Dans un arrêt rendu le 26 février 2015 dans l’affaire C-472/13 opposant le soldat américain Andre Shepherd, déserteur de l’armée des USA, aux autorités allemandes suite au rejet de sa demande d’asile, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), saisie d’une question préjudicielle, a précisé les conditions dans lesquelles un déserteur provenant d’un Etat tiers pouvait se voir accorder l’asile dans l’UE.
Pour mémoire, le 20 août 2013, la Cour s’était vue adresser une demande préjudicielle du Bayrisches Verwaltungsgericht München (tribunal administratif de Munich), saisi par Andre Shepherd en vue de faire annuler le rejet de sa demande d’asile par le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral allemand pour la migration et les réfugiés).
Comme le rappelle la Cour dans son arrêt, Andre Shepherd avait quitté son unité stationnée en Allemagne dès le mois d’avril 2007 après avoir reçu son second ordre de mission pour l’Irak. Il considérait qu’il ne devait plus participer à une guerre qu’il estimait illégale ni aux crimes de guerre qui, selon lui, étaient commis en Irak, et il avait en conséquence demandé l’asile en Allemagne en 2008. À l’appui de sa demande d’asile, M. Shepherd faisait valoir que, du fait de sa désertion, il est menacé de poursuites pénales. De plus, la désertion étant, du point de vue américain, un crime majeur, elle affecterait sa vie en l’exposant à un rejet social dans son pays.
La Cour relève par ailleurs que lors de sa première mission en Irak, près de Tikrit, entre septembre 2004 et février 2005, il n’avait participé directement ni à des opérations militaires ni à des combats, mais qu’il entretenait les hélicoptères en tant que mécanicien. De retour de cette mission, il avait prolongé son engagement dans l’armée américaine, qu’il avait rejointe en décembre 2003 pour une période initiale de 15 mois.
Appelée à statuer sur le rejet de la demande d’asile du soldat américain, la juridiction administrative allemande de Munich s’est donc adressée à la CJUE en lui demandant d’interpréter la directive européenne sur le statut de réfugié.
Selon cette directive, le ressortissant d’un pays tiers qui craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social peut, sous certaines conditions, être reconnu comme réfugié. Dans ce contexte, la directive définit les éléments qui permettent de considérer des actes comme actes de persécution, ce qui est notamment le cas d’actes prenant la forme de "poursuites ou sanctions pour refus d’effectuer le service militaire en cas de conflit, lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes", note la CJUE.
Dans son arrêt, la Cour a donc précisé plusieurs éléments. Les juges européens ont notamment estimé :
Par ailleurs, dans l’hypothèse où il ne serait pas établi que le service que le requérant a refusé d’effectuer supposait la commission de crimes de guerre, le Verwaltungsgericht demandait également à la Cour de préciser les conditions ouvrant droit à la protection prévue par la directive pour deux autres cas de figure. En effet, selon la directive, des actes de persécution peuvent également exister lorsque les autorités publiques prennent des actes discriminatoires ou disproportionnés.
Par rapport à ces deux autres cas de figure, la Cour a jugé que, dans des circonstances telles que celle en l’espèce, il n’apparaît pas que les mesures encourues par un militaire du fait de son refus d’effectuer son service, à savoir une condamnation à une peine d’emprisonnement – de 100 jours à cinq années – ou le renvoi de l’armée, puissent être considérées, au regard du droit légitime de l’Etat concerné de maintenir une force armée, comme étant à ce point disproportionnées ou discriminatoires qu’elles figurent au nombre des actes de persécution visés par la directive. Il appartient toutefois aux autorités nationales de vérifier ce point, précisent encore les juges européens.