Dans une interview donnée au quotidien Tageblatt et publiée le 23 septembre 2014, dans laquelle il fait le point sur l’industrie des fonds d’investissement à Luxembourg, le ministre des Finances luxembourgeois, Pierre Gramegna, évoque entre autres le contexte juridique et politique européen dans lequel cette industrie évolue.
Il cite ainsi l’exemple d’un fonds qui veut s’enregistrer au Luxembourg. Les responsables contrôlent s’il remplit toutes les conditions imposées par la législation européenne. Si c’est le cas, il reçoit son autorisation. Aucun autre obstacle ne lui est opposé, contrairement à ce qui se passe dans d’autres Etats membres, où l’on a des problèmes avec de nouveaux concurrents et où on se soucie plus des "acteurs nationaux". Le ministre décrit Luxembourg comme une place ouverte aux nouveaux produits que l’on peut distribuer grâce au passeport européen dans l’UE et dans le monde entier, si d’autres pays l’acceptent. C’est pourquoi le Luxembourg a été le premier pays à transposer dès 1988 la première directive sur les fonds d’investissement, et il continue de transposer rapidement les nouvelles législations européennes dans le domaine financier. Cela lui a procuré un avantage compétitif qui a permis aux UCITS luxembourgeois de s’octroyer "une part significative du marché".
Pour le ministre, "la plus grande innovation dans le domaine des fonds, ce sont les fonds alternatifs (AIFM, ndlr)", dont la directive est entrée en vigueur en juillet 2014. 200 fonds alternatifs sont en train de s’enregistrer au Luxembourg, informe Pierre Gramegna. Pour lui, ces fonds représentent "un grand potentiel", car dans un contexte où les taux d’intérêt sont très bas, ils représentent "une possibilité d’atteindre un meilleur rendement". Les fonds traditionnels UCITS représentent actuellement 80 % de tous les fonds dans le monde, et les fonds alternatifs AIFM représentent 20 % du marché. Si les taux d’intérêts restent bas, le ministre estime que les AIFM constituent "un grand potentiel". D’autant plus que les investisseurs apprécient la "prévisibilité du Luxembourg" qui est basée sur trois facteurs : la stabilité juridique, avec des lois que l’on modifie "aussi rarement que possible", la stabilité financière, certifiée par son triple A, et la stabilité politique qui entraîne, en cas de changement de gouvernement, "une continuité en ce qui concerne la politique qui concerne la place financière". S’y ajoutent la rapide transposition des législations européennes et le développement de produits innovateurs qui anticipent des développements futurs.
Dans l’interview, Pierre Gramegna réitère la position luxembourgeoise selon laquelle la taxe sur les transactions financières ou TTF que 11 Etats membres de la zone euro – en l’occurrence l'Autriche, la Belgique, l'Estonie, la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Italie, le Portugal, la Slovaquie, la Slovénie et l'Espagne - veulent introduire chez eux dans le cadre d’une coopération renforcée "n’est pas une bonne idée tant qu’elle n’est pas introduite au niveau global ou du moins sur les plus grandes places financières".
L’introduire seulement au niveau de l’UE n’aurait également qu’un seul effet : "rendre l’UE moins attractive pour les marchés financiers". Par ailleurs, le Luxembourg veillera maintenant à ce que la collecte de la TTF, qui devrait être introduite dans les 11 Etats membres de l’UE, n’ait pas d’effets extraterritoriaux sur les pays qui ne font pas partie de cette coopération renforcée, que le Luxembourg soit donc exclu de cette TTF en termes de redevance.
Finalement, Pierre Gramegna critique le fait que le Luxembourg et d’autres pays qui ne veulent pas de cette TTF "ne sont pas vraiment informés par les 11 Etats membres de leurs intentions, de sorte que nous ne connaissons pas le détail des redevances qu’ils projettent". Seule une feuille de route a été publiée, qui prévoit une proposition concrète fin 2014 à partir de laquelle on pourra voir s’il y aura des effets indirects sur d’autres pays.