En juillet 2014, la Commission européenne annonçait vouloir "appeler les gouvernements nationaux à s'éveiller à cette révolution liée au "big data", ou données massives" en publiant une communication intitulée "Vers une économie de la donnée prospère". Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission, proposait alors plusieurs actions concrètes pour résoudre les problèmes identifiés en vue de renforcer le secteur des "mégadonnées" en Europe, et notamment de mettre en place un partenariat public-privé "big data" pour "financer les idées révolutionnaires dans des domaines comme la médecine personnalisée ou la logistique alimentaire".
Selon la Commission, avec la maîtrise des mégadonnées, les fournisseurs européens pourraient conquérir jusqu’à 30 % du marché mondial des données, 100 000 nouveaux emplois pourraient être créés en Europe d’ici à 2020 tandis que la consommation d’énergie pourrait diminuer de 10 %, les soins de santé s’améliorer, et l’appareil industriel devenir plus productif.
Aujourd’hui, parmi les 20 plus grandes entreprises qui "changent des vies et font de l’argent avec les mégadonnées", seules deux sont européennes, souligne la Commission qui souligne que l’Europe doit investir pour renforcer tous les maillons de la "chaîne de valeur des données".
Chaque minute, le monde génère 1,7 million de milliards d’octets de données (soit le contenu de 360 000 DVD), ce qui représente plus de 6 mégaoctets de données par personne et par jour. Ces données proviennent de différentes sources (personnes, machines, capteurs...). Il peut s’agir d’informations climatiques, d’images satellite, de photos et de vidéos numériques, d’enregistrements de transactions ou de signaux GPS.
En conséquence, le secteur des données connaît une croissance de 40 % par an, sept fois plus rapide que celle du marché de l’information et des communications dans son ensemble. Les entreprises qui bâtissent leurs processus décisionnels sur des connaissances produites à partir de données voient leur productivité croître de 5 à 6 %. Les mégadonnées nous aident déjà à diagnostiquer plus vite les lésions cérébrales ou à prévoir les rendements agricoles dans les pays en développement. Dans les années à venir, les technologies et services mondiaux de mégadonnées créeront des centaines de milliers de nouveaux emplois.
Les mégadonnées représentent pour la Commission "une formidable opportunité, mais aussi un défi" : aujourd’hui, les ensembles de données sont si volumineux et demandent un traitement si complexe que le développement de nouveaux concepts, de nouveaux outils et de nouvelles infrastructures est une nécessité. Il faudra aussi mettre en place le cadre juridique, les systèmes et les solutions techniques requis pour garantir le respect de la vie privée et la sécurité.
Le 13 octobre 2014, donc trois mois seulement après la publication de sa communication, Neelie Kroes a pu signer un protocole d’accord pour la mise en place d’un Partenariat public-privé (PPP) sur les mégadonnées avec Jan Sundelin, président de la Big Data Value Association (BDV), association au but non lucratif qui agit au nom de sociétés actives dans le secteur européen des données.
La Big Data Value Association compte parmi ses membres ATC, IT Innovation, IBM, SINTEF, l’université de Bologne (CINI), l’université polytechnique de Madrid, Nokia Solutions and Networks, Thales, l’université de Duisbourg-Essen, Siemens, SAP Engineering, TIE Kintetx, ANSWARE, Software AG, Orange, Atos, Indra, ITI, VTT, Fraunhofer, le DERI et l’université technique de Berlin. L’association est ouverte à l’adhésion de nouveaux membres, qu’il s’agisse d’entreprises ou d’organismes de recherche.
Par ce protocole d’accord, la Commission et BDV se sont engagés à investir 2,5 milliards d’euros dans un PPP visant à renforcer ce secteur et à placer l’Europe en tête de la course mondiale aux données. Il devrait être mis en place le 1er janvier 2015. L’UE a prévu d’investir plus de 500 millions d’euros sur cinq ans (2016-2020) au titre du programme Horizon 2020, tandis que les partenaires privés devraient apporter une mise de fonds au moins quatre fois plus importante (soit 2 milliards d’euros).
Le principe du PPP est de mettre en lien l’industrie européenne des données, que ce soit les grands acteurs ou les PME, les chercheurs, les universitaires et la Commission afin qu’ils coopèrent dans la recherche et l’innovation en matière de données.
Selon le communiqué diffusé par la Commission européenne, ce PPP "aidera à concentrer les efforts du secteur public, du secteur privé et des universités sur la recherche d’idées révolutionnaires sur les mégadonnées et l’innovation en la matière, dans des secteurs tels que l’énergie, l’industrie manufacturière et la santé, pour fournir des services, par exemple, d’analyse prédictive, de logistique agroalimentaire et de médecine personnalisée." Le PPP doit "renforcer la communauté européenne des mégadonnées et aider à poser les fondations de l’économie prospère de demain, qui reposera sur les données".
Grâce à ce PPP, la Commission veut répondre aux principaux défis et besoins de recherche identifiés par l’industrie et les universitaires dans un programme stratégique de recherche et d’innovation qui sera décliné dans les futurs programmes de travails et appels à propositions d’Horizon 2020. Elle suit ainsi le secteur et cherche à induire des actions que ce dernier lui définit.
BVD s’est en effet attaché à identifier les faiblesses, les forces, les opportunités et les menaces liés au développement du secteur des données en Europe. Parmi les "faiblesses" identifiées, on peut relever "le conservatisme", "l’aversion envers le risque", "l’incertitude quant à savoir quelles données doivent être conservées et pour combien de temps dans les différents secteurs et marchés", le fait que dans l’UE "les données publiques ne sont pas accessibles autant qu’elles devraient l’être", le fait que "les différentes langues de l’Europe créent une barrière pendant le traitement des données", ou encore le fait qu’il y a une demande de haute sécurité "à laquelle il peut être difficile de répondre". Pour ce qui est des "risques" identifiés, on trouve à nouveau le fait que "les politiques sont souvent trop connectés au monde des vieilles données", ou encore "un risque de sur-régulation et de protectionnisme", et les auteurs de ces lignes de préciser encore que "la réglementation en matière de protection de la vie privée est moins restrictive ailleurs".
Le PPP sur les mégadonnées vient compléter huit partenariats public-privé déjà constitués au titre d’Horizon 2020, notamment sur la photonique, la robotique, le calcul à haute performance, les réseaux 5G avancés pour l’internet du futur et les usines du futur. Tous ces partenariats public-privé portent sur des technologies stratégiques qui seront à la base de la croissance et de la création d’emplois dans les secteurs-clés d’une économie européenne de la connaissance, tout en ciblant des défis sociétaux importants.