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Concurrence - Énergie - Environnement
La promotion des énergies renouvelables dans l’Union au centre d’un arrêt du Tribunal de l’UE contre l’Autriche et de conclusions de l’avocat général de la CJUE contre la Pologne
11-12-2014


CJUEDans un arrêt rendu le 11 décembre 2014 dans l'affaire T-251/11 Autriche / Commission, le Tribunal de l’Union européenne (UE) a confirmé que l’exemption partielle de l’obligation d’acheter de l’électricité verte, que l’Autriche prévoyait d’accorder aux entreprises à forte intensité énergétique, constituait bien une aide d’État prohibée et n’était donc pas compatible avec les règles du marché commun, tel que la Commission européenne l’avait décidé.

Le contexte

Pour mémoire, comme le rappelle un communiqué diffusé par le service de presse du Tribunal, la directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables prévoit que les États membres doivent atteindre d’ici à 2020 des objectifs nationaux contraignants en ce qui concerne la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie. La directive fixe ces objectifs, mais laisse aux États membres le choix des moyens à utiliser pour les atteindre.

Dans ce contexte, afin d’atteindre son objectif national de 34 %, l’Autriche a modifié sa loi sur l’électricité verte en 2008. La nouvelle version de la loi garantit à chaque producteur d’électricité verte la possibilité d’écouler la quantité totale d’électricité verte à un prix fixe supérieur au prix de l’électricité sur le marché qui est fixé chaque année par le ministre fédéral de l’Économie. Les achats sont effectués par un centre de règlement de l’électricité verte, dont l’exécution des missions est assurée, dans le cadre d’une concession, par une société anonyme de droit privé, l’Abwicklungsstelle für Ökostrom AG ("ÖMAG").

Les coûts exposés par l’ÖMAG pour l’achat de l’électricité verte sont transférés aux consommateurs d’électricité de deux manières différentes. D’une part, chaque consommateur final connecté au réseau public doit s’acquitter d’une cotisation annuelle indépendante de sa consommation mais reposant sur son niveau de connexion au réseau. D’autre part, les distributeurs d’électricité sont tenus d’acheter à l’ÖMAG la totalité de l’électricité verte à un prix fixe prévu par voie réglementaire. Ils peuvent répercuter les surcoûts ainsi exposés sur leurs clients.

Le litige en cause

Toutefois, par une disposition de la loi sur l’électricité verte non encore entrée en vigueur, l’Autriche entend prévoir un régime spécifique pour les entreprises à forte intensité énergétique. En effet, ces entreprises sont considérées comme particulièrement touchées par le supplément de charges d’électricité verte et particulièrement exposées à la concurrence internationale. Ainsi, en vertu de cette exemption, les paiements qu’une entreprise à forte intensité énergétique doit verser à l’ÖMAG sont limités à un montant correspondant à 0,5 % de la valeur nette de production de l’année civile précédente. Le plafonnement de l’obligation d’achat de ces entreprises n’affectera pas le montant total versé par les distributeurs d’électricité à l’ÖMAG, dès lors que seule la ventilation de ce montant entre les différentes catégories de consommateurs change.

Dans son arrêt, le Tribunal rappelle que la Commission a constaté, par décision du 8 mars 2011, que le régime spécifique pour les entreprises à forte intensité énergétique constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. Elle en a conclu que cette aide ne pouvait pas être accordée, décision contre laquelle l’Autriche avait choisi de déposer un recours.

Les arguments du Tribunal

Par son arrêt rendu le 11 décembre 2014, le Tribunal de l’UE a rejeté le recours introduit par l’Autriche contre cette décision, les juges européens estimant que "c’est à bon droit" que la Commission a qualifié d’aide d’État l’exemption partielle des entreprises à forte intensité énergétique, alors que l’Autriche contestait cette qualification, arguant notamment que cette aide n’était pas financée par des "ressources d'origine étatique".

Au contraire, relève le Tribunal, la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que cette exemption partielle impliquait l’utilisation de ressources étatiques. En effet, avancent les juges, le supplément de prix obligatoire pour l’électricité verte prévu par la loi sur l’électricité verte est assimilable à une taxe parafiscale. L’ÖMAG n’agit donc ni pour son propre compte ni librement, mais sous le strict contrôle de l’État, en tant que titulaire d’une concession et gestionnaire d’une aide accordée au moyen de fonds étatiques aux producteurs d’électricité verte. "C’est donc à juste titre que la Commission a considéré que l’exemption partielle en cause s’apparente à une charge supplémentaire pour l’État, dans la mesure où toute réduction du montant de la taxe dont les entreprises à forte intensité énergétique sont redevables peut être considérée comme ayant conduit à des pertes de recettes de l’État", souligne le Tribunal, qui ajoute que le mécanisme d’aide à l’énergie verte ainsi que celui de l’exemption en faveur des entreprises à forte intensité énergétique ont été institués par la loi et doivent donc être considérés comme imputables à l’État.

C’est également à juste titre que la Commission a considéré que l’exemption partielle en cause est sélective, estime le Tribunal, alors que l’Autriche affirmait que la mesure visée la mesure "n'est sélective ni en droit ni en fait". En effet, disent les juges européens, "cette mesure introduit des différenciations entre des entreprises se trouvant, au regard de l’objectif visé, dans une situation factuelle et juridique comparable, sans que cette différenciation résulte de la nature et de l’économie du système de charges en cause", précise l’arrêt. De plus, le Tribunal considère, à l’instar de la Commission, que l’aide d’État en cause est incompatible avec le marché commun, car elle n’est notamment pas considérée comme compatible avec les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement.

Le Ministère autrichien de l’Economie a dès la publication de l'arrêt fait savoir que dans la pratique, ce dernier n’aurait "aucun effet" sur les entreprises à haute intensité énergétique, dans un communiqué diffusé sur son site internet. Son argument : l’arrêt se rapporte à une législation qui n’est jamais entrée en vigueur sous cette forme pour avoir été contestée par la Commission européenne. Ensuite, l’Autriche a d’ores et déjà amendé sa loi sur l’électricité verte et l’a notifié aux services compétents pour les aides d’Etat de la Commission.

L’avocat général Wathelet conclut que la Pologne a manqué à son obligation de transposer la directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables

Les deux tours de la CJUE à Luxembourg (source: Cour de Justice de l'Union européenne, G. Fessy)Dans une autre affaire qui oppose dans le même domaine des énergies alternatives la Commission à la Pologne devant la Cour de Justice de l’UE (CJUE), la première reproche à la seconde son absence de transposition de la directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. L’avocat général Melchior Wathelet a soutenu la position de la Commission dans ses conclusions prononcées le 11 décembre 2014. Il propose ainsi à la Cour de constater que la Pologne a enfreint le droit de l’Union en manquant à son obligation de transposer la directive concernée.

Pour précision, la directive prévoit que les dispositions nationales de transposition devaient entrer en vigueur et être communiquées à la Commission le 5 décembre 2010 au plus tard. Or, considérant que les actes notifiés par la Pologne ne constituaient pas une transposition de la directive, la Commission avait introduit un recours en manquement devant la Cour le 12 juin 2013. Elle reprochait à la Pologne, d’une part, de ne pas avoir adopté les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive et, d’autre part, de ne pas lui avoir communiqué en tout état de cause les éventuels instruments utiles.

L’avocat général rappelle tout d’abord que, s’il appartient à la Commission d’établir l’existence d’un manquement allégué, les États membres sont tenus de faciliter l’accomplissement de cette mission en fournissant notamment à la Commission une information claire et précise. Il constate ensuite que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé envoyé par la Commission à la Pologne, cette dernière n’avait pas encore adopté toutes les mesures nécessaires à la transposition de la directive ni communiqué les instruments utiles. Par ailleurs, l’avocat général considère que, au jour de l’examen des faits par la Cour, la Pologne n’avait toujours pas transposé en droit interne certaines dispositions de la directive ni communiqué à la Commission des mesures de transposition suffisantes, lit-on dans un communiqué diffusé par le service de presse de la Cour.

Vu la gravité du manquement, sa durée, le forfait de base uniforme proposée par la Commission ainsi que la capacité de paiement, l’avocat général propose à la Cour d’infliger à la Pologne une astreinte journalière de 61 380 euros par jour de retard jusqu’à ce qu’elle communique à la Commission les mesures assurant la transposition de la directive. Il propose également que l’obligation de paiement prenne effet à la date de l’arrêt de la Cour, à condition que le manquement persiste au jour de son prononcé.