Pour la Cour de justice de l’UE, il appartient au prêteur de prouver qu’il a exécuté ses obligations précontractuelles d’information et de vérification de la solvabilité de l’emprunteur. Le principe d’effectivité serait compromis si la charge de la preuve de la non-exécution des obligations du prêteur reposait sur le consommateur. En effet, celui-ci ne dispose pas des moyens lui permettant de prouver que le prêteur ne lui a pas fourni les informations requises et qu’il n’a pas vérifié sa solvabilité. C’est ce qui ressort d’un arrêt de la CJUE du 18 décembre 2014. Répondant à une question préjudicielle quant à l’application des principes de la directive 2008/48/CE de l’Union concernant les contrats de crédit aux consommateurs par des établissements de crédit en France.
La directive 2008/48/CE de l’Union concernant les contrats de crédit aux consommateurs met à la charge du prêteur des obligations d’information et d’explication afin que l’emprunteur puisse effectuer un choix éclairé lors de la souscription du crédit. Elle oblige également le prêteur à délivrer aux consommateurs une fiche d’informations européennes normalisées et à vérifier la solvabilité du consommateur.
En France, dans le cadre de deux litiges, plusieurs personnes se sont retrouvées dans l’incapacité de rembourser les mensualités de leur contrat de crédit respectif, si bien que la banque a demandé le remboursement immédiat des sommes prêtées et des intérêts.
La juridiction française appelée à statuer sur cette demande relève que la banque n’est pas en mesure de produire la fiche d’informations européennes normalisées ni un quelconque autre document prouvant qu’elle a rempli son devoir d’explication.
Dans l’un des cas, le contrat de crédit comporte toutefois une clause standardisée dans laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu et pris connaissance de la fiche. La juridiction française estime qu'une telle clause pourrait poser problème si elle avait pour effet d’inverser la charge de la preuve au détriment du consommateur. Elle considère que ce type de clause pourrait ainsi rendre impossible l’exercice du droit du consommateur de contester la complète exécution des obligations par le prêteur.
S’agissant de l’obligation de vérification de la solvabilité, la juridiction française relève que, dans l’autre cas, l’emprunteur n’a pas fourni à la banque de pièces justificatives de sa situation financière. Elle se demande donc si la vérification de la solvabilité du consommateur peut être effectuée à partir des seules informations déclarées par le consommateur, sans contrôle effectif de ces informations par d’autres éléments. La juridiction de renvoi se demande également si le devoir d’explication et d’assistance peut être considéré comme rempli dans le cas où le prêteur n’a pas préalablement vérifié la solvabilité et les besoins du consommateur.
Dans son arrêt du 18 décembre 2014, la Cour de justice constate que la directive n’indique pas à qui il incombe de prouver que le prêteur a exécuté ses obligations d’information et de vérification de la solvabilité, si bien que cette question dépend de l’ordre juridique interne de chaque État membre.
À cet égard, il faut que les règles de droit national ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive (principe d’effectivité).
Si la Cour n’a aucun doute quant au respect du principe d’équivalence en l’espèce, elle considère que le principe d’effectivité serait compromis si la charge de la preuve de la non-exécution des obligations du prêteur reposait sur le consommateur. En effet, celui-ci ne dispose pas des moyens lui permettant de prouver que le prêteur ne lui a pas fourni les informations requises et qu’il n’a pas vérifié sa solvabilité.
En revanche, le principe d’effectivité est garanti lorsque le prêteur doit justifier devant le juge de la bonne exécution de ses obligations précontractuelles : un prêteur diligent doit en effet avoir conscience de la nécessité de collecter et de conserver des preuves de l’exécution de ses obligations d’information et d’explication.
Quant à la clause type figurant dans l’un des contrats de crédit en cause, elle ne peut pas permettre au prêteur de contourner ses obligations. Ainsi, la clause type en question constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents. De même, le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche visée dans la clause-type ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations précontractuelles lui incombant. La Cour précise que, si une telle clause emportait la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles du prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive.
S’agissant de la question de savoir si l’évaluation de la solvabilité du consommateur peut être effectuée à partir des seules informations déclarées par ce dernier sans qu’un contrôle effectif de ces informations ne soit réalisé au moyen d’autres éléments, la Cour constate que la directive accorde une marge d’appréciation au prêteur afin de déterminer si les informations dont il dispose sont suffisantes ou non pour attester de la solvabilité du consommateur et si une vérification au moyen d’autres éléments est nécessaire. Ainsi, le prêteur peut, en fonction des circonstances de l’espèce, soit se satisfaire des informations qui lui sont fournies par le consommateur soit juger qu’il est nécessaire d’obtenir la confirmation de ces informations (un contrôle des informations fournies par le consommateur n’étant ainsi pas systématique), étant entendu que de simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives.
Par ailleurs, il ne ressort pas de la directive que l’évaluation de la situation financière et des besoins du consommateur doit être accomplie avant la fourniture des explications adéquates. Il n’existe pas, en principe, de lien entre ces deux obligations précontractuelles. Le prêteur peut donc donner des explications au consommateur sans être obligé d’évaluer, au préalable, la solvabilité de celui-ci. Cependant, le prêteur doit tenir compte de l’évaluation de la solvabilité du consommateur, dès lors que cette évaluation nécessite une adaptation des explications fournies.
Enfin, la Cour précise que les obligations d’information doivent, en raison même de leur caractère précontractuel, être remplies préalablement à la signature du contrat de crédit, étant entendu que les explications ne doivent pas nécessairement être fournies dans un document spécifique, mais peuvent être données oralement au cours d’un entretien. La Cour rappelle toutefois que la forme sous laquelle les explications doivent être fournies au consommateur relève du droit national.