Le 1er octobre, Corina Cretu, commissaire désignée à la Politique régionale, a été auditionnée par les eurodéputés de la commission du Développement régional.
Economiste de formation, Corina Cretu a rejoint les bancs du Parlement européen en 2007, au moment de l’adhésion de son pays, la Roumanie, à l’UE. Vice-présidente du Parlement européen ainsi que de son groupe politique, l’Alliance des Socialistes et Démocrates, Corina Cretu a aussi des responsabilités au sein des bureaux du Parti socialiste européen et du parti social-démocrate roumain.
C’est d’ailleurs après avoir exercé plusieurs fonctions importantes au sein de son parti qu’elle a été élue députée en Roumanie en 2000, au moment où elle devenait aussi conseillère et porte-parole du président roumain. Après avoir commencé sa carrière comme économiste et journaliste, Corina Cretu avait auparavant travaillé comme experte auprès de la présidence roumaine et du Sénat. Dans son CV, Corina Cretu ne donne pas d’indication sur ses connaissances linguistiques.
Si Corina Cretu est bien au fait des usages du Parlement européen, elle est en revanche une novice en matière de politique régionale, un portefeuille dont elle est pourtant bien consciente, comme elle l’a rappelé devant ses pairs, qu’il représente près d’un tiers du budget de l’UE.
Ses priorités en matière de politique régionale ne laissent a priori pas de place à de grandes nouveautés.
La principale priorité de Corina Cretu sera en effet de mettre en œuvre la réforme de la politique régionale préparée par son prédécesseur, Johannes Hahn, afin de mettre en place une programmation de qualité pour la période 2014-2020.Il n’y aura pas de compromis sur la qualité de la programmation, a bien insisté la commissaire candidate qui entend veiller à ce que la mise en œuvre du nouveau cadre réglementaire encadrant la politique de cohésion aboutisse à une meilleure efficacité des fonds destinés à la politique régionale. Ainsi, si elle a dit regretter le faible taux d'absorption des fonds européens en Europe, elle a dit refuser toutefois d'ignorer la qualité des projets uniquement pour dépenser au plus vite : "il ne faut pas absorber pour absorber", a-t-elle mis en garde.
Pour Corina Cretu, les bénéficiaires ont pour devoir de faire de leur mieux avec l’argent public qu’ils reçoivent. Mais il est aussi clair à ses yeux qu’une bonne capacité administrative et une bonne gouvernance sont une condition sine qua non du succès. Renforcer la capacité institutionnelle et soutenir les Etats membres dans ce sens sera donc une de ses priorités. La candidate veut aussi mettre l’accent sur des partenariats public-privé de qualité, ainsi que sur la simplification administrative. Enfin, pour ce qui est de la fraude, son message est on ne peut plus clair : elle promet la tolérance zéro.
Corina Cretu a défendu le principe de la conditionnalité macro-économique, qui prévoit la suspension des fonds pour un État membre en cas d'entorse au Pacte de stabilité et de croissance. Elle l'a jugée «nécessaire", tout en précisant qu’il ne serait appliqué qu’en dernier recours.
Un de ses grands atouts semble être sa bonne connaissance des relations interinstitutionnelles, et elle a donc tenu à offrir aux parlementaires européens toutes les garanties d’une bonne future collaboration. Cette bonne connaissance des mécanismes de décision lui a aussi permis d’esquiver plusieurs questions qu’elle a ainsi laissées ouvertes.
La plus marquante aura été une question posée par le coordinateur du groupe PPE, Lambert Van Nistelrooij, qui souhaitait savoir comment elle entendait remédier au problème de l’écart entre crédits d’engagement et de paiement, un problème chronique qui a conduit fin 2013 à un déficit accumulé de plus de 23 milliards d’euros et qui n’est bien évidemment pas sans impact sur la politique régionale. Corina Cretu l’a assuré de sa volonté de "ralentir cet effet boule de neige des factures impayées", mais elle s'est contentée de promettre d'en "parler personnellement au collège des commissaires". Une réponse qui n’a pas satisfait le groupe PPE, loin de là.
Si au sortir de l’audition, les coordinateurs de la commission REGI ne semblaient pas prêts à opposer un veto à la candidate, son audition n’aura cependant pas fait l’unanimité.
Le groupe PPE n’a pas caché sa déception et a diffusé un communiqué de presse plutôt critique à l’issue de l’audition. Ce qui est notamment reproché à la candidate roumaine, c’est de ne pas avoir d’idée concrète et claire pour remédier aux problèmes des factures impayées. Mais le groupe PPE se montre aussi déçu du fait qu’elle n’a pas voulu promettre qu’elle allait accélérer l’adoption des programmes opérationnels pour la période 2014-2020. En bref, pour le PPE, Corina Cretu a certes témoigné d’une bonne connaissance de ses dossiers, mais elle n’a livré que très peu d’idées concrètes pour améliorer la politique régionale.
Du côté du S&D en revanche, sa famille politique, Corina Cretu a obtenu le plein soutien de ses pairs. Le S&D retient ainsi de sa réponse sur les paiements en souffrance qu’elle "a commencé à chercher une solution avec le Parlement européen" et qu’elle entend améliorer le système pour éviter tout retard de paiement à l’avenir. Andrea Cozzolino, porte-parole du groupe pour cette audition, a aussi retenu et salué son "engagement à accorder plus d’attention aux villes, étant donné que 75 % des citoyens de l’UE vivent dans des zones urbaines".
Tomasz Poręba, eurodéputé de l’ECR a lui aussi salué "une très bonne candidate pour ce portefeuille", et ce notamment du fait de sa "sensibilité aux besoins et problèmes des pays d’Europe centrale et orientale où va la plus grande partie des fonds européens". "Bien préparée", Corina Cretu a offert une "performance crédible" selon son collègue James Nicholson qui a toutefois relevé qu’elle était certes "un peu légère sur la substance dans certains domaines".
Du côté de la Gauche, le groupe GUE/NGL a décidé d’exprimer sa confiance à l’égard de Corina Cretu. Younous Omarjee a notamment apprécié sa volonté de favoriser les régions de l’UE les moins développées, ainsi que son engagement à résoudre les problèmes de paiement avec l’ensemble du collège des commissaires. Ses consœurs Martina Michels et Angela Vallina, qui ont été rassurées de savoir que Corina Cretu n’entendait user du mécanisme de conditionnalité macro-économique qu’en dernier recours, sont toutefois restées sur leur faim quant à la question de savoir comment garantir une pleine implication des régions dans la renégociation des programmes de financement dans de tels cas.
Quant aux Verts, c’est l’eurodéputée Vana Delli qui a pris position à l’issue de l’audition de Corina Cretu. Elle a jugé la commissaire candidate "bonne sur le contenu et la ligne générale de son portefeuille bien que très ouverte". Elle met au crédit de Corina Cretu son expérience de parlementaire européenne et sa volonté de coopérer avec le Parlement européen. Si elle salue le fait qu’elle semble s’inscrire dans la continuité du travail conduit précédemment par Johannes Hahn, elle relève aussi qu’elle "n’a rien dit de nouveau ni de concret". Et elle l’a trouvée "faible" sur des sujets qui lui tiennent à cœur comme l’économie verte, le rôle des villes ou les services publics. Les Verts la jugent toutefois à même d’assumer ses fonctions de commissaire à la politique régionale, tout en soulignant qu’il n’est "pas certain qu’elle jouera un grand rôle dans la Commission, et ce notamment avec (ou contre ?) le vice-président Katainen". La stratégie des Verts semble donc être de la soutenir au sein du collège des commissaires pour qu’elle puisse y jouer un plus grand rôle.