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Audition des commissaires désignés au Parlement européen – Carlos Moedas, choisi pour la recherche et l’innovation, est jugé à la fois compétent mais vague dans ses réponses
30-09-2014


pe-auditions-moadesDésigné par Jean-Claude Juncker pour occuper le portefeuille de commissaire en charge de la recherche, de la science et de l'innovation, le social-démocrate portugais Carlos Moedas a été auditionné le 30 septembre 2014 par les membres de la commission parlementaire chargé de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE) du Parlement européen. Un examen de passage devant les députés européens lors duquel le candidat est apparu compétent sur ses dossiers tout en donnant des réponses jugées très générales aux questions des députés européens.

Âgé de 44 ans, Carlos Moedas est titulaire d'un diplôme en génie civil et d’une maîtrise en administration des affaires de la Harvard Business School. Il a notamment travaillé comme économiste pour Goldman Sachs et la Banque d'investissement Eurohypo. En 2011, il est élu au Parlement portugais et nommé dans la foulée secrétaire d'État directement rattaché auprès du Premier ministre. Il y était responsable de la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurels définis par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) en échange d’une aide financière internationale.

Les priorités du commissaire désigné

Parmi ses priorités affichées tant dans le questionnaire écrit rendu aux députés européens que lors de son audition, le commissaire désigné a particulièrement insisté sur la mise en œuvre des programmes existants, à savoir le programme-cadre "Horizon 2020", ainsi que sur l’accélération de l’achèvement de projets comme l'Union de l'innovation ou l'Espace européen de la recherche (EER), le premier ayant été lancé en 2000 et le second en 2010. Sa devise en la matière sera ainsi de "livrer, livrer, livrer" des résultats, a-t-il répété aux députés.

"Ma première priorité est de faire progresser la création des conditions-cadres qui permettent d'exploiter le plein potentiel de la recherche, de la science et de l'innovation européennes", a-t-il expliqué, soulignant qu’ "achever l'EER et accélérer les actions de l'Union de l'innovation" en sont un préalable. Le commissaire désigné compte notamment améliorer "la coordination des politiques et élargir la participation", ainsi qu’explorer "les synergies entre les fonds structurels et d'investissements au niveau national et régional".

Un des principaux défis du commissaire, s’il est confirmé dans ses fonctions, sera ainsi la gestion du programme-cadre "Horizon 2020", cela dans un contexte où le Conseil a récemment proposé de réduire de 11% son budget pour 2015 et où les retards de paiement s'accumulent. "Une priorité majeure pour moi sera d'assurer que ce programme de 80 milliards d’euros soit mis en œuvre de la manière la plus efficace et effective", a-t-il dit.

Interrogé sur sa capacité à convaincre le Conseil de mobiliser les ressources nécessaires et les Etats membres à investir davantage, le Portugais assure qu’il défendra le programme et montrera au Conseil que "l’innovation est la clé pour la croissance". " Notre rôle est d'expliquer aux Etats membres comment la recherche est importante, et utiliser les fonds européens comme levier", a encore assuré Carlos Moedas, appelant au soutien du Parlement pour "résoudre les problèmes de manque d'argent dans le budget de l’UE".

De nombreux députés ont souhaité savoir comment le commissaire désigné entendait gérer les priorités thématiques d’ "Horizon 2020". "Il s'agit de mettre en œuvre ce que nous avons,  non de réinventer la roue", a surtout estimé Carlos Moedas, qui a néanmoins laissé entendre qu'il s'attacherait à développer un nouvel indicateur, celui de l'"output" des investissements dans la recherche et l'innovation, afin de mieux voir comment ces investissements se traduisent en termes de croissance économique et de création d'emplois. "Il faut se concentrer sur les résultats", a-t-il dit.

Au sujet de l'EER, le commissaire désigné le juge "essentiel" et considère que "la majorité des outils, au niveau européen, sont là". Afin d’encourager les États membres à l'achever, Carlos Moedas veut insuffler davantage de transparence dans les recrutements ainsi que réduire la fragmentation et les duplications dans le domaine, et il a encore assuré qu’il serait aussi "particulièrement vigilant à la dimension de genre". Il s’agira cependant d’attendre mi-2015 et l’adoption de la feuille de route de l'EER, pour entreprendre de nouvelles initiatives.

"Je suis quelqu’un d’habile dans la mise en œuvre [des politiques], je l’ai été pendant trois ans, dans un travail uniquement dédié à cette tâche. Je suis en réalité beaucoup moins dans la parole publique que dans l’action", a-t-il encore dit aux députés.

Les réactions des groupes politiques

"La plus grande lacune dans le domaine de la recherche est le financement. L’expérience de Carlos Moedas comme expert financier prouve qu'il sera intransigeant en rétablissant le budget de recherche et de développement et qu’il résistera à la pression de certains Etats membres à réduire les dépenses", a déclaré le Letton Krišjānis Kariņš, porte-parole du groupe PPE dans la commission ITRE.

Le groupe S&D a pour sa part salué l’engagement du commissaire désigné pour "davantage d’action européenne et coopération" dans le domaine, tout en relevant l'absence d'initiatives concrètes ou nouvelles. "M. Moedas s'est aligné avec les principales priorités du groupe S&D, tout en restant assez vague sur la façon de les réaliser", a ainsi commenté son coordinateur au sein de la commission ITRE, le Roumain Dan Nica.

Le coordinateur du groupe ECR pour la commission ITRE, le Polonais Marek Gróbarczyk, a également estimé que "les réponses données par M. Moedas aux questions posées par les députés étaient correctes, mais aussi tout à fait générales. Le commissaire désigné a essayé très fort de ne pas aller au-delà de ce qui est considéré comme le politiquement correct de l’UE. Cela oblige le groupe ECR à examiner ses actions encore plus étroitement à l'avenir ".

De même, les Verts/ALE, par la voix de Reinhard Bütikofer ont estimé que si le commissaire désigné est "certainement un homme politique expérimenté et un opérateur lisse" et qu’il a évité les zones de danger, n'a pas trébuché, ni offensé", reste que sa position quant à "un grand nombre de questions de fond reste à voir. Il était trop prudent pour s'engager sur des positions spécifiques".