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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Le rapport des cinq présidents suscite des réactions partagées au Parlement européen et reçoit un accueil glacial de la part de la Confédération européenne des syndicats
22-06-2015


comm-rapport-5-presidents-couvertureLa présentation du rapport dit "des cinq présidents" sur l’achèvement de l’Union économique et monétaire (UEM), le 22 juin 2015, n’a pas manqué de susciter des réactions, en premier lieu parmi les groupes politiques du Parlement européen qui lui ont réservé un accueil partagé.

Le groupe S&D a ainsi salué "l’important signal politique" des présidents de la Commission européenne, du Conseil européen, du Parlement européen, de la BCE et de l'Eurogroupe en faveur d'un renforcement de l'UEM, tout en soulignant que tant son achèvement que son rééquilibrage "nécessitera plus que les propositions" contenues dans leur rapport, lit-on dans un communiqué diffusé sur le site du groupe le 22 juin.

A cet égard, l’eurodéputée portugaise Maria Joao Rodrigues est d'avis que les propositions du rapport sont en-deçà des attentes de son groupe sur "plusieurs aspects cruciaux", à commencer par la dimension sociale de l'UEM et la responsabilité démocratique. "On demande aux États membres de s'engager en faveur d'un agenda de réformes restreint aux questions liées aux marchés du travail, en négligeant l'innovation, l'éducation et l'efficacité énergétique en tant que sources de productivité", souligne-t-elle, citée dans le communiqué. Or, afin de promouvoir la convergence structurelle, "nous aurions plutôt besoin d’un programme plus vaste de réforme couplé avec des investissements", dit-elle, jugeant que le rapport néglige par ailleurs la nécessité d’un "nouveau pacte social" mettant fin à l'affaiblissement actuel des normes sociales et renforcé par une capacité budgétaire propre à la zone euro.

La Française Pervenche Berès a de son côté dit espérer que le Parlement européen sera en mesure, lors d’un vote sur son projet de rapport relatif à la gouvernance économique prévu le 24 juin, d'accroître le niveau d'ambition politique de la Commission européenne en la matière. "En particulier, le Parlement exigera des améliorations substantielles à la prévention des déséquilibres macro-économiques" ainsi qu'une plus grande légitimité démocratique de la gouvernance économique au sein de la zone euro "notamment par l'adoption future des lignes directrices en termes de convergence via la procédure de codécision".

Au nom du groupe ALDE, son président, l’eurodéputé belge Guy Verhofstadt, s'est félicité que des idées de son groupe aient été reprises dans le rapport telles que la mise sur pied d'un "Trésor européen" et la création d'un "code de convergence" économique à travers lequel des objectifs maximums et minimums seraient fixés dans certaines politiques, rapporte un communiqué diffusé par l’ALDE le même jour. "Le rapport constate que des changements sont aujourd'hui plus que jamais nécessaires. De fait, une union monétaire sans union politique ne peut  tout simplement pas fonctionner", dit-il. Mais le président des libéraux de "mettre en garde" le Conseil européen contre toute adoption de ces propositions à huis clos par le biais de la méthode intergouvernementale, excluant ainsi la Commission et le Parlement.

"La procédure législative normale, garantissant un contrôle démocratique total, doit être privilégiée", dit-il, appelant la Commission "à prendre maintenant l'initiative de propositions  et profiter de la volonté politique qui semble affleurer pour entamer une  procédure d'urgence et aller de l'avant". Il s’agirait d'accélérer la présentation de propositions législatives comme celle visant à achever l'Union bancaire à travers un mécanisme européen de garantie de dépôts plutôt que d’attendre 2018 comme le prévoit l’agenda actuel. Guy Verhofstadt regrette néanmoins l'absence de propositions visant "à ouvrir davantage" le marché intérieur, de même qu’à la création d'un "fonds d'amortissement de la dette afin de faire face à l'endettement excessif" qui permettrait de gérer en commun le stock de dette dépassant 60 % du PIB pour chaque pays de la zone euro.

Pour sa part, le groupe des Verts/ALE a critiqué une contribution qui apparaît "d'autant plus faible qu'elle se contente d'insister sur un  renforcement de ce qui existe déjà", en l'occurrence, le Semestre européen et les procédures de  rétablissement des équilibres macroéconomiques, "restés malheureusement peu probants", lit-on dans un communiqué diffusé par le groupe.

"Le rapport des cinq présidents campe dans un déni de réalité inquiétant. En effet, aucune union monétaire n'est viable sans mécanismes de solidarité financière, qui passent par une union budgétaire – un budget commun alimenté par une fiscalité commune – et/ou par une union sociale – un embryon de sécurité sociale commune, l'une et l'autre exigeant une légitimité démocratique robuste", a estimé le coprésident du groupe, le Belge Philippe Lamberts. Or, selon lui, "on ne peut se donner une monnaie fédérale sans l'accompagner au moins de l'embryon d'une Europe fédérale", un choix que les chefs d'État et de gouvernement "continuent de remettre sans cesse à plus tard, et ce rapport ne rompt pas avec cet immobilisme".

Philippe Lamberts dénonce à cet égard l’absence de propositions "remédiant aux failles fiscales, sociales et démocratiques de l'UEM" et la volonté des cinq présidents de "persister sur le cap idéologique dont l'échec est patent". "En particulier, ils focalisent toute leur énergie sur des mesures visant à renforcer la compétitivité de l'union, au sens le plus étriqué du terme puisqu'il vise exclusivement à l'atteindre par la réduction des coûts directs et indirects du travail", dit-il, regrettant par ailleurs l’abandon de toute ambition de mutualisation des dettes publiques. 

Du côté de la Confédération européenne des syndicats (CES), le rapport a reçu un accueil pour le moins négatif, la CES rejetant tout particulièrement la création d'autorités nationales de compétitivité qui analyseraient les politiques salariales dans les États membres comme suggéré dans ce texte. Dans un communiqué de presse diffusé le 22 juin, la secrétaire générale de la Confédération, Bernadette Ségol, souligne ainsi qu’il "n’est pas question que les syndicats acceptent qu’un organe indépendant des partenaires sociaux donne son avis sur les négociations salariales". Selon elle, "ce serait ouvrir la porte à un conflit majeur" alors que "la fixation des salaires fait partie du rôle des partenaires sociaux".

"Ce que la Commission européenne oublie de mentionner dans son communiqué de presse sur les autorités de la compétitivité, c’est que, en Belgique, comme dans d’autres pays, cette autorité relève des employeurs et des syndicats – il ne s’agit pas d’un organe séparé dispensant des conseils que les partenaires sociaux doivent suivre", poursuit-elle. Et d’estimer "très révélateur" que, 8 ans après une crise causée par le secteur financier, des conseils en matière de salaires des travailleurs soient considérés comme étant la solution alors que les rémunérations des dirigeants d’entreprise, les contrats zéro heure, l’évitement fiscal des multinationales ou le dumping social ne sont pas évoqués" et que le rapport ne contient "pas une seule proposition d’action précise" au sujet de la dimension sociale de l’UEM.