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Politique étrangère et de défense
Conseil Affaires étrangères – Les ministres appellent au lancement de négociations pour un processus de paix en Syrie et demandent d’accélérer la formation d’un gouvernement d’entente nationale en Libye
18-01-2016


Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères, lors du Conseil Affaires étrangères du 18 janvier 2016 à Bruxelles (source: MAEE)Les ministres européens des Affaires étrangères se sont réunis à Bruxelles, le 18 janvier 2015, lors d’un Conseil Affaires étrangères (CAE) consacré notamment à la situation en Syrie, en Irak et en Libye. A cette occasion, les ministres ont également abordé la situation en Ukraine et plus particulièrement le processus de réforme engagé dans le pays. Lors de leur réunion mensuelle, ils ont par ailleurs été informés de la mise en œuvre de l’accord sur le nucléaire iranien.

Syrie

Le Conseil a tout d’abord débattu de la situation en Syrie ainsi que des derniers développements dans la région, en particulier les tensions croissantes entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Comme le précisent les conclusions du Conseil diffusées à l’issue de la réunion, les ministres ont pris note des récents progrès dans les efforts diplomatiques pour mettre fin au conflit syrien qui a causé plus de 250 000 morts en cinq ans  et ils ont discuté des préparatifs de la conférence des donateurs pour la Syrie qui se tiendra à Londres le 4 février 2016.

Dans ce contexte, les ministres ont souligné leur plein soutien à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies – qui entérine une "feuille de route" pour un processus de paix en Syrie et fixe un calendrier pour les pourparlers – et ils ont examiné comment l'UE pouvait faciliter au mieux sa mise en œuvre.

"Les négociations politiques (qui devraient être lancées le 25 janvier 2016, ndlr) entre les parties syriennes à Genève doivent commencer", a estimé le Haute Représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion, notant qu’il fallait parallèlement enregistrer des progrès sur le terrain au risque sinon de mettre en péril la crédibilité et la résilience du processus. Dans leurs conclusions, les ministres soulignent ainsi l'importance de "mesures de restauration de la confiance" sous l’égide de l’ONU telles que l'accès humanitaire et le respect du cessez-le feu, tout en condamnant les attaques contre des civils.

 "Je ne m'attends pas à ce que ce soit facile, ni même rapide, mais qu'il démarre de bonne foi et avec suffisamment de volonté politique à l'intérieur et à l'extérieur de la Syrie pour qu'il puisse être engagé", a poursuivi la Haute Représentante. "Nous ne nous attendons pas à ce que les parties d'une guerre se mettent d'accord sur quelque chose au début du processus, mais le processus a pour objectif de définir la volonté politique et la volonté des parties – le régime et l'opposition – de se réunir et de commencer un processus, qui, de notre point de vue, est clairement un processus de transition", a-t-elle ajouté. Selon elle, il s’agit de mettre fin au désastre que représente la situation actuelle de guerre civile en Syrie et il importe que les parties unissent leurs forces pour combattre le groupe terroriste Etat islamique.

L’UE soutiendra activement dans ce contexte le travail de l’envoyé spécial de l’ONU sur la Syrie, Staffan de Mistura, tant sur le plan politique, que diplomatique et logistique, tout comme elle soutient l'opposition dans la préparation des négociations, a encore dit Federica Mogherini.

Pour sa part, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a estimé dans un communiqué diffusé par son ministère que "les quatre dernières années ont montré qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit". Afin d’arriver à une solution politique durable "il faudrait appuyer les acteurs modérés de l’opposition. Il faudrait aussi que l’opposition non-djihadiste parle d’une même voix", a encore indiqué le ministre.

Pour ce qui est des récents développements entre l'Arabie saoudite et l'Iran après l'exécution par Ryad d'un dignitaire religieux chiite et l’incendie de l’ambassade saoudienne à Téhéran, la Haute Représentante a indiqué que le Conseil invitait à la baisse des tensions et à la désescalade rhétorique et en termes d’actions dans la région afin de garantir la protection du "fragile mais très important processus" pour une solution politique en Syrie.

Ce sujet a par ailleurs été évoqué lors du déjeuner de travail des ministres avec le ministre des Affaires étrangères de la Jordanie, Nasser Judeh, déjeuner qui a par ailleurs permis au Conseil d’aborder la coopération entre l’Union et la Jordanie dans le domaine politique. Les conclusions du Conseil précisent à ce sujet que la Haute Représentante a chargé les services compétents de préparer et de présenter des propositions dans les semaines à venir en vue d’accorder des préférences commerciales temporaires à la Jordanie afin d'aider le pays à répondre aux besoins économiques des réfugiés en provenance de Syrie.

"La Jordanie est l'un des partenaires, si ce n’est le partenaire, les plus concernés dans une région très turbulente - un îlot de stabilité comme ils se définissent - et nous sommes tous d'accord dans l'UE sur le fait que nous devons investir dans la résilience et la stabilité de la Jordanie", a dit Federica Mogherini, précisant qu’il ne suffit pas de gérer les crises mais qu’il s’agit également d’investir dans les pays qui montrent un tel niveau de stabilité.

Libye

Le Conseil a par ailleurs adopté des conclusions sur la Libye, dans lesquelles les ministres expriment leur plein soutien à l'accord politique signé le 17 décembre 2015 entre les deux factions qui se disputaient le pouvoir dans ce pays, et se félicitent de la formation du Conseil présidentiel. "L'UE et ses Etats membres continueront à soutenir le gouvernement d'entente nationale comme le seul gouvernement légitime de la Libye et appellent toutes les institutions libyennes à accepter l'autorité de ce gouvernement", peut-on lire dans les conclusions.

Mais alors que le Conseil présidentiel libyen a reporté de 48 heures la date limite pour la formation d’un gouvernement d'entente nationale, prévue initialement pour le 17 janvier, les ministres européens l’appellent "instamment" à former ce gouvernement "qui doit être approuvé par la Chambre des représentants, comme prévu dans l'accord politique libyen". L'UE et ses Etats membres sont de leur côté pleinement engagés à soutenir la Libye et à accompagner la mise en œuvre intégrale de l’accord, en étroite collaboration avec le gouvernement d’entente une fois celui-ci formé, précisent les ministres. "L’UE dispose d’un paquet de soutien immédiat et substantiel totalisant 100 millions d’euros dans un certain nombre de domaines différents", peut-on encore lire dans les conclusions.

Le Conseil condamne par ailleurs les attaques terroristes récentes à Zliten et contre les installations pétrolières, les tentatives visant à perturber la stabilisation du pays, tout comme la présence croissante du groupe terroriste Etat islamique et d’autres groupes extrémistes, qui soulignent encore une fois selon lui la nécessité "urgente" de mettre en œuvre l’accord politique et, en particulier, la formation du gouvernement prévue dans cet accord.

Processus de paix au Moyen-Orient

Le Conseil a également adopté des conclusions sur le processus de paix au Moyen-Orient, dans lesquelles il s’inquiète du "cycle continu de violences" qui a fait de nombreux morts côté israélien et palestinien et où il réaffirme son soutien aux appels du Quartet (Etats-Unis, Russie, UE et ONU) à prendre des mesures significatives afin de rétablir la confiance.

Si la Haute Représentante s’est félicitée en conférence de presse des conclusions adoptées à l’unanimité par le Conseil, le sujet semble avoir provoqué certaines oppositions. Les conclusions, qui devaient initialement faire l’objet d’une adoption sans débat par les ministres, ont finalement occupé le Conseil une partie de la journée, alors que comme le rapporte l’Agence France Presse, l’ultime relecture du texte au plus haut niveau a mis en évidence les réserves de certains Etats membres, la Grèce et la Pologne notamment.

Dans ses conclusions, le Conseil rappelle que "l’UE condamne fortement les attaques terroristes et la violence de toutes les parties et dans toutes circonstances, y compris la mort d’enfants", de même que la colonisation "illégale en droit international". Le Conseil dénonce également les "démolitions et confiscations, y compris de projets financés par l’UE, de même que les évictions" de Palestiniens de certains villages, ainsi que "les transferts forcés de Bédouins et les avant-postes illégaux".

Pour le Conseil, "seul un rétablissement d’un horizon politique et la reprise du dialogue peut arrêter la violence", les ministres rappelant également que l’avenir du développement des relations entre l’UE et ses partenaires tant israéliens que palestiniens dépendra aussi de leur engagement vers une paix durable basée sur une solution à deux Etats".

Ces conclusions du Conseil sont une "bonne base pour notre position commune et aussi pour notre engagement dans le processus au Moyen-Orient avec les parties sur le terrain, mais aussi avec les partenaires internationaux et les acteurs régionaux, notamment les pays arabes", a jugé Federica Mogherini en conférence de presse.

Irak

Les ministres réunis au sein du Conseil ont également discuté de l’Irak et en particulier de la mise en œuvre des réformes politiques et économiques qui devraient permettre de mener à un processus de réconciliation nationale, dans le contexte des conclusions adoptées par le Conseil Affaires étrangères du 14 décembre 2015 dans lesquelles le Conseil avait apporté son soutien au processus de réforme entamé dans le pays.

Les conclusions du 18 janvier précisent que le Conseil a discuté du soutien politique et matériel de l’UE à la réforme interne du pays et de sa contribution à la réconciliation nationale. Il a notamment été demandé dans ce contexte aux services compétents de travailler sur l’opérationnalisation des options visant à aider l’Irak à réformer son secteur de la sécurité et son administration publique, y lit-on.

Dans son communiqué, Jean Asselborn a de son côté souligné l’importance du "plein soutien de l’UE au  gouvernement inclusif de Haidar al-Abadi, qui est engagé dans la voie des réformes et du dialogue national". Le ministre luxembourgeois y salue le fait que "d’importantes réformes ont été amorcées", tout en regrettant qu’elles "n’avancent que très lentement".

Ukraine

La situation en Ukraine était également à l’ordre du jour du Conseil qui a fait le point sur le processus de réformes engagé par le pays et sur les moyens pour l’UE de le soutenir. Cela dans un contexte où, depuis le 1er janvier 2016, l’UE et l’Ukraine appliquent à titre provisoire la partie de l'accord d'association consacrée à la zone de libre-échange approfondi et complet.

Dans ses conclusions, le Conseil salue ainsi le processus de réforme mis en place par l'Ukraine "dans des circonstances difficiles", soulignant qu’il "espère vivement" que les réformes vont se poursuivre. Les ministres ont par ailleurs convenu que cet accord approfondi et complet était une opportunité qui exigeait un effort commun et solidaire afin que ses avantages bénéficient aux deux côtés.

Federica Mogherini a expliqué en conférence de presse que cette discussion avait permis de réaffirmer le plein soutien et l’unité de l’UE quant à la mise en œuvre intégrale des accords de Minsk, "mais en se concentrant cette fois, peut-être pour la première fois d’une manière aussi claire et ciblée […] sur le processus de réforme à l'intérieur de l'Ukraine". Qu’il s’agisse de la réforme du système judiciaire, du secteur de l'administration publique, ou les réformes de décentralisation, Federica Mogherini a jugé qu’il fallait reconnaître "l'incroyable et remarquable travail des autorités ukrainiennes au cours des derniers mois pour faire avancer le programme de réforme avec des étapes très concrètes".

Interrogée sur l’engagement de l’UE envers les accords de Minsk, la Haute Représentante a redit qu’il n’était en rien remis en question, rappelant la décision du Conseil prise en décembre de prolonger de six mois (jusqu'au 31 juillet 2016) les sanctions économiques contre la Russie en lien avec la crise ukrainienne, soit un "signal clair" de son engagement, a-t-elle dit.

"Nous devons insister sur l’importance de continuer sur cette voie, notamment pour les réformes dans le cadre du processus de Minsk et de l’accord d’association et de libre-échange, maintenant que la zone de libre-échange est provisoirement entrée en vigueur", a pour sa part souligné Jean Asselborn dans son communiqué.

Pour rappel, depuis le début de l’année 2014, les relations entre l’Union européenne et la Fédération de Russie se sont largement détériorées dans un contexte de tensions et de sanctions réciproques liées à l'annexion illégale de la Crimée, à la crise politique en Ukraine et à la rébellion séparatiste armée dans ce pays. Depuis mars 2014, l'UE a progressivement imposé un ensemble de mesures restrictives à la Russie dans ce contexte.

Iran

Enfin, bien que le sujet ne figurait pas à l'ordre du jour, la Haute Représentante a informé les ministres sur la mise en œuvre de l'accord sur le nucléaire iranien.

Pour mémoire, le 16 janvier 2016, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a estimé que l'Iran avait mis en œuvre les mesures liées au nucléaire contenues dans le plan global d'action conjoint (JCPOA) du 14 juillet 2015, entrainant la levée de sanctions de l'ONU, de l'UE et des États Unis. Dans la foulée, le Conseil avait immédiatement confirmé la levée de toutes les sanctions économiques et financières de l'UE liées au nucléaire en publiant au Journal officiel les actes juridiques déjà adoptés le 18 octobre, jour d'adoption officiel de l'accord.

Concrètement, l'UE a ainsi retiré 36 personnes et 295 entités – dont une quinzaine de banques – de la liste des personnes et entités soumises à un gel des avoirs et une interdiction de visa dans l'UE. L’interdiction des transferts financiers à destination et en provenance d'Iran a également été levée, de même que les restrictions qui frappaient l'importation, l'achat, l'échange et le transport de pétrole brut et de produits pétroliers, de gaz et des produits pétrochimiques de l'Iran, tout comme la fourniture de matériel, de technologie ou d'assistance technique.

Qualifié par les Etats membres et la Commission de "moment décisif" pour la stabilité et la sécurité dans la région, cet accord ouvre également selon Federica Mogherini de nouvelles voies pour la coopération bilatérale, et notamment pour différents types de relations, avec les acteurs régionaux entre autres. Cela ouvre également la voie à un investissement majeur de l’UE dans les relations bilatérales, a estimé la Haute Représentante. Cette dernière a encore annoncé qu'une délégation de la Commission devrait se rendre en Iran au printemps, pour discuter des aspects de coopération bilatérale qui pourraient être développés.