Le comité des sciences humaines de Science Europe, association européenne qui regroupe depuis 2011 52 organisations de financement de la recherche et organismes de recherche provenant de 27 pays, parmi lesquels le Fonds national de la Recherche luxembourgeois, dénonce dans un avis publié le 4 septembre 2014 le peu de cas qui est fait des sciences humaines dans le programme de travail 2014-2015 du nouveau programme cadre pour la recherche et l’innovation de l’UE, à savoir Horizon 2020.
Les auteurs de cet avis se sont penchés tout particulièrement sur "les enjeux de société" (societal challenges), un des trois piliers du programme Horizon 2020, dont ils espéraient pourtant beaucoup, notamment en termes d’intégration du facteur humain à toutes les étapes de la recherche. Ce pilier porte sur des thèmes comme la santé, l'agriculture, les activités maritimes et la bio-économie, l'énergie, les transports, l'action pour le climat, l'environnement, l'utilisation rationnelle des ressources et les matières premières, des sociétés de réflexion ou encore la sécurité.
La conclusion que les chercheurs tirent de leur analyse de ce premier programme de travail est pour le moins sévère : "Nous concluons que le rôle actuel des humanités dans le programme de travail est marginal, tant du point de vue quantitatif que qualitatif". Ce rôle y est qui plus est trop souvent "simplifié", car perçu comme accessoire aux autres domaines de recherche.
Sur le plan quantitatif, les chercheurs observent que seuls 26,7 % des thèmes ouvrent clairement la voie à des contributions des sciences humaines et sociales. Pour ce qui est des humanités - philosophie, histoire ou linguistique -, ces disciplines ne sont intégrées que dans 10 % de ces thèmes. Sans compter que l’éventail d’expertises sollicitées dans ces derniers 10 % est plutôt étroit, souligne encore le communiqué diffusé par Science Europe.
Sur le plan qualitatif, les auteurs de cet avis observent que, dans les cas où place est faite aux sciences humaines et notamment au "comportement humain", l’accent est mis de façon systématique sur des dimensions technologiques au détriment notamment des perspectives culturelles et historiques. Or, arguent les chercheurs, omettre ces dimensions revient à ne pas permettre "de trouver des approches radicalement nouvelles à l'élaboration et l'application des processus technologiques ou sociaux et de mieux comprendre les changements qu'ils apportent aux comportements des gens, aux valeurs omniprésentes, aux modes de communication et aux cultures d'action".
Les auteurs de cet avis, qui formulent un certain nombre de recommandations, comme par exemple d’intégrer systématiquement es humanités dans les groupes consultatifs liés aux enjeux de société, craignent qu’en l’état actuel des choses, le programme de travail n’attire pas des projets de recherche qui seraient en mesure de créer du changement en profondeur mais reste au contraire tourné vers des projets au service de bénéfices à court terme. Résultat, met en garde l’association, les réponses qu’apporteraient les "Enjeux de société" du programme Horizon 2020 risqueraient d’être bien moins pertinentes et bien moins utiles qu’elles ne pourraient l’être.