Dans une étude publiée le 6 mai 2015, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) relève qu’un emploi à temps plein payé au salaire minimum ne permet pas toujours à une famille avec deux enfants de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, notamment en Grèce ou en Espagne. Le revenu net perçu par un travailleur payé au salaire minimum peut en effet être "bien inférieur au seuil de pauvreté communément appliqué", note l'OCDE.
Actuellement, 26 des 34 pays de l'OCDE disposent de salaires minimums légaux, de même que qu’au niveau de l’UE la Lettonie, qui cherchent à devenir membres de l'OCDE, et la majorité des économies émergentes. Depuis 1990, neuf pays de l'OCDE, y compris plus récemment l'Allemagne, ont introduit un salaire minimum légal. Dans les huit pays de l'OCDE qui ne disposent pas d'un salaire minium, une grande partie de la population active est couverte par les conventions collectives sectorielles et les planchers de salaires qu'ils spécifient (pays nordiques, l'Autriche, l'Italie et la Suisse).
"Au cours des dernières années, les décideurs politiques dans de nombreux pays de l'OCDE ont ajusté le salaire minimum dans un contexte de chômage élevé et croissant, de salaires moyens en stagnation ou même en déclin et, souvent, de baisse des revenus, en particulier dans les familles les plus pauvres", indique l’OCDE dans son étude. Dans la moyenne des pays de l'OCDE, les salaires horaires réels ont augmenté à un taux annuel de seulement 0,2 % entre 2009 et 2013, et "la moitié des travailleurs qui ont gardé leur emploi ont subi des coupures de salaires réel au cours des années post-crise", lit-on dans l’étude.
L’OCDE indique que la Grèce a réduit ses niveaux de salaire minimum pour remédier à la crise et ce dernier a également diminué de manière significative en Irlande, en Espagne et en Turquie. "Mais les salaires minimums dans d'autres pays ont parfois ralenti ou empêché des pertes de salaire réel pour les travailleurs les moins bien payés", indique-t-elle. Les plus fortes augmentations entre 2007 et 2013 ont eu lieu en Lettonie, en Slovénie et en Pologne, où l'écart entre le salaire minimum et celui médian a diminué de plus de dix points de pourcentage. Au Portugal, cet écart a diminué de près de 5 points de pourcentage.
Au Luxembourg, l’écart entre le salaire minimum et le salaire médian est parmi les plus élevés et n’a pas varié entre 2007 et 2013. Le salaire minimum s’y situe à 40 % du salaire médian (35 % en République tchèque, 40 % en Espagne, 45 % en Grèce, 48 % en Allemagne, 50 % en Belgique, 55% au Portugal, 65% en France).
Dans cette étude, l’OCDE s'intéresse particulièrement au revenu net perçu par un travailleur payé au salaire minimum, une fois déduits impôts et transferts publics. Selon ce critère, "le revenu de titulaires du salaire minimum travaillant à temps plein peut être bien inférieur au seuil de pauvreté communément appliqué", note l'OCDE.
Or, dans pareilles situations, allonger sensiblement le temps de travail "ne permet pas toujours aux familles d'échapper à la pauvreté monétaire telle qu'elle est habituellement mesurée", lit-on dans l'étude, qui précise que "les différences entre pays sont énormes" sur ce point.
Ainsi, "un emploi à temps partiel rémunéré au salaire minimum en Australie, en Irlande ou au Royaume-Uni, peut suffire pour sortir de la pauvreté une famille avec deux enfants". Cependant, dans la plupart des pays de l'OCDE, "un seul emploi à plein-temps payé au minimum légal laisse une famille biparentale sous le seuil de pauvreté". C'est notamment le cas en République tchèque, en Estonie, en Grèce, et en Espagne, où le temps de travail qu'un titulaire du salaire minimum doit effectuer pour sortir de la pauvreté "est exorbitant, notamment pour les parents isolés", affirme l'étude. En République tchèque, celui-ci se situe à près de 90 heures par semaine pour une famille avec deux enfants et à 80 heures par semaine pour les parents isolés avec deux enfants. En Estonie, ces montants s’élèvent respectivement à 75 et 60 heures, en Grèce et en Espagne à 70 et 60, et au Portugal à 60 et 50.
Au Luxembourg, un emploi à temps partiel de 10 heures par semaine rémunéré au salaire minimum peut selon le rapport suffire pour sortir de la pauvreté une famille avec deux enfants, grâce aux transferts sociaux, contrairement à la France (40 heures), l’Allemagne (45 heures) et la Belgique (50 heures). En revanche, pour les parents isolés, un seul emploi à plein-temps payé au salaire minimum légal ne suffit pas : 50 heures de travail par semaine seraient nécessaires au Luxembourg pour dépasser le seuil de pauvreté (30 heures en France et en Belgique, 28 heures en Allemagne).
Pour se soustraire à la pauvreté, ces derniers "auraient besoin d'une aide au revenu plus substantielle ou d'un salaire bien supérieur au salaire minimum", note l’OCDE. "Pour les familles, ce qui compte, c’est le revenu qu'un emploi au salaire minimum apporte après comptabilisation des charges fiscales et des transferts gouvernementaux", souligne l’OCDE.
L’OCDE note en outre que les travailleurs ayant une productivité plus faible, un plus faible pouvoir de négociation, ou des obstacles spécifiques à l'emploi (tels que les responsabilités de soins) sont moins bien payés et sont donc les plus touchés par les dispositions liées au salaire minimum, tout comme les travailleurs peu scolarisés, les femmes, les jeunes et les travailleurs sous contrat temporaire.
Aux Pays-Bas, 3 % des travailleurs âgés de plus de 30 ans touchent le salaire minimum, contre 27 % pour les plus jeunes. Au Luxembourg, ces chiffres s’élèvent respectivement à 10 % et 24 %, en France à 7 et 15 %, au Royaume-Uni à 5 et 17 %, en Pologne à 7 et 10 %, au Portugal à 1 et 3 %.
Dans certains pays, les différences sont "a-typiquement petites", note l’OCDE. Par exemple, en Estonie et en Lettonie, les salaires minimaux sont plus fréquents chez les travailleurs âgés de plus de 30 ans que chez les adultes plus jeunes. Cela suggère que, pour de nombreux travailleurs, le potentiel de gains demeure faible au-delà des premières étapes de leur carrière. Cela peut également indiquer que certains d'entre eux peuvent recevoir une compensation supplémentaire au-delà des salaires anciennement déclarés (par exemple, sous la forme de "paiements de la main à la main").
L’OCDE note que les travailleurs moins scolarisés – avec un niveau de scolarité inférieur ou égal à l'enseignement secondaire inférieur – sont tendanciellement plus représentés parmi les salariés touchant le salaire minimum.
Ainsi, plus de 20 % des travailleurs néerlandais qui ont un niveau de scolarité inférieur ou égal à l'enseignement secondaire inférieur sont payés au niveau ou en dessous du salaire minimum. Pour les mieux éduqués, la part des salariés touchant le salaire minimum est inférieure à 5 %. Dans d'autres pays, les travailleurs peu scolarisés sont également surreprésentés parmi les salariés touchant le salaire minimum. Au Luxembourg, plus de 15 % des travailleurs qui ont un niveau de scolarité inférieur sont payés au niveau ou en dessous du salaire minimum, tandis que celui-ci touche plus de 10 % des mieux formés. En France, ces chiffres s’élèvent respectivement à 15 et 7 points de pourcentage, au Royaume-Uni à 13 et 7 points, en Hongrie à 15 et 3 points, au Portugal à 4 et 1 points.
Pour les travailleurs moins instruits ou temporaires, le salaire minimum équivaut souvent à plus de deux tiers du revenu médian dans ces groupes, ce qui, aux yeux de l’OCDE, souligne la nécessité de définir et d’ajuster le salaire minimum avec précaution: si celui-ci est trop bas, les salaires seront bas pour un nombre important de travailleurs ; mais un salaire minimum trop élevé "laisse peu de place pour récompenser les employés par rapport à leur productivité, et peut conduire à des pertes d'emplois, au travail informel ou à des heures de travail réduites pour certains", souligne l’OCDE.
Les travailleurs sous contrat temporaire sont également plus représentés parmi les salariés touchant le salaire minimum. Au Luxembourg, 35 % des personnes sous contrat à durée déterminée touchent le salaire minimum, tandis que pour les personnes sous contrat à durée indéterminée, ce chiffre s’élève à 10 %. Aux Pays-Bas et en Franc, ce chiffre s’élève respectivement à 23 et 7 %, au Royaume-Uni à 15 et 7 %, en Pologne à 15 et 5 %, et au Portugal à 5 et 2 %.