Principaux portails publics  |     | 

Traités et Affaires institutionnelles
Le calcul de la majorité qualifiée au Conseil passe à l’heure du traité de Lisbonne
01-11-2014


ConseilDepuis le 1er novembre 2014, de nouvelles règles s'appliquent pour le calcul de la majorité qualifiée au Conseil européen et au Conseil de l'Union européenne : le système de voix pondérées attribuées à chaque Etat membre, en vigueur depuis 1957, a laissé la place à un système de double majorité des pays et de la population. Introduit en vertu du traité de Lisbonne, ce changement vise à faciliter la prise de décision au sein de ces deux institutions et à en renforcer la légitimité démocratique.

Le contexte

Pour précision, le traité de Lisbonne détaille que "le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement". La majorité qualifiée correspond au nombre de voix qui doit être atteint pour qu'une décision soit adoptée sur la base de l'article 16 du traité sur l’UE et de l’article 238 du TFUE, ce qui est notamment le cas dans le cadre de la procédure législative ordinaire, où le Conseil légifère en codécision avec le Parlement européen.

Avant le 1er novembre 2014, la définition de la majorité qualifiée au Conseil européen et au Conseil de l’UE était régie par les dispositions du traité de Nice (2001). Dans ce système, chaque Etat membre se voyait attribuer un certain nombre de voix relatif notamment à son poids démographique. Ainsi les Etats les plus peuplés bénéficiaient de 27 à 29 voix, les pays moyennement peuplés entre 7 et 14 voix, et les plus faiblement peuplés disposaient de 3 ou 4 voix (le Luxembourg par exemple disposait de 4 voix).

Dans une UE à 28, pour que le Conseil statue positivement en vertu de ce système, une majorité qualifiée devait nécessairement rassembler au moins 260 voix sur 352 ainsi que le vote favorable d'une majorité d'Etats membres. Un système dit de "filet démographique" permettait en outre à chaque Etat membre de demander qu'il soit vérifié que la majorité qualifiée représentait au moins 62 % de la population de l'UE. Si cette condition n’était pas remplie, la décision n’était pas adoptée. Dans ce cadre, une minorité de blocage pouvait être constituée en rassemblant une coalition totalisant 93 voix ou 38 % de la population de l’Union.

Un nouveau système de double majorité

L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 a donc modifié la règle de vote au Conseil en introduisant un système fondé sur le principe d’une double majorité d’Etats et de population, tout en prévoyant une période transitoire jusqu’au 31 octobre 2014 lors de laquelle le système de Nice est demeuré d’application.

Désormais, comme le prévoient l'article 16 du traité sur l’UE et l’article 238 du TFUE, lorsque le Conseil statue sur une proposition de la Commission européenne ou du Haut Représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, la majorité qualifiée devra atteindre au moins 55 % des membres du Conseil (soit, dans une UE de 28 Etats membres, au moins 16 pays) et représentant au moins 65% de la population de l’Union (soit, en 2014, environ 328,6 millions de personnes). Une minorité de blocage devra pour sa part inclure au moins quatre membres du Conseil, faute de quoi la majorité qualifiée est réputée acquise.

Lorsque tous les membres ne prennent pas part au vote sur une proposition de la Commission ou du Haut Représentant (notamment pour des actes adoptés dans le cadre d'une coopération renforcée ou bien ceux pour lesquels seuls les Etats membres de la zone euro votent), la majorité qualifiée est atteinte lorsqu'au moins 55 % des Etats membres participants, représentant au moins 65 % de la population de ces Etats membres, s'expriment en faveur de la proposition. Enfin, lorsque le Conseil agit sans qu'une proposition de la Commission ou du Haut représentant soit nécessaire (domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale), la majorité qualifiée renforcée devra rassembler au moins 72 % des membres du Conseil (soit 21 d'entre eux dans l'UE à 28) et 65 % de la population européenne.

Le traité précise encore que pour ces deux derniers cas de figure, une minorité de blocage doit inclure au moins le nombre minimum de membres du Conseil représentant plus de 35 % de la population des Etats membres participants, plus un membre, faute de quoi la majorité qualifiée est réputée acquise.

Dispositions transitoires jusqu’en 2017

Afin de faciliter le passage vers les nouvelles règles, des dispositions transitoires sont inscrites dans le Protocole (n° 36) sur les dispositions transitoires annexé au traité. Celles-ci permettront à tout Etat membre de demander, jusqu'au 31 mars 2017, que les règles sur le vote à la majorité en vigueur avant le 1er novembre 2014 s'appliquent à un acte spécifique.

En outre, il sera aussi possible de faire appliquer le "compromis de Ionnina" qui, lorsqu'une majorité qualifiée est atteinte au Conseil, mais que l'opposition est proche de la minorité de blocage, permet de s’opposer au vote d’un acte à la majorité qualifiée par le Conseil afin d’essayer de trouver une solution dans un délai raisonnable. Le seuil de déclenchement de ce compromis nécessite une coalition de pays représentant au moins les trois quarts de la population de l’Union nécessaire pour constituer une minorité de blocage ou au moins les trois quarts du nombre des États membres requis pour une telle minorité.

À partir du 1er avril 2017, la nouvelle règle de majorité qualifiée deviendra obligatoire. Les seuils de déclenchement du "compromis de Ionnina" seront abaissés à au moins 55 % de la population de l’Union ou au moins 55 % du nombre des Etats membres nécessaires à la constitution d’une minorité de blocage.