D’une manière générale, la gestion de la crise financière par la Commission européenne n’a pas été optimale, même si elle a eu des effets positifs en termes d'assainissement budgétaire et de réformes, estime la Cour des comptes européenne dans un rapport intitulé "L’assistance financière aux pays en difficulté" publié le 26 janvier 2016.
Ce rapport d’une centaine de pages analyse la gestion, par la Commission, de l'assistance financière fournie à cinq États membres (Hongrie, Lettonie, Roumanie, Irlande et Portugal). Il explique que la Commission n’était pas préparée aux premières demandes d'assistance financière lors de l'éclatement de la crise de 2008 parce que les signes avant-coureurs étaient passés inaperçus, comme on peut lire dans le communiqué de la Cour des comptes.
Le rapport révèle un certain nombre de faiblesses dans la gestion de la crise par la Commission : les différences de traitement d'un pays à l'autre, le contrôle de la qualité limité, les faiblesses dans le suivi de la mise en œuvre et les insuffisances dans la documentation.
Les auditeurs de la Cour ont relevé plusieurs cas où des pays n'ont pas été traités de la même manière, alors qu'ils se trouvaient dans une situation comparable. Dans certains programmes, les conditions de l'assistance étaient moins strictes, ce qui permettait de les respecter plus aisément. Les réformes requises n'étaient pas toujours proportionnelles aux problèmes rencontrés ou empruntaient des voies très différentes, note le rapport. Les objectifs de déficit de certains pays étaient plus souples qu'ils n'auraient dû l'être au regard de la situation économique.
L'examen des principaux documents par les équipes de programme de la Commission était insuffisant à plusieurs égards, estiment les auteurs du rapport. Les calculs sous-jacents n'ont été examinés par aucun vérificateur extérieur à l'équipe, les travaux des experts n'ont fait l'objet d'aucun contrôle approfondi et le processus de réexamen n'était pas bien documenté.
Les auditeurs notent également que la Commission a utilisé des objectifs de déficit en comptabilité d'exercice, dont la réalisation ne peut être vérifiée qu'après un certain temps. Cette approche assure une cohérence avec la procédure concernant les déficits excessifs, mais elle implique aussi que, lorsqu'une décision doit être prise à propos de la poursuite des programmes, la Commission ne peut certifier que l'État membre bénéficiaire a atteint l'objectif de déficit fixé.
Enfin, la Cour des comptes révèle que la Commission utilisait un outil de prévision existant, qui se présentait sous forme de feuilles de calcul et qui était plutôt complexe. De ce fait, la documentation ne facilitait pas un retour en arrière pour évaluer les décisions prises. La disponibilité des pièces s'est améliorée avec le temps, estime le rapport, mais même pour les programmes les plus récents, certains documents clés étaient manquants. Les conditions prévues dans les protocoles d'accord n'étaient pas toujours suffisamment axées sur les conditions de politique économique générale fixées par le Conseil.
Cependant, en dépit de son manque d'expérience, la Commission a réussi à gérer les programmes d'assistance qui ont conduit à des réformes, note le rapport, qui constate tout de même un certain nombre d'effets positifs.
La Commission a en effet réussi à assumer ses nouvelles responsabilités de gestion, ce que la Cour considère comme "un tour de force" vu le calendrier serré. "À mesure que la crise prenait de l'ampleur, la Commission a mobilisé de plus en plus d'expertise au niveau interne et a noué un dialogue avec de nombreuses parties prenantes dans les pays concernés. Les réformes mises en place par la suite ont également permis de renforcer la surveillance macroéconomique", indique l’auditeur externe de l’UE, qui précise qu’à quelques exceptions près, les objectifs de déficit révisés ont été respectés, que les déficits structurels se sont eux aussi améliorés, mais à un rythme variable, que les États membres ont satisfait à la plupart des conditions énoncées dans leurs programmes, moyennant toutefois quelques retards et que dans quatre des cinq pays concernés, le redressement de la balance courante a été plus rapide que prévu.
La Cour formule un certain nombre de recommandations à la Commission :
La dernière partie du rapport est consacrée à la réponse donnée par la Commission à l’analyse de la Cour des comptes.
La Commission estime que les programmes soutenus par une assistance financière "ont atteint leurs objectifs économiques fondamentaux, à savoir permettre aux pays de revenir sur les marchés financiers et de renouer avec des finances publiques viables et une croissance conduisant à un recul du chômage" et note que "l’impact et l’évolution de la crise ont été sans précédent, que ce soit en Europe ou dans le monde" et qu’ "il était très difficile de prévoir toutes les conséquences de l’aggravation rapide des déséquilibres". De ce fait, "la Commission ainsi que l’UE ont dû agir vite face à l’incertitude extrême et à la gravité des risques souverains et de liquidité systémiques qui menaçaient la stabilité de l’ensemble du système financier et la solvabilité des États souverains".
Dans son communiqué de presse, la Cour des comptes précise que l'assistance accordée par l'UE à la Grèce au cours de la crise financière fera l'objet de deux rapports spéciaux distincts dont le premier est prévu pour le premier trimestre 2016. Il qui répondra à la question de savoir si l'assistance technique coordonnée par la Commission a contribué de manière positive à la mise en œuvre des programmes et au processus de réforme en Grèce,.
Le second rapport, qui sera publié plus tard, consistera en une évaluation de la conception, du suivi et des résultats du programme d'ajustement économique pour la Grèce.
En 2008, l'Europe a été confrontée à une crise financière qui s'est muée en crise de la dette souveraine. Celle-ci s'explique par une conjonction de facteurs, comme la faiblesse de la surveillance bancaire, l'application de mauvaises politiques budgétaires et les difficultés rencontrées par de grandes institutions financières (dont le coûteux sauvetage a dû être financé avec l'argent du contribuable). La crise a déferlé sur les États membres de l'Union européenne en deux temps : elle a d'abord touché les pays situés en dehors de la zone euro (en 2008-2009), avant de s'étendre à cette dernière. Au total, huit États membres ont été contraints de demander une assistance macrofinancière : la Hongrie, la Lettonie, la Roumanie, l'Irlande, le Portugal, la Grèce, l'Espagne et Chypre.