La Cour de justice de l'Union européenne a publié une ordonnance indiquant que le fait d’intégrer une vidéo déjà publiée sur Internet, quelle que soit sa provenance, ne portait pas atteinte au droit d’auteur, à condition que la vidéo ne s’adresse pas à un nouveau public, selon un communiqué publié le 29 octobre 2014. Cette décision qui date du 21 octobre s’inscrit dans le contexte d’un arrêt publié en février 2014, dans lequel la Cour jugeait que le propriétaire d’un site Internet peut, sans l’autorisation des titulaires des droits d’auteur, renvoyer, via des hyperliens, à des œuvres protégées disponibles en accès libre sur un autre site. Dans cette affaire, il s’agissait d’une société suédoise qui avait renvoyé via des liens cliquables ("hyperliens") sur son site vers des articles de journaux publiés par les maisons d’édition.
Dans l’affaire actuelle (C‑348/13), la technique utilisée est la "transclusion" ("framing") qui permet d’intégrer sur un site une vidéo récupérée d’un autre site, dans ce cas la plate-forme vidéo "You Tube". Deux agents commerciaux avaient intégré en 2010 sur leurs sites une vidéo de la société allemande BestWater International, qui fabrique et commercialise des systèmes de filtre à eau, sur le thème de la pollution des eaux. Cette vidéo, dont la société détient les droits d’exploitation exclusifs, était consultable sur You Tube sans le consentement de BestWater. La société considère que les agents, qui opéraient pour une entreprise concurrente, ont mis le film à la disposition du public sans son autorisation et violé ainsi ses droits d’auteur.
Saisie de l’affaire, la Cour fédérale allemande de Karlsruhe demandait à la CJUE si la transclusion (ou incrustation) sur un site Internet d’une œuvre librement consultable sur un autre site peut être qualifiée de "communication au public", de telle sorte que l’autorisation préalable du titulaire de droit serait nécessaire. Pour rappel, la Directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information dispose que "les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil".
Or, pour pouvoir considérer qu’il y a "communication au public", il faut que l’œuvre protégée soit communiquée selon un mode technique spécifique différent de celui de la communication d’origine ou bien soit adressée à un public nouveau, estime la Cour dans son ordonnance. Vu que la vidéo était déjà librement consultable sur un autre site, il n’est donc pas possible de considérer qu’une œuvre est communiquée à un public nouveau, juge la Cour. Elle conclut que la transclusion (ou incrustation) sur un site Internet d’une œuvre librement consultable sur un autre site ne peut pas être qualifiée de "communication au public" et ne nécessite ainsi pas l’autorisation préalable du titulaire de droit.
La Cour rappelle que cette décision vaut même si les Internautes ont l’impression que l’œuvre est montrée depuis le site qu’ils consultent, alors qu’elle provient en réalité d’un autre site, puisque telle est exactement la caractéristique de la technique de "transclusion" : incruster dans un site un lien provenant d’un autre site sans que les Internautes n’aient forcément conscience de l’origine de ce lien.