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La Commission a publié son tableau de bord de la justice dans l’UE qui étudie l’efficacité, la qualité et l’indépendance des systèmes judiciaires des États membres
09-03-2015


Le tableau de bord 2015 de la justice dans l'UE présenté le 9 mars 2015 par la Commission  européenneLa Commission européenne a publié, le 9 mars 2015 et pour la troisième année consécutive, son tableau de bord de la justice dans l’UE, qui donne une vue d’ensemble de l’efficacité, la qualité et l’indépendance des systèmes judiciaires des États membres. Cet exercice s’inscrit dans le cadre du semestre européen, processus annuel de coordination des politiques économiques de l'UE.

Présenté par la commissaire à la Justice, aux Consommateurs et à l’Egalité des genres, Vĕra Jourová, le tableau fournit un Etat des lieux des systèmes judiciaires civils, commerciaux et administratifs des Etats membres, même il ne s'agit pas de définir "le meilleur système possible", comme l'a indiqué la commissaire, mais bien plus de mesurer leurs aptitudes à renforcer la croissance et la compétitivité de l'UE.

"Des systèmes judiciaires efficaces jouent un rôle clé pour créer un environnement favorable aux investissements, restaurer la confiance et fournir une meilleure prévisibilité règlementaire ainsi qu’un croissance plus durable", peut-on lire dans l’introduction du rapport.

Outre l’analyse spécifique de la situation dans les États membres, les données issues du tableau de bord 2015 de la justice dans l’UE ont été prises en compte pour formuler des recommandations par pays dans le domaine de la justice à l'intention de douze États membres (Bulgarie, Espagne, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Malte, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie). Cependant, la Commission a dû composer avec de nombreuses données manquantes pour dresser son tableau. Au sujet de l'efficacité de la justice par exemple, les données de la Belgique, de la Bulgarie, de l'Irlande, du Royaume-Uni ou des Pays-Bas ne sont pas disponibles.

S’il formule des conclusions générales sur les trois critères retenus, efficacité, qualité et indépendance, le tableau met également en lumière de fortes disparités entre Etats membres.

Les systèmes judiciaires dans les États membres ont gagné en efficacité – Le Luxembourg très bien placé

Le tableau de bord 2015 de la justice dans l’UE se penche tout d’abord sur l’efficacité des systèmes juridiques. Si les chiffres montrent que, dans l’ensemble, les systèmes de justice dans les États membres ont gagné en efficacité, la situation varie notablement en fonction de l’État membre et de l’indicateur concernés. En effet, comme indiqué dans les conclusions générales, toutes les réformes n’ont pas encore porté leurs fruits. Ainsi, la Commission invite les Etats membres à poursuivre leurs réformes avec engagement et détermination.

Le tableau montre tout d’abord que davantage d’Etats membres ont eu tendance à réduire la durée de règlement d’un litige civil et commercial et d’un litige administratif plutôt qu’à l’allonger.

Le Luxembourg est le pays où la durée de résolution d’un litige civil et commercial est la plus courte

Le Luxembourg se place en tête des pays en ce qui concerne la durée de résolution des litiges civils et commerciaux. Il enregistre en effet la durée la plus courte d’Europe en 2013 avec 53 jours. Une durée qui n’a fait que baisser au cours des trois années précédentes (200 jours en 2010 et 73 jours en 2012, année où le pays occupait déjà la première place). Il est intéressant de noter que d’autres petits pays comme Malte et Chypre arrivent en queue de peloton (avec 750 jours et 638 jours respectivement).  

En ce qui concerne les cas administratifs, le Luxembourg n’a pas fourni de données en 2012 et 2013.

En matière de résolution des litiges civils et commerciaux en première instance, le Luxembourg arrive aussi en tête avec un taux de résolution de cas par rapport au nouveaux cas entrants s’élevant  à 180 % en 2013. Une nette amélioration par rapport aux années précédentes est à noter (176 % en 2012 et 139 % en 2010). En comparaison, c’est Chypre, la Grèce et la Slovaquie et qui obtiennent les taux le plus bas avec un peu moins de 80 % chacun.

Au sujet de la résolution des litiges administratifs en première instance, le classement du Luxembourg n’est pas si bon, même si le taux a augmenté ces dernières années. Après s’être détérioré en 2012 (75 % contre près de 100 % en 2010), il se place en 2013 autour de son niveau de 2010 (100 %). Le meilleur élève est la Lettonie (160 %), suivie de la Grèce (152 % environ) puis la Roumanie (150 %).  

Le Luxembourg est le pays qui compte le moins de litiges civils et commerciaux en suspens

Le tableau montre également que le Luxembourg se place en première position en ce qui concerne le nombre de litiges civils et commerciaux (en première instance) restés en suspens : en 2013, le pays comptait seulement 0,2 cas environ pour 100 habitants, taux qui a également continuellement diminué depuis 2010. Ce sont Chypre, la Grèce et l’Italie qui sont les moins bien placés avec respectivement plus de 6,0, plus de 5,5 et environ 5,2 litiges commerciaux et administratifs en suspens pour 100 habitants en 2013. En ce qui concerne les litiges administratifs en suspens, le Luxembourg n’a pas fourni de chiffres pour l’année 2013.

Les Etats membres poursuivent leurs efforts pour améliorer la qualité de leur système judiciaire

En deuxième lieu, la Commission a étudié la qualité des systèmes judiciaires, condition nécessaire pour garantir de bonnes performances économiques. Elle note que les Etats membres ont tous poursuivi leurs efforts pour améliorer la qualité du système judiciaire.

Ainsi, le rapport a mesuré la qualité des systèmes judiciaires à la lumière de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC). Si les efforts pour augmenter l’utilisation des TIC ont continué, par exemple pour permettre aux citoyens d’entamer une procédure en ligne pour résoudre de petits litiges, il subsiste des différences entre les pays, notamment en ce qui concerne la mise à disposition d’outils d’administration et de gestion des tribunaux ou encore d’outils favorisant la communication électronique entre tribunaux et parties.

Le rapport note que partout, l’accent a été mis pour améliorer les procédures en ligne concernant de petits litiges. Cette tendance ne se retrouve pas au Luxembourg. En effet, le Grand-Duché, qui avait obtenu en 2010 et 2012 le taux maximal (4,0) pour l’utilisation TIC dans l’enregistrement et la gestion des cas, a vu son taux réduit à 3 en 2013. Le Luxembourg se place en 2013 dans les six derniers pays, au même niveau que la Hongrie. En revanche, les autres pays qui avaient également le taux maximal en 2010 (Danemark, Estonie, France, Malte, Autriche, Portugal, Finlande et Suède) l’ont pour leur part tous conservé.

Cependant, il faut noter que le taux de communication électronique entre les tribunaux et les parties a nettement augmenté au Luxembourg en 2013. S’il était d’environ 1,7 en 2010 et 2012, il est monté à plus de 3,0 en 2013 (4,0 étant le taux maximal). La Belgique arrive en dernière position avec un peu plus de 0,5, chiffre qui stagne depuis 2010.

En matière de contrôle et l’évaluation de l’activité des tribunaux en 2013, il apparait que le Luxembourg arrive, avec l’Irlande, en dernière position. Si le pays a bien publié un rapport d’activité, étudié le nombre de décisions et le nombre de cas entrants, il n’a pas fait d’évaluation de la longueur des procédures ni du nombre de cas reportés dans le temps. Nombre d’Etats membres comme le Danemark, l’Estonie, l’Espagne, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, l’Autriche, la Pologne, la Roumanie et la Slovénie ont pourtant mis en place tous les outils de contrôle de l’activité de leurs tribunaux. Quant à l’évaluation des tribunaux, le Luxembourg n’a pas fourni de données.

Enfin, le rapport fait également une analyse comparative des petites procédures de réclamation en ligne. Il apparaît que le Luxembourg offre le service maximal pour la mise à disposition d’informations sur le dépôt de plainte et sur la législation et les droits, mais pas en ce qui concerne le dépôt de plainte en lui-même, le partage des preuves, l’obtention d’informations sur l’avancée de la procédure, le prononcé du jugement ou encore la procédure d’appel contre la décision de la cour. Ces procédures peuvent seulement être réalisées en partie sur internet. Dans d’autres pays en revanche (Estonie, Malte, Pologne), tout est faisable en ligne. La Finlande et l’Autriche, quant à elles, permettent de réaliser toutes ces procédures en ligne, sauf la procédure d’appel. 

La majorité des États membres offre au grand public un accès en ligne gratuit aux décisions en matière civile et commerciale

Le tableau mesure également la mise à disposition d’informations sur le système judiciaire pour le grand public. Si la majorité des Etats membres offrent à leurs citoyens des informations en ligne sur des sujets comme le système judicaire en général, la procédure d’appel, l’aide juridique, le prix d’une procédure, les tribunaux individuels et se déclarent responsables de mettre ces informations à jour, le Luxembourg ne livre aucune donnée en ligne sur les tarifs et ne s’engage pas à actualiser ses informations. Il se place ainsi dans les quatre plus mauvais pays en la matière avec la Grèce, Chypre et Malte. 15 pays cependant offrent le niveau d’information maximal : la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l’Allemagne, l’Estonie, la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Finlande, la Suède et l’Italie.

Le rapport note également la majorité des États membres offre au grand public un accès en ligne gratuit aux décisions en matière civile et commerciale. 12 Etats membres, dont le Luxembourg, mettent même en ligne, dans leur totalité, les informations concernant les décisions en matière civile et commerciale (mise à disposition des jugements, mise à jour au moins une fois par mois, accessibilité pour les parties prenantes, gratuité) : il s’agit de la Bulgarie, l’Estonie, l’Irlande, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Croatie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Slovaquie et la Finlande. 

Pour les informations concernant les décisions en matière administratives, la plupart des Etats membres offrent également un accès en ligne gratuit. Il apparaît cependant que le Luxembourg n’offre pas un accès total à tous les types d’informations cités précédemment.

Un autre facteur qui mesure la qualité du système judiciaire est la formation continue des magistrats. Le tableau note que dans la majorité des États membres, plus de 20 % des magistrats ont participé à une formation continue sur le droit de l’Union européenne ou le droit national d’autres États membres. Cela dépasse même l’objectif annuel de 5 %, fait savoir la Commission. En Slovénie et Estonie, ces taux atteignent même respectivement 160 % et environ 115 %. Le Luxembourg n’a cependant pas fourni de données.

Le Luxembourg est le pays qui dépense le plus pour le fonctionnement des tribunaux

Autre donnée intéressante : les ressources allouées au fonctionnement des tribunaux par habitant. Le rapport montre que c’est au Luxembourg qu’elles sont de loin les plus hautes. En 2013, le Luxembourg dépensait plus de 140 euros par habitant, alors que ce n’étaient qu’environ 100 en Allemagne et en Autriche et moins de 20 en Bulgarie. Cependant, le rapport note que les chiffres concernant le Luxembourg et l’Autriche prennent en compte le système judiciaire dans sa totalité ainsi que les dépenses pour l’aide juridique et les Parquets. Les chiffres allemands quant à eux ne prennent pas en compte tous les Länder.

Le Luxembourg a le nombre d’avocats le plus élevé de toute l’UE

Le rapport montre également que c’est au Luxembourg que le nombre d’avocats est le plus élevé de toute l’UE, avec 400 avocats pour 100 000 habitants en 2013. Ce chiffre est en constante évolution depuis 2010, où il se situait autour de 360. Ces circonstances sont dues aux besoins spécifiques de la place financière. La Grèce et l’Italie suivent le Grand-Duché avec environ 370 avocats pour 100 000 habitants. A l’inverse, c’est en Suède et en Finlande que l’on trouve le moins d’avocats avec respectivement un peu plus de 50 et environ 40 juristes par tranche de 100 000 habitants.

Plus la juridiction est élevée, plus le nombre de magistrates est réduit

Enfin, le niveau de parité est également un facteur de qualité du système judiciaire. L’étude de la Commission montre que plus le niveau de juridiction est élevé, plus la proportion de magistrates est réduite. Cette tendance se retrouve au Luxembourg où le tribunal de première instance compte un peu plus de 70 % de magistrates contre seulement 50 % à la Cour suprême. Seule la Roumanie inverse la tendance avec près de 80 % de magistrates à la Cour suprême contre un peu plus de 70 % en première instance et près de 75 % en deuxième instance.

L’indépendance de la justice s’est améliorée ou est restée stable dans la plupart des Etats membres

Enfin, la Commission s’est penchée sur le niveau d’indépendance de la justice dans les Etats membres, lui aussi important à un environnement propice aux investissements car garantissant  "l’impartialité, le caractère prévisible et la stabilité du système juridique dans lequel les entreprises évoluent".

Le tableau note qu’au cours des trois dernières années, le niveau d’indépendance s’est amélioré ou est resté stable dans la plupart des Etats membres. Cependant, dans un petit nombre d’Etats, comme en Bulgarie et en Italie, le niveau d’indépendance, déjà bas, s’est détérioré. Le Luxembourg se place au sixième rang européen (perception de 6,0) après la Finlande (6,5), le Danemark (6,4), l’Irlande (6,2), le Royaume-Uni (6,1) et les Pays-Bas (6,1 environ), et son niveau d’indépendance s’est sensiblement amélioré depuis 2012 (5,7) où il avait légèrement diminué par rapport à l’année précédente. L’Espagne (3,1), la Croatie (3,1), la Bulgarie (2,3) et la Slovaquie (2,3) se placent aux quatre derniers rangs.

Enfin, le dernier tableau est consacré aux procédures et mesures à mettre en œuvre en cas de menace contre l’indépendance d’un juge. Si certains pays (Belgique, Bulgarie, France) permettent à la fois à l’inspection judiciaire, à la Cour suprême (ou son président, l’association des juges ou le médiateur) ou au Parquet de réagir, et d’agir avec des sanctions (criminelles ou administratives par exemple), en déposant plainte (ou notifiant une autorité) ou en faisant une déclaration sur l’indépendance judiciaire (ou en envoyant un communiqué de presse), le Luxembourg permet uniquement au Parquet de réagir. En ce qui concerne les mesures à mettre en œuvre, il est seulement possible, au Grand-Duché, d’introduire des sanctions et de déposer plainte.