Dans une interview du 9 décembre 2014 sur le quotidien ‘Le Monde’, le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel a défendu les pratiques fiscales du Luxembourg, qui sont sous le feu des critiques suite à l’affaire "Luxleaks" et la mise en cause de la pratique des "tax rulings" (ou rescrits fiscaux) qui permet aux entreprises de s’adresser directement à l’administration fiscale pour obtenir de cette dernière une "décision anticipée" concernant l’impôt auquel elles seront soumises.
Selon lui, l’image qui est véhiculée sur le Grand-Duché n’est rien d’autre qu’un "cliché à grande échelle" qui n’est pas correct. Le Luxembourg ne serait pas le seul pays à pratiquer le tax ruling, plus de vingt pays de l’UE le feraient. Ceux-ci ne seraient pourtant pas pointés du doigt. "Je ne sais pas si le Luxembourg aurait été traité de la même manière si nous (le Luxembourg, ndlr) avions été un grand pays", a dit Xavier Bettel. Le Luxembourg n’aurait rien fait d’illégal, et n’aurait par ailleurs pas été consulté pour signer la lettre que Michel Sapin (ministre des finances français), Wolfgang Schäuble (ministre des finances allemand), ainsi que Pier Carlo Padoan, ministre des finances italien, ont envoyée début décembre à la Commission européenne pour la presser d'agir contre les pratiques d'optimisation fiscale.
Xavier Bettel indique en outre que le Luxembourg "n’abandonnera pas totalement le tax ruling", même s’il est prêt à s’engager pour plus de transparence. Dans son interview, il a souligné que "ce n’est pas le tax ruling qu’il faut combattre", mais plutôt "l’opacité". En réponse à une question de savoir s’il comprend "la colère de ceux qui jugent que permettre à des grands groupes profitables de ne pas payer d’impôt ne soit pas éthique", Xavier Bettel a répondu que les abus doivent être condamnés. "Comment expliquer au contribuable qui paie ses impôts que des entreprises qui gagnent des milliards n'en paient pas", répond par une autre question Xavier Bettel. Néanmoins, il serait important de ne pas réduire le Luxembourg aux pratiques visées par Luxleaks. "Le Luxembourg a abandonné le secret bancaire et a accepté de pratiquer, depuis que je suis en fonctions, l'échange automatique de données fiscales pour les particuliers. Mais on continue à nous accuser !", proteste-t-il.
L’article rapporte que le Premier ministre luxembourgeois s’est dit "ouvert" à des discussions pour plus de transparence seulement si "elles se mènent dans un cadre international". Selon lui, "il est important d’avoir des règles claires pour tout le monde". Il a annoncé qu’il entend recevoir le directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de I'OCDE Saint -Amans, et que "des décisions seront prises d'ici la fin de l'année". "Si les règles s'appliquent dans le cadre de I'OCDE à tous, et pas seulement aux plus petits, le Luxembourg ne s'y opposera pas", a souligné le Premier ministre luxembourgeois.
En ce qui concerne l’harmonisation fiscale au sein de l’UE, Xavier Bettel a indiqué que celle-ci contient plusieurs domaines qu’il faut savoir discerner, par exemple la TVA, l’impôt sur les sociétés ou sur les personnes physiques, etc. Le Luxembourg serait contre une harmonisation fiscale si elle "concerne tous les instruments fiscaux", car pour lui, l’UE doit "laisser des marges de manœuvre aux Etats pour gérer leur budget et orienter leur politique". Mais il serait prêt à accepter l’établissement d’une fourchette européenne pour l’assiette fiscale de l’impôt sur les sociétés.
Quant à la question de savoir si, en abandonnant ces pratiques fiscales, la prospérité du Luxembourg serait en danger, Xavier Bettel a répondu que "le Luxembourg n’est pas fondé sur le tax ruling". Le Luxembourg aurait des atouts qui attirent les multinationales, comme par exemple son plurilinguisme. "Amazon, pour citer un exemple, n'est pas qu'une boîte aux lettres. Près de 1 000 personnes travaillent ici. Nous parlons plusieurs langues, nous avons des atouts.", a dit Xavier Bettel.
Enfin, Xavier Bettel a indiqué que le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker ne peut servir en tant qu’allié du Luxembourg, car il "gère vingt-huit pays". "Il n’est pas là pour s’occuper de son pays d’origine, ni plus ni moins qu’un autre", a expliqué le Premier ministre luxembourgeois.
Dans un communiqué diffusé le 9 décembre 2014, le Ministère luxembourgeois des Finances prend position sur la question de l'échange d'informations relatives aux rulings. Il y fait référence à "des articles de presse [qui] ont récemment évoqué l'accord entre le Luxembourg et la Belgique relatif à un futur échange d'informations relatif aux rulings", ce qui, selon lui, "souligne que les rulings émis par les autorités fiscales luxembourgeoises ne sont pas, et n'ont jamais été secrets".
"Le Luxembourg pratique, de manière spontanée ou sur demande, l'échange d'informations relatif aux rulings avec d'autres pays, conformément aux traités contre la double imposition, aux directives et accords relatifs à la coopération administrative et à l'assistance mutuelle en matière fiscale", précise le Ministère. Selon lui, "les discussions entre les autorités fiscales luxembourgeoises et leurs homologues des autres pays montrent que l'échange d'informations relatif aux rulings sur base de demandes de transmissions plus larges pourrait se faire dans le cadre de ces mêmes règles", alors que la Commission s'apprête à faire une proposition sur l'échange automatique et obligatoire des informations relatives aux rulings entre Etats membres de l'UE.