Les ministres des Finances des Etats membres de la zone euro étaient réunis à Luxembourg, le 13 octobre 2014, afin de participer à une réunion de l’Eurogroupe consacrée notamment à la situation économique de la zone euro ainsi qu’à l’analyse de l’évolution de la situation spécifique de deux Etats membres soumis à des plans de sauvetage financier et à des programmes d’ajustement budgétaire, à savoir Chypre et la Grèce.
Pour ce qui est de la situation économique, les ministres ont pris note des graves préoccupations au sujet du rythme de la reprise mondiale, en particulier concernant l'environnement de faible croissance et de d'inflation modérée dans la zone euro. "Dans le même temps nous nous attendons toujours à faire mieux que l'an dernier en termes de croissance économique et d’accélération de la reprise", a commenté le ministre néerlandais des Finances et président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, à l’issue de la rencontre.
Selon lui, un large consensus se dégage parmi les ministres sur le caractère insatisfaisant de la situation actuelle qui nécessite donc "des actions politiques fortes" et "déterminées" des gouvernements, en particulier un ensemble crédible de réformes structurelles, de mesures budgétaires et d’investissements" de la part des États membres.
Dans ses remarques prononcées à la sortie de la réunion, le président de l’Eurogroupe a par ailleurs souligné que les ministres avaient réaffirmé que "le Pacte de stabilité et de croissance constitue un point d'ancrage pour la confiance dans l'UE". Selon le ministre, l’idée est clairement partagée que la crédibilité regagnée du pacte grâce au travail acharné au cours des dernières années doit être préservée par tous. "La stratégie de consolidation favorable à la croissance devrait se poursuivre (…) tout en utilisant la flexibilité dans les règles en vigueur. Et cela, bien sûr s'applique à tous les États de la zone euro", a-t-il dit, alors que les Etats membres doivent présenter leurs projets budgétaires le 15 octobre 2014.
Les ministres ont en outre préparé le Sommet de la zone euro qui se déroulera le 24 octobre 2014. Lors de ce sommet, le Néerlandais présentera plus largement ce qu’il qualifie de "new deal" de la croissance pour la zone euro, qui vise à lier le programme de réformes au rythme de l'assainissement budgétaire et aux investissements de soutien. "Nous avons besoin de mieux concevoir nos mécanismes afin que nous puissions mettre en œuvre un ambitieux programme de réformes", a notamment estimé Jeroen Dijsselbloem.
Après avoir évoqué à deux reprises lors de leurs précédentes rencontres une fiscalité du travail jugée trop élevée au sein de la zone euro, c’est le sujet de la promotion des investissements qui était cette fois à l’ordre du jour des ministres des Finances.
Les investissements et les mesures destinées à les stimuler sont en effet considérés comme "un élément essentiel de notre programme de croissance". Selon le président de l’Eurogroupe, à court terme, l'investissement aidera à stimuler la demande et soutenir la reprise économique, quand à long terme, il permettra de renforcer la croissance potentielle de la zone euro, grâce à une allocation efficace des ressources.
La discussion des ministres se sera avant tout focalisée sur les moyens de stimuler l'investissement privé ainsi que sur le lien entre l’investissement et les réformes structurelles. "Comme je l'ai souligné à maintes reprises, des problèmes structurels de nos économies ne peuvent être résolus que par des politiques structurelles, qui augmentent le potentiel de croissance de la zone euro et de l'emploi structurel. Renforcer la confiance est crucial pour inverser la tendance à la baisse de l'investissement. Et je pense qu'il est impératif de supprimer les obstacles à l’investissement pour le secteur privé et de créer un environnement d'affaires propice à l'investissement privé", a estimé Jeroen Dijsselbloem.
Le président de l’Eurogroupe a par ailleurs qualifié ces échanges de "très consensuels". "Nous sommes d'accord qu'il faut agir à la fois au niveau national et européen. Nous allons poursuivre notre discussion demain au Conseil Ecofin et plus tard encore dans l'Eurogroupe".
Lors de leur rencontre, les ministres se sont encore penchés sur la situation de deux Etats membres auxquels furent accordés des plans de sauvetage financier en échange de la mise en place de programmes d’ajustement structurel, à savoir Chypre et la Grèce.
Les ministres ont ainsi été informés par la troïka (Commission, BCE, FMI) de l'état d'avancement de la cinquième revue du programme d'ajustement macroéconomique pour Chypre. "La mise en place d’un cadre juridique efficace pour la restructuration de la dette privée reste une question en suspens importante qui empêche la conclusion de l'examen", a déclaré Jeroen Dijsselbloem, précisant que "quatre projets de loi qui pourraient affecter ce cadre juridique sont en cours d'évaluation par la Cour suprême de Chypre et nous attendons le résultat de ce processus".
Pour mémoire, lors de sa réunion informelle du 12 septembre 2014, l’Eurogroupe avait gelé la nouvelle tranche d’aide de 436 millions d’euros suite à la tentative des parlementaires chypriotes de réduire les effets de la loi sur les saisies immobilières – demandée par la troïka – pour les personnes à faibles revenus et d’empêcher ainsi des saisies de masse. Un des amendements contestés prévoit que pour un prêt inférieur à 350 000 euros, si une saisie a lieu et qu'un montant est toujours dû, alors ce montant doit être effacé de l'ardoise.
Or, la mise en conformité des dispositions juridiques en place avec le protocole d'accord est considérée comme essentielle afin de réduire le niveau élevé de prêts non performants à Chypre, y compris aux grandes entreprises, et de ramener la santé financière dans l’île. Dès lors le décaissement de la prochaine tranche d'aide financière par le Mécanisme européen de stabilité pourra être accordé seulement une fois que les institutions de la troïka auront confirmé que les mesures préalables nécessaires ont été achevées avec succès.
Pour ce qui est de la Grèce, les ministres des Finances ont également été informés de l'état d'avancement du programme d'ajustement grec suite à la première mission de la cinquième revue qui a eu lieu entre le 29 septembre et le 8 octobre 2014. "Nous nous félicitons de ce que les autorités grecques ont fait des progrès considérables pendant l'été dans la mise en œuvre de la conditionnalité politique convenue", a déclaré Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe soulignant que dans le même temps, "un travail considérable" est encore nécessaire dans plusieurs domaines pour mettre le programme sur la bonne voie et être en mesure de mener à bien la cinquième revue.
"Nous avons exhorté les autorités grecques à assurer une mise en œuvre rapide des mesures de réforme nécessaires, en conformité avec le protocole d'accord et en étroite consultation avec les institutions de la troïka. Une fois que les résultats de cette cinquième revue seront clairs, l'Eurogroupe commencera à discuter d'un certain nombre de questions connexes telles que les dispositions à mettre en place à l'expiration du programme actuel, à la fin de cette année".
Alors que le gouvernement a annoncé son intention de quitter en même temps le programme du FMI, supposé courir jusque 2016, Jeroen Dijsselbloem avait déclaré aux journalistes à son arrivée à Luxembourg, qu'une ligne de crédit de précaution du MES était "une possibilité" pour accompagner la sortie de la Grèce du plan d'assistance financière de l'eurozone. "C'est un peu tôt pour le dire (…), avant la fin de l'année nous devrons prendre une décision sur ce qui viendra après" le programme actuel, avait-il estimé.