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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Justice, liberté, sécurité et immigration
La Cour de justice de l’UE clarifie les critères permettant à un Etat membre d’ordonner l’expulsion immédiate d’un étranger en séjour irrégulier et considéré comme un danger pour l’ordre public
11-06-2015


Les deux tours de la CJUE à Luxembourg (source: Cour de Justice de l'Union européenne, G. Fessy)Un étranger en situation irrégulière, même uniquement soupçonné d'avoir commis une infraction pénale ou n'ayant encore subi aucune condamnation pénale définitive, peut, sur la base d'éléments précis découlant d'un examen de son cas individuel, être considéré par les autorités des États membres comme constituant un "danger pour l'ordre public" au sens de la directive sur le retour des clandestins (2008/115/CE). Il peut, par conséquent, être expulsé immédiatement ou dans les sept jours, selon les cas, sans qu'il soit nécessaire d'attendre sa condamnation définitive. C’est ce que précise l’arrêt C-554/13rendu par la Cour de justice de l’UE (CJUE) le 11 juin 2015.

Le contexte

Zh, un ressortissant de pays tiers, avait été arrêté aux Pays-Bas en 2011 alors qu’il était en transit vers le Canada et condamné la même année à deux mois de prison pour possession d’un document de voyage falsifié. Zh avait fait l’objet d’une mesure d’éloignement immédiate, les autorités néerlandaises considérant qu’il constituait, du fait de sa condamnation pénale, un danger pour l’ordre public.

O, un ressortissant de pays tiers, était entré aux Pays-Bas en 2011 avant d’être arrêté par les autorités néerlandaises, celles-ci le soupçonnant d’avoir maltraité une femme dans la sphère privée. Les autorités néerlandaises avaient considéré que O constituait, de ce fait, un danger pour l’ordre public et avaient pris une mesure d’éloignement sans lui accorder de délai de départ volontaire.

Saisi de ces deux affaires, le Conseil d’État néerlandais (Raad van State) avait demandé à la CJUE si un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier pouvait être considéré comme un danger pour l’ordre public, au seul motif d’être soupçonné d’avoir commis un délit ou un crime ou d’avoir fait l’objet d’une condamnation pénale pour un tel acte (dans ce dernier cas, le Raad van State s’interrogeait également sur le fait de savoir s’il est nécessaire qu’une condamnation définitive soit prononcée à l’égard de la personne concernée). Le Raad van State demandait aussi à la Cour de préciser les circonstances qui doivent être prises en compte pour déterminer la notion de "danger pour l’ordre public" (la directive ne le précisant pas) et pour guider le choix des autorités entre accorder un délai de départ inférieur à sept jours ou ne pas accorder de délai de départ du tout.

L’arrêt

Dans son arrêt du 11 juin 2015, la Cour précise les critères que la juridiction nationale doit prendre en compte pour déterminer l'existence d'un "danger pour l'ordre public" et définir si elle doit accorder ou non un délai de départ volontaire au ressortissant étranger en séjour irrégulier soupçonné d'avoir commis une infraction pénale ou en instance de jugement.

La Cour considère qu’un ressortissant de pays tiers est soupçonné d’avoir commis un délit ou un crime ou a fait l’objet d’une condamnation pénale pour un tel acte ne saurait, à lui seul, justifier qu’il soit considéré comme un danger pour l’ordre public.

La Cour précise que, dans le cadre de l’appréciation de la notion de "danger pour l’ordre public", tout élément de fait ou de droit (gravité et nature de l’infraction, temps écoulé depuis la commission de l’acte) susceptible d’éclairer la dangerosité du comportement de la personne concernée doit être pris en compte.

Enfin, la Cour rappelle qu’en cas de danger pour l’ordre public, les États membres peuvent soit s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire soit accorder un délai inférieur à sept jours, la directive ne précisant pas de quelle manière ce choix doit être effectué.

À cet égard, la Cour considère que, dans le cas où l'intéressé constitue effectivement un "danger pour l'ordre public", les États membres ne pourront pas lui refuser automatiquement un délai de départ volontaire. Il est en effet nécessaire de vérifier au cas par cas si l’absence d’un tel délai est compatible avec les droits fondamentaux de la personne.