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Emploi et politique sociale
La Commission s’inquiète du différend persistant à l’OIT entre les représentants des employeurs et des syndicats sur la place du droit de grève
10-02-2015


Marianne Thyssen, commissaire européenne en charge de l'Emploi, devant le Parlement européen le 10 février 2015 (source: Parlement)A l’occasion d’un débat au Parlement européen, le 10 février 2015, sur la place du droit de grève dans les normes internationales dans le contexte du débat qui anime l'Organisation internationale du travail (OIT), la commissaire européenne en charge de l’Emploi, Marianne Thyssen, a exprimé son inquiétude sur les conséquences du conflit persistant depuis 2012 à ce sujet entre les représentants des employeurs et ceux des travailleurs dans l’organisation. "Nous avons un problème", a ainsi assuré la commissaire qui s’est dite "très préoccupée" par cette situation.

Depuis trois ans, un différend oppose en effet les représentants des employeurs et des syndicats sur la place de droit de grève dans la convention internationale de l’OIT de 1948 relative à la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n° 87). Ce "désaccord" porte à la fois "sur le fait de savoir si le droit de grève est ou non protégé en vertu de la convention" n° 87, a rappelé Marianne Thyssen, mais également sur "la capacité des organes de contrôle de l'OIT de se prononcer sur la portée du droit de grève, ses limites et les conditions de son exercice légitime", a-t-elle indiqué aux députés.

Or, explique la commissaire, en cas de persistance d’une telle dispute, le risque serait à la fois de mettre en danger les relations tripartites et d'affaiblir l'OIT et son système de supervision. "L’UE est en faveur […] de la mise en œuvre des conventions de l’OIT et elle dépend de la surveillance exercée par l’OIT en matière de normes de travail, notamment les normes fondamentales", un contrôle "qui ne peut plus être réalisé de manière adéquate" en raison de ce différend, a souligné Marianne Thyssen. "Il est important pour nous d’avoir un système efficace de contrôle des normes au sein de l'OIT, car ses conclusions sont cruciales pour vérifier le respect des normes internationales du travail", a-t-elle poursuivi.

La commissaire a par ailleurs rappelé que la reconnaissance du droit de grève dans la convention n° 87 de l’OIT était une "affaire délicate", alors que l’UE et la Commission européenne n’ont que le statut d’observateur à l’OIT. "Cette question relève de la compétence des Etats membres", a-t-elle indiqué, "la Commission ne pourra donc pas intervenir sur le fonds du débat" mais elle "soutiendra activement les Etats membres" et "tous les acteurs", notamment en alimentant les discussions par des informations sur l’exercice du droit de grève dans l’UE. "Là où cela est nécessaire, la Commission contribuera également à unifier les positions et à maintenir un front commun pour l’UE", a encore expliqué Marianne Thyssen.

Ainsi, en novembre 2014, lors du dernier conseil d’administration de l’OIT – l'organe exécutif de l’organisation –, "grâce à l’action de l’UE pour coordonner leurs positions, les Etats membres étaient prêts à soutenir un renvoi de la question vers la Cour Internationale de Justice (CIJ) de La Haye", compétente pour régler ce genre de différend, "pour clarifications", a précisé la commissaire. Si aucun accord n’avait alors été dégagé, une réunion tripartite informelle est prévue du 23 au 25 février 2015 sur ce sujet en vue de préparer la prochaine session du conseil d'administration de mars 2015. "Cette réunion est très importante et j’espère qu’on atteindra un consensus", a dit Marianne Thyssen. "Si ce n’est pas le cas, il faudra voir comment avancer".

Car la commissaire a tenu à rappeler que le droit de grève est "un droit fondamental reconnu dans l'UE, inscrit à l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux et à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme" et que la Commission soutiendra les États membres pour que ceux-ci "parlent d'une seule voix". "La Commission, la délégation de l’UE à Genève, et les Etats membres feront tout leur possible pour atteindre un résultat positif, car c’est de cela que nous avons besoin", a encore estimé Marianne Thyssen.

La question s’inscrit néanmoins dans un contexte délicat dans l’UE.  Si le droit de grève y est considéré comme un droit fondamental, il avait été largement mis en balance par Cour de justice de l'UE avec le principe des libertés économiques et en particulier celui de la libre prestation des services dans les affaires Viking et Laval de 2007.