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Politique étrangère et de défense
Le Parlement européen demande une politique étrangère de l'UE plus ambitieuse, proactive, crédible et stratégique qui vise notamment à "contenir les ambitions de la Russie dans son voisinage"
11-03-2015


La Haute Représentante de l'UE, Federica Mogherini, lors du débat au parlement européen sur la PESC le 11 mars 2015 (source: Parlement européen)Le Parlement européen a demandé, le 11 mars 2015, que la politique étrangère de l'Union européenne (UE) soit plus ambitieuse, proactive, crédible et stratégique en adoptant sa résolution annuelle sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Réunis en séance plénière à Strasbourg, les députés européens se sont ainsi prononcés (par 436 voix pour, 145 voix contre et 64 abstentions) en faveur du rapport préparé par le président de la commission des Affaires étrangères (AFET) du Parlement, l’eurodéputé allemand Elmar Brok (PPE), tandis que l'extrême droite ainsi que la gauche radicale au Parlement européen ont massivement voté contre la résolution. Ce texte avait précédemment été soutenu en commission AFET, le 22 février 2015, par 47 voix pour, 7 contre et 6 abstentions.

Lors du scrutin en plénière, cinq des eurodéputés luxembourgeois ont voté en faveur du texte (Georges Bach, Frank Engel et Viviane Reding pour le PPE, Charles Goerens pour l’ALDE et Claude Turmes des Verts/ALE) tandis que Mady Delvaux (S&D) n’a pas participé au vote.

Faire face aux mutations de l'environnement politique et de sécurité

Dans leur résolution, les parlementaires appellent tout d’abord à faire face aux mutations de l'environnement politique et de sécurité. Le Parlement européen souligne ainsi "la tragique détérioration" de l'environnement de sécurité autour de l'UE, et "en particulier" dans son voisinage immédiat, "où l'ordre international fondé sur le droit ainsi que la stabilité et la sécurité de l'Europe sont mis à l'épreuve à un niveau sans précédent depuis le début de l'intégration européenne", lit-on dans le texte.

Les députés s’inquiètent par ailleurs que l'UE, en raison de sa crise interne, "n'ait jusqu'ici pas été en mesure d'exploiter son plein potentiel pour décider de son environnement politique et de sécurité à l'échelle internationale" ainsi que de l'influence restreinte de l'Europe dans le monde qui serait selon eux une conséquence directe du manque de coordination et de cohérence des politiques menées en la matière.

Selon le Parlement européen, la protection des valeurs et des intérêts de l'UE, la mise en œuvre de l'ordre politique et juridique en Europe ainsi que la restauration et la préservation de la paix et de la stabilité – en particulier dans le voisinage de l’Union – doivent donc compter parmi les principaux objectifs de la PESC. Parmi les priorités, les députés estiment qu’il s’agit également d’accroître la contribution de l'UE à la défense territoriale de ses États membres, d’assumer un rôle moteur dans la résolution des conflits et de renforcer, à l'échelle mondiale, un ordre politique, économique et financier pluraliste qui obéisse à des règles, notamment le respect de l'état de droit et des droits de l'homme.

Assurer la crédibilité et l’influence de l’UE en tant qu’acteur international

Dans sa résolution, le Parlement européen se dit convaincu qu'une politique étrangère ambitieuse et efficace doit s'appuyer sur une vision commune des intérêts, valeurs et objectifs fondamentaux de l'Europe ainsi que sur une perception commune des menaces auxquelles l'UE est exposée dans son ensemble. Il salue par conséquent le lancement d’un processus de réflexion à ce sujet qui devra aboutir à une nouvelle stratégie européenne de sécurité tenant comptes des nouveaux défis.

Dans ce contexte, les députés appellent notamment à ce que les ressources de l'Union et de ses États membres soient "renforcées et combinées" pour optimiser l'influence de l’UE dans le monde alors que des "économies considérables" seraient possibles grâce à une meilleure coopération entre les États membres, estiment-ils.

Les députés veulent également que l’aide financière extérieure de l’UE et de ses États membres soit "réorientée et utilisée plus efficacement", cela "conformément aux priorités stratégiques convenues conjointement" alors qu’il conviendrait de "coordonner et d'harmoniser tous les domaines d'aide de l'Union", lit-on dans la résolution. Ils demandent aussi à l’UE "de prendre davantage de mesures pour rehausser la notoriété, la cohérence et l'efficacité de son assistance".

Le Parlement européen encourage par ailleurs les institutions et les Etats membres à passer d'une démarche "jusqu'ici principalement réactive" à une PESC qui soit "tournée vers l'avenir, cohérente et stratégique, fondée sur des valeurs communes et déployée dans l'intérêt européen commun". Et de rappeler que l'Union est tenue, en vertu des traités "de veiller à ce que son action extérieure soient conçue et mises en œuvre dans le but de consolider et de soutenir la démocratie, l'état de droit, les droits de l'homme et les principes du droit international".

"[Le Parlement européen] insiste sur la nécessité d'obliger les partenaires à respecter les engagements qu'ils ont pris en matière de droits de l'homme en vertu d'accords avec l'Union et sur la nécessité d'utiliser, au besoin, les clauses de conditionnalité liées aux droits de l'homme dans ces accords", lit-on encore dans la résolution adoptée le 12 mars.

Une politique "efficace" de l’UE en matière de défense et de sécurité commune (PSDC) est la condition à une PESC "crédible"

Selon les députés, une politique "efficace" de défense et de sécurité commune (PSDC) de l’UE appuyée par des "capacités de défense adéquates des États membres" est la condition à une PESC de l’UE qui soit "crédible". Le Parlement européen souligne à ce sujet "l'importance primordiale de la défense collective assurée par l'OTAN pour ses membres" et il "exhorte" les États membres "à renforcer d'urgence leur capacité à contribuer à la défense territoriale, à engager davantage de ressources et à prendre au sérieux la méthode de mutualisation et de partage en intensifiant leur coopération, afin de bâtir des synergies".

Saluant par ailleurs la tenue d’un Conseil européen consacré à la défense en décembre 2013 (LIEN), les députés demandent que des décisions ambitieuses soient prises lors du prochain sommet de juin 2015. Ainsi appellent-ils notamment au renforcement des moyens de l'Agence européenne de défense, à la consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne ou à la résolution des problèmes existants dans les domaines de la planification et de l'exécution des opérations militaires, entre autres "par l'établissement de quartiers généraux militaires opérationnels permanents", dit la résolution.

Lutte contre le terrorisme, cybersécurité et politique migratoire

Dans sa résolution, le Parlement estime également que les récentes attaques terroristes dans des pays de l’UE "démontrent qu'il est de plus en plus difficile de séparer la sécurité intérieure de la sécurité extérieure", et il demande en conséquence aux États membres et aux institutions de l'Union "de mieux coordonner leurs efforts dans ces domaines". Il s’agit entre autres "d'intensifier le partage de renseignements en matière de sécurité" entre Etats membres et de renforcer la coopération internationale en particulier avec les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, plaident les députés.

Les députés demandent aussi que les ressources industrielles et technologiques nécessaires pour améliorer la cybersécurité soient développées, alors qu’ils soulignent la nécessité "d'intégrer la cyberdéfense dans les actions extérieures et la PESC" et "d'accroître considérablement les capacités de cyberdéfense des États membres". A ce sujet, une coordination plus étroite avec l'OTAN est demandée, "l'objectif étant de mettre en place une cyberdissuasion afin de contrer et d'empêcher efficacement les attaques lancées dans le cyberespace", dit le Parlement.

La révision de la politique migratoire, dont la gestion "devrait faire partie de l'action extérieure de l'Union et constituer une priorité de la coopération de l'Union avec ses voisins orientaux et méridionaux", est une autre demande formulée par les députés qui appellent à sa cohérence. Le Parlement européen souligne ainsi "la nécessité de traiter les causes profondes des migrations irrégulières, en intensifiant la coopération avec les pays de transit et les pays d'origine des flux migratoires grâce à toutes les politiques et à tous les instruments d'aide" et il "demande à nouveau d'accroître l'aide humanitaire destinée aux pays qui accueillent des refugiés et de renforcer les programmes de protection régionaux".

L’énergie de plus en plus utilisée comme outil de politique étrangère

Dans sa résolution, le Parlement souligne par ailleurs que "l'énergie est de plus en plus utilisée comme outil de politique étrangère" et que dans ce contexte, "il importe de construire une Union européenne de l'énergie visant à renforcer la cohérence et la coordination entre la politique étrangère et la politique énergétique". Selon les députés, cette dernière devrait "être conforme aux autres priorités d'action de l'Union, dont la sécurité, la politique étrangère et de voisinage, le commerce et le développement ainsi que la défense et les droits de l'homme".

A cet égard, le Parlement souligne aussi la nécessité de "réduire considérablement" la dépendance de l’UE à l'égard de la Russie et de trouver d'autres sources d'énergie et il invite la Commission "à régler le problème du contrôle d'infrastructures par des entités extérieures à l'UE". Il estime par ailleurs qu'un mécanisme de solidarité devrait être mis en place pour faire face à d'éventuelles ruptures de l'approvisionnement énergétique.

Préserver l'ordre politique et juridique européen

Dans leur résolution, les députés jugent en outre "nécessaire de définir une stratégie politique globale qui vise à rétablir l'ordre politique et juridique européen qui a été établi par l'acte final d'Helsinki de 1975 et lie tous les États européens, y compris la Russie". Pour rétablir cet ordre qui "se fonde sur le respect des droits de l'homme, des droits des minorités et des libertés fondamentales, de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale des États, ainsi que sur la résolution pacifique des conflits", le Parlement juge "indispensable de développer un dialogue constructif avec la Russie et d'autres États du voisinage européen en matière de coopération". Cela "pour autant que la Russie respecte le droit international" et ses engagements vis-à-vis des pays qui l’entourent, "et notamment qu'elle se retire de Crimée".

Définir une nouvelle stratégie avec les pays du voisinage oriental et contenir les ambitions de la Russie dans son voisinage

Pour ce qui relève des relations de l’UE avec les pays de son voisinage, le Parlement européen  juge nécessaire de définir une nouvelle stratégie de l'Union dans ses relations avec les pays du voisinage oriental "sur la base de leurs mérites, de la différenciation et du principe qui consiste à donner plus pour recevoir plus". A cet égard, les députés estiment qu’il s’agit en priorité "de soutenir les pays désireux de se rapprocher de l'Union" et que "l'un des principaux moyens de contenir les ambitions de la Russie dans son voisinage consiste à investir dans l'indépendance, la souveraineté, le développement économique et la poursuite de la démocratisation de ces pays". Le Parlement se dit aussi attaché à la "perspective européenne des voisins européens à l'est de l'Union" qui peuvent, comme toute autre État européen, poser leur candidature à l'adhésion à l'Union pour autant qu'ils en respectent les conditions.

Pour ce qui est de la Russie, les députés prient instamment ce pays "d'honorer ses promesses et ses obligations légales" et ils condamnent "vivement la violation du droit international par la Russie, à la suite de son intervention militaire et de la guerre hybride qu'elle mène contre l'Ukraine […] ainsi que de l'annexion illégale de la Crimée et des opérations de même nature [en] Géorgie". Et les députés d’exhorter la Russie à "désenvenimer la situation, à retirer ses troupes du territoire ukrainien et à rétablir le statu quo préalable à l'annexion". A ce sujet, le Parlement assure de son soutien "aux sanctions adoptées par l'Union en réponse à l'agression russe contre l'Ukraine" tout en soulignant qu’elles "sont évolutives et réversibles".

Les députés soulignent également la nécessité pour l'Union et ses États membres de faire preuve de solidarité et de parler d'une seule voix dans leurs relations avec la Russie ainsi que d'une "stratégie européenne cohérente" à l'égard "des campagnes de désinformation et des activités de propagande menées par la Russie à l'intérieur comme à l'extérieure" de l'UE, les députés priant instamment le SEAE et la Commission de "présenter un plan d'action contenant des mesures concrètes pour contrer la propagande russe" en coopération avec l'OTAN.

Renforcer la sécurité et la stabilisation dans les pays du voisinage méridional

Dans leur résolution, les députés soulignent encore que l'Union doit réviser en profondeur sa politique à l'égard de ses voisins méridionaux. Celle-ci devrait comporter des ressources budgétaires suffisantes et prévoir une stratégie globale qui aide prioritairement les pays "à bâtir des États ouverts à la diversité et opérationnels, aptes à assurer la sécurité de leurs citoyens, à faire face à l'extrémisme religieux et à consolider l'état de droit, préalable à l'investissement et au développement économique", dit le Parlement.

Comme pour les voisins de l’Est, le Parlement insiste pour que insiste pour que cette stratégie révisée soit basée sur la différenciation et le principe qui consiste à donner plus pour recevoir plus, "en vertu duquel l'Union devrait apporter une aide supplémentaire aux gouvernements partenaires qui s'engagent sur le chemin de la démocratisation, et font des progrès tangibles dans cette voie, notamment la Tunisie, la Jordanie et le Maroc".

Le Parlement européen prie par ailleurs instamment les autorités de l'Union "de développer, en coopération étroite avec les États-Unis et avec la participation des grandes puissances (par exemple la Russie et la Chine), une stratégie qui pousserait les acteurs régionaux (dont la Turquie, l'Iraq, Israël, la Jordanie, l'Égypte, les gouvernements du Conseil de coopération du Golfe, l'Iran, la Ligue arabe et les forces kurdes) à s'unir pour mettre un terme aux guerres par procuration et cesser de financer les fondamentalistes et trouver une solution pour la paix et la stabilité dans la région, notamment en vue de mettre fin à la guerre en Syrie et en Iraq", lit-on dans la résolution.

Condamnant dans ce contexte les activités criminelles et la violence barbare perpétrées par les groupes terroristes djihadistes du soi-disant État islamique (EI) qui "représentent une menace majeure pour la région élargie du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, pour l'Europe, voire pour la paix et la stabilité mondiales", le Parlement demande l'intensification de la forte pression mondiale pour priver l’EI de revenus pétroliers et l’application de sanctions strictes sur leurs transactions financières dont ils sont les bénéficiaires. Le Parlement observe par ailleurs que les ressources financières des groupes djihadistes proviennent également de certains pays arabes, "auxquels l'Union devraient demander davantage de cohérence", dit le texte.

Renforcer un ordre mondial coopératif et fondé sur des règles

Le Parlement européen se dit enfin "convaincu" que les États-Unis sont un "partenaire stratégique essentiel de l'Union" et promeut en conséquence "une coordination plus étroite, d'égal à égal, dans le domaine de la politique étrangère européenne, de sorte que le droit international soit respecté et que des stratégies communes soient adoptées contre les problèmes qui se posent dans le voisinage de l'Union et à l'échelle mondiale".

Dans ce contexte, la résolution souligne "le caractère stratégique" du partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI ou TTIP), "qui a le potentiel d'inciter les partenaires transatlantiques à fixer des normes en matière d'emploi, de santé, d'environnement et de propriété intellectuelle, et à renforcer la gouvernance au niveau mondial".