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Le rapport du Sénat américain sur les pratiques de la CIA dans le contre-terrorisme est salué comme "une étape positive" par la Commission européenne et fera l’objet d’un débat au Parlement européen
11-12-2014


Le 9 décembre 2014, la commission spéciale du Sénat américain sur le renseignement (SSCI) a publié le résumé d'un rapport récemment déclassifié sur les programmes de détention et d’interrogation de la CIA mis en place dans le cadre de la lutte contre le terrorisme conduite par le président Georges W. Bush suite à l'attaque du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center.La commission spéciale du Sénat américain sur le renseignement (SSCI)  a publié le 9 décembre 2014 un rapport sur les pratiques de la CIA dans la lutte anti-terrorisme

Ce rapport de 525 pages confirme l'utilisation de la torture et d'autres traitements dégradants à l'égard de personnes suspectées d'être des terroristes. Les méthodes utilisées par la CIA citées dans ce rapport comprennent le "water-boarding" (simulacre de noyade), de fausses exécutions, des privations de sommeil durant de longues périodes et l'imposition de positions douloureuses.

Pour la Commission européenne, la publication de ce rapport constitue "une étape importante pour affronter de façon publique et critique le programme de détention et d’interrogatoire de la CIA"

C’est par la voix d’une de ses porte-parole, Catherine Ray, que la Commission européenne a réagi à l’occasion du briefing du 10 décembre 2014.

Ce rapport "soulève d'importantes questions sur la violation des droits de l'Homme par les autorités américaines et des personnes au service de l'agence entre 2001 et 2009", a commenté la porte-parole de la Commission en voyant dans la publication de ce document resté longtemps classifié "une étape positive pour affronter de façon publique et critique le programme de détention et d'interrogatoire de la CIA".

Comme l’a rappelé Catherine Ray, la CIA a formellement mis fin à ces pratiques lorsque Barack Obama a pris ses fonctions en 2009, et la Commission salue "l’engagement d’Obama à faire usage de son autorité pour assurer que de telles méthodes ne soient plus jamais utilisées". L’UE condamne en effet toutes les formes de torture et mauvais traitements, quelles que soient les circonstances, y compris dans la lutte contre le terrorisme, a souligné la porte-parole de la Commission.

Interrogée par deux journalistes sur la participation de pays européens au programme de la CIA, la porte-parole a souligné que le rapport publié par le Sénat américain "n’inclut aucun élément sur les Etats tiers ou les Etats membres de l’UE", et qu’aucun commentaire ne pouvait donc être fait à ce stade sur ce genre d’allégations. "Nous n'avons pas de preuves", a-t-elle ajouté.

Pour rappel, en juillet 2014, la Pologne était condamnée par la CEDH pour avoir "coopéré à la préparation et à la mise en œuvre des opérations de remise, de détention secrète et d’interrogatoire menées par la CIA sur son territoire".

Les parlementaires européens débattront du sujet à la suite d’une déclaration de la Commission européenne et du Conseil européen sur la participation des gouvernements de l'UE dans le programme de torture de la CIA

Au Parlement européen, où une enquête parlementaire avait été menée et avait confirmé en 2007 que la CIA avait détenu des membres présumés d’Al Qaïda dans certains Etats membres avant de les faire transiter vers d’autres destinations, les réactions ont été vives chez les Verts et les libéraux.

Selon le groupe des Verts,  le rapport du Sénat américain "reconnaît l'existence d'un programme de transport et de détention illégale de prisonniers suspectés de terrorisme, notamment sur le territoire des États-membres de l'Union européenne". Aussi, l’eurodéputée et ancienne juge d’instruction française Eva Joly, qui et responsable du suivi du rapport pour le groupe des Verts/ALE, voit-elle dans ce rapport "une nouvelle pièce à conviction" qui "impose aux Etats membres de reconnaître à leur tour leurs responsabilités". "Ces derniers doivent ainsi poursuivre les enquêtes en cours comme le Parlement européen les a appelés à le faire dans plusieurs rapports et résolutions", tance l’eurodéputée qui souligne qu’il aura fallu "près de de 10 ans après les premières révélations de centres de détentions clandestins de la CIA en Europe de l'Est dans la presse en novembre 2005, pour que les USA assument leurs responsabilités, reconnaissent l'usage de la torture et les atteintes aux droits fondamentaux".

Du côté de l’ADLE, Cecilia Wikström, coordinatrice pour le groupe au sein de la commission LIBE, s’est félicitée d’avoir pu obtenir, "malgré l’opposition de certains groupes au Parlement européen", une déclaration de la Commission européenne et du Conseil européen sur la participation des gouvernements de l'UE dans le programme de torture de la CIA, qui aura lieu le 18 décembre prochain et qui sera suivie d’un débat en plénière. Une résolution sera également élaborée pour la session plénière de février. "Nous espérons que cette première étape débouchera sur la réouverture de l'enquête sur le rôle joué par les États membres de l'UE dans le programme de torture de la CIA", a-t-elle poursuivi.

Sophie in't Veld, vice-présidente du groupe des libéraux et membre de l'ancienne commission temporaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers (TDIP), estime pour sa part que, maintenant que "les États-Unis ont fait un premier geste en matière de responsabilité, c’est au tour de l'Europe de jouer franc jeu sur son rôle dans le programme de la CIA." "La Pologne a finalement avoué qu’un des "sites noirs" de la CIA se trouvait en effet sur le territoire polonais. D’autres pays de l'UE devraient également arrêter de nier les faits. Tous les États membres ont été impliqués dans une certaine mesure, certains davantage, d'autres moins, mais tous étaient conscients des principaux éléments du programme", estime Sophie in’t Veld qui retient que l’UE "a beaucoup d’explications à fournir".