissement". Ainsi, ajoute la Commission, il s'agit du "premier accord qui met tous les investisseurs de l'UE sur un pied d’égalité". Il est également le premier à introduire "des innovations importantes" au système de protection de l'investissement, cela "en assurant un niveau élevé de protection tout en préservant le droit de l'UE et du Canada de réglementer et de poursuivre des objectifs légitimes de politique publique tels que la protection de la santé, la sécurité ou l'environnement", y lit-on.
Par ailleurs, la Commission européenne assure pour ce qui est du RDIE avoir établi "le système le plus progressif à l’heure actuelle", CETA représentant donc une véritable "rupture avec le passé", poursuit l’institution.
La Commission précise que l’UE et le Canada ont convenus de clarifier de manière très significative les principales dispositions de fond, qui sont également les plus souvent invoquées par les investisseurs lorsqu’ils présentent des réclamations dans le cadre du système de règlement des différends entre investisseurs et États. "Concrètement, cela signifie que les arbitres disposeront désormais d’orientations strictes et détaillées lorsque ces dispositions seront invoquées par un investisseur", écrit la Commission.
Le CETA réaffirme ainsi le droit de l’UE et du Canada d’adopter des réglementations pour chercher à atteindre des objectifs légitimes de politiques publiques, tels que la protection de la santé, de la sécurité, de l’environnement, de la moralité publique ainsi que la promotion et la protection de la diversité culturelle.
Pour la toute première fois, l’accord CETA fournit une définition précise de la notion de "traitement juste et équitable", "ce qui permettra d’éviter des interprétations trop larges et de disposer de lignes directrices claires pour les tribunaux", assure la Commission.
"Contrairement à d'autres accords, la norme du 'traitement juste et équitable' dans le CETA n'est ni un plancher ou une norme minimale ni un concept évolutif. Il s’agit d’un texte clair, fermé qui définit précisément les normes de traitement sans laisser de discrétion inopportune aux arbitres", lit-on dans la note.
En vertu de l’accord, une violation de l’obligation de traitement juste et équitable survient donc uniquement dans certains cas précis et spécifiés :
En outre, la violation "d’attentes légitimes" est également précisée et limitée aux situations dans lesquelles l’investissement n’a été effectué qu’en raison d’une promesse faite par l’État, mais non tenue par la suite.
Pour la première fois dans l’histoire des accords de l’UE, le CETA contient des libellés détaillés sur les éléments constitutifs de l’expropriation indirecte:
La délivrance de licences obligatoires, conformément aux dispositions de l’OMC garantissant l’accès aux médicaments, ne peut pas être considérée comme une expropriation.
L’accord établit aussi clairement que l’obligation d’assurer "une protection et une sécurité intégrales" n’englobe pas la protection contre les modifications de la législation et de la réglementation.
La définition de l’investissement couvre uniquement les actifs possédant les caractéristiques d’un investissement, telles que l’engagement de capital ou d’autres ressources, l’attente d’un gain ou d’un bénéfice, la prise en charge de risques et une certaine durée.
Les sociétés fictives ne sont pas protégées. Pour se voir reconnaître la qualité d’investisseur, il est nécessaire d’effectuer des opérations commerciales substantielles sur le territoire de l’une des parties.
Comme d’autres accords de libre-échange de l’UE, le CETA permet l’adoption et la mise en application de mesures prudentielles.
La Commission assure enfin que le système de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) convenu avec le Canada dans le cadre du CETA est le plus progressiste des systèmes de ce type jamais adopté dans un accord. Il présente un certain nombre de caractéristiques clés destinées à assurer son efficacité et son efficience, tout en offrant d’importantes garanties procédurales qui amélioreront le contrôle, par les parties, de l’interprétation de l’accord et feront en sorte que les recours futiles soient évités ou rejetés rapidement. Ces caractéristiques clés sont notamment les suivantes: