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Le Tribunal de l’UE annule le cadre de surveillance de l’Eurosystème publié par la BCE car celle-ci ne disposait pas de la compétence nécessaire pour imposer aux organismes de compensation de contreparties centrales d’être localisés dans la zone euro
04-03-2015


CJUEDans un arrêt rendu le 4 mars 2015, le Tribunal de l’Union européenne, saisi par le Royaume-Uni, a donné tort à la Banque centrale européenne (BCE) en estimant que l’institution monétaire ne disposait pas de la compétence nécessaire pour imposer aux organismes de compensation de contreparties centrales d’être localisés dans la zone euro. En conséquence, le Tribunal a annulé le cadre de surveillance de l’Eurosystème publié par la BCE et qui comportait une telle exigence.

Le contexte

Pour mémoire, comme le rappelle le service de presse du Tribunal dans un communiqué diffusé le 4 mars, la BCE avait publié sur son site internet, le 5 juillet 2011, le cadre de surveillance de l’Eurosystème, décrivant le rôle de ce dernier dans la surveillance des "systèmes de paiement, de compensation et de règlement". L’Eurosystème comprend la BCE ainsi que les banques centrales nationales des États membres ayant adopté l’euro comme monnaie commune.

Selon la BCE, la surveillance de l’ensemble de ces systèmes et infrastructures découle de la mission que lui confie le Traité de fonctionnement de l’UE de promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement, et de l’article 22 des statuts de l’Eurosystème et de la BCE qui prévoit que "[l]a BCE peut arrêter des règlements en vue d’assurer l’efficacité et la solidité des systèmes de compensation et de paiements au sein de l’Union et avec les pays tiers".

Dans ce cadre de surveillance, la BCE a précisé que les systèmes de règlement de titres et les organismes de compensation à contrepartie centrale (dits "contreparties centrales") sont des composantes essentielles du système financier. Ces organismes assurent en effet la compensation de certaines transactions sur dérivés de gré à gré en supportant et gérant le risque de crédit des parties à la transaction, soit, concrètement, ils assurent la sécurité des opérations entre vendeurs et acheteurs, jouant en dernier ressort le rôle de fonds de garantie.

Dès lors, selon la BCE, un problème financier, juridique ou opérationnel affectant ces systèmes pourrait atteindre de manière systémique le système financier. Cela serait particulièrement le cas pour les contreparties centrales en ce qu’elles constituent un point de convergence des risques tant de liquidité que de crédit. Il est ainsi souligné, dans le cadre de surveillance, qu’un dysfonctionnement des infrastructures situées hors de la zone euro pourrait avoir des incidences négatives sur des systèmes de paiement situés dans la zone euro, alors même que l’Eurosystème ne dispose d’aucune influence directe sur de telles infrastructures.

La BCE en a déduit en conséquence que les infrastructures procédant au règlement de transactions en euros devraient "être juridiquement enregistrées, contrôlées et opérées sur l’ensemble des fonctions essentielles dans la zone euro", rappelle le Tribunal. Elle a précisé que cette politique de localisation s’appliquait aux contreparties centrales qui, en moyenne, ont une exposition de crédit nette journalière de plus de 5 milliards d’euros dans l’une des principales catégories de produits libellés en euros.

Dans ce contexte, le Royaume-Uni, qui abrite le centre financier de la City et ne fait pas partie de l’euro, avait introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne le 15 septembre 2011. Le pays y soutenait, notamment, que la BCE n’était pas compétente pour imposer une exigence de localisation à l’égard des contreparties centrales.

L’arrêt

Dans son arrêt rendu le 4 mars, le Tribunal a suivi l’argumentation de Londres et a donc opté pour l’annulation du cadre de surveillance de l’Eurosystème publié par la BCE "dans la mesure où il fixe une exigence de localisation au sein d’un État membre de l’Eurosystème aux contreparties centrales intervenant dans la compensation de titres financiers", lit-on.

Constatant que "la création d’une telle exigence dépasse le cadre de la simple surveillance en intervenant dans la réglementation de leur activité", le Tribunal estime que la BCE "ne dispose pas de la compétence nécessaire pour réglementer l’activité des systèmes de compensation de titres, sa compétence étant limitée par l’article 127, paragraphe 2, du Traité FUE aux seuls systèmes de paiement", expliquent les juges européens.

Dès lors, poursuit le Tribunal, en l’absence de référence explicite à la compensation de titres dans l’article 22 des statuts, l’expression "système de compensation et de paiements" doit être interprétée "comme étant destinée à souligner que la BCE dispose de la compétence pour adopter des règlements en vue d’assurer l’efficacité et la sécurité des systèmes de paiement, y compris ceux incluant une phase de compensation, plutôt que de lui attribuer une compétence règlementaire autonome à l’égard de l’ensemble des systèmes de compensation".

Les juges européens ont par ailleurs rejeté l’argumentation de la BCE selon laquelle la mission qui lui est confiée par le Traité FUE de promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement implique qu’elle dispose nécessairement du pouvoir de réglementer l’activité des infrastructures de compensation de titres. Et de conclure que "dans l’éventualité où elle estimerait que ce pouvoir est nécessaire au bon exercice de la mission visée, le Tribunal déclare qu’il appartiendrait à la BCE de demander, sur le fondement de l’article 129, paragraphe 3, du Traité FUE, au législateur de l’Union une modification de l’article 22 des statuts, par l’ajout d’une référence explicite aux systèmes de compensation de titres".