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Economie, finances et monnaie
Pierre Gramegna se félicite du bilan de la Présidence luxembourgeoise devant une commission ECON du Parlement européen très critique
11-01-2016


pe-econ-gramegnaLe 11 janvier 2016, Pierre Gramegna, ministre des Finances, est intervenu à Bruxelles devant la commission ECON (affaires économiques et monétaires) du Parlement européen pour dresser le bilan de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne (UE) en matière d’économie et de finances.

Le ministre a salué une expérience positive, regrettant qu’elle soit déjà terminée tant le travail avait été intéressant, et est revenu sur les grands thèmes qui ont marqué les six derniers mois : l’évolution de l’économie de l’UE, la fiscalité avec notamment l’adoption de la directive sur l’échange automatique d’informations sur les rescrits fiscaux, la proposition pour une directive "anti-BEPS" ou encore l’avenir du code de conduite sur la fiscalité des entreprises, et les services financiers avec la mise en œuvre de l’Union bancaire et l’Union des marchés de capitaux notamment.

Dialogue économique

Pierre Gramegna a tout d’abord fait le point sur la situation économique de l’UE, soulignant que, selon les prévisions officielles, la reprise économique était confirmée, à un rythme cependant légèrement plus faible que prévu en raison d’un ralentissement de la croissance en Chine et dans d’autres économies émergentes. Le ministre a toutefois noté des facteurs atténuants comme la baisse du prix du pétrole et des matières premières, les taux d’intérêt bas ou encore la politique monétaire très conciliante.

Pierre Gramegna a ensuite évoqué le rapport des cinq présidents intitulé "Compléter l’Union économique et monétaire européenne" et publié le 22 juin 2015. Il a rappelé que ce rapport vise à faire le meilleur usage possible des instruments légaux existants pour rendre l’Union bancaire plus résistante. "L’approfondissement de l’UEM ne doit pas être vu de manière abstraite", a souligné Pierre Gramegna, "c’est un instrument qui aidera à approfondir nos économies, à accentuer la réduction du chômage et la création d’emploi, et à attirer les investissements". Le ministre a rappelé que la Présidence luxembourgeoise avait pris le sujet très au sérieux et organisé plusieurs réunions formelles et informelles dans différentes formations du Conseil (ECOFIN, Affaires générales, Compétitivité et EPSCO) sur le sujet.

Le Conseil ECOFIN de novembre a d’ailleurs procédé à un échange de vues sur les différentes initiatives mises en avant par la Commission pour mettre en œuvre le rapport, a rappelé Pierre Gramegna. Les deux conclusions majeures ont été que l’approfondissement ne peut avoir lieu qu’à différents niveaux et que l’aspect à court terme ne doit pas être dissocié de l’aspect à long terme, a indiqué le ministre. "Un consensus semble être apparu sur le fait qu’un partage supplémentaire de risques ne peut qu’aller de pair avec une réduction parallèle des risques", a-t-il encore insisté, ajoutant qu’il fallait aussi s’assurer que les pays qui ne sont pas membres de la zone euro puissent eux aussi prendre part aux discussions car l’intégrité du marché unique doit être préservée.

Pierre Gramegna est ensuite revenu sur le Semestre européen 2016, qui a été lancé par le Conseil ECOFIN du mois de décembre avec un premier échange de vues sur l'examen annuel de la croissance pour 2016 et le rapport sur le mécanisme d'alerte de 2016. "C’est la première fois que la procédure a été avancée et cela était en fait l’une des recommandations du rapport des cinq présidents", a noté le ministre.

Le ministre a encore rappelé que la crise des réfugiés avait été un sujet abordé lors de chaque Conseil ECOFIN et que la Présidence avait notamment demandé à la Commission dès le mois de septembre lors de la réunion informelle des ministres de l’Economie et des Finances dans quelle mesure la crise des réfugiés pouvait être considérée comme une "circonstance exceptionnelle" au titre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC).

Fiscalité

Au sujet de la fiscalité, Pierre Gramegna s’est félicité que la Présidence luxembourgeoise ait pu aboutir à des "résultats tangibles". Le ministre a notamment cité l’adoption de la directive sur l’échange automatique d'informations sur les décisions fiscales anticipées le 8 décembre 2015 après un accord politique le 6 octobre 2015, et ce, après seulement neuf mois de négociations, "un record" selon le ministre.

Pierre Gramegna a encore indiqué que le Conseil avait adopté des conclusions sur une "directive anti-BEPS" lors de sa réunion de décembre. "Ce n’était pas une mission facile mais je suis content que nous ayons pu parvenir à ces conclusions", a indiqué Pierre Gramegna, ajoutant que l’instrument privilégié pour mettre en œuvre les conclusions de l’OCDE sur le plan d'action BEPS (de lutte contre l’érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices) dans le contexte de l'UE était la législation contraignante ("hard law") qui permet de garantir à la fois la sécurité juridique et la proportionnalité.

Pour rappel, le phénomène qualifié de BEPS a fait l'objet de travaux au sein de l'OCDE en vue de relever les défis que pose l'interaction de législations fiscales non coordonnées dans différents pays.

La Présidence s’est également concentrée sur le code de conduite sur la fiscalité des entreprises et est parvenue à des conclusions garantissant un meilleur usage du mandat existant, un examen de la prolongation du mandat et la possibilité d’adapter la gouvernance du code en conséquence. Créé en 1997, le code est utilisé pour évaluer le caractère dommageable des mesures fiscales adoptées, ou en passe d'être adoptées, par les États membres. Un groupe a été créé en 1998 pour contrôler sa mise en œuvre et il soumet deux fois par an un rapport au Conseil.

Quant au niveau minimum d’imposition effective dans l’UE, un sujet "très controversé" et qui a été abordé lors de la réunion informelle des ministres de l’Economie et des Finances du mois de septembre, Pierre Gramegna a indiqué qu’il nécessiterait plus de discussions dans le futur.

Enfin, la Présidence luxembourgeoise a organisé un débat sur la coopération renforcée sur la taxe de transaction financière (TTF) lors du Conseil ECOFIN de décembre. "Notre but était de faire que l’on discute de ce sujet au niveau des 28 et qu’il y ait toute la transparence nécessaire sur ce que font les dix Etats membres qui veulent introduire la taxe de transaction financière", a indiqué le ministre. Dix États membres participent actuellement à la procédure de coopération renforcée dans le cadre de la directive proposée après le retrait de l’Estonie, l'ensemble des États membres participant aux discussions.

Services financiers

Pierre Gramegna a indiqué que la Présidence luxembourgeoise était parvenue à un accord sur le financement-relais du Fonds de résolution unique (FRU) lors du Conseil ECOFIN du mois de novembre. "Cette discussion n’a pas été facile mais nous avons trouvé une solution qui était importante pour renforcer la crédibilité de l’Union bancaire", a dit le ministre. "La solution choisie était la solution minimale en ce qui concerne l’intégration européenne car on s’est mis d’accord sur des lignes de crédit nationales", a concédé Pierre Gramegna pour qui "c’était mieux que rien étant donné que le fonds de résolution unique est devenu pleinement opérationnel au 1er janvier 2016".

Pour rappel, le FRU, qui est destiné à financer la résolution ordonnée d'une banque défaillante parallèlement au renflouement interne des actionnaires, fait partie du volet "résolution" de l'Union bancaire et il est censé monter graduellement en puissance à partir de janvier 2016. Il sera alimenté par les contributions nationales des Etats membres prélevées auprès de l'industrie bancaire et sera progressivement mutualisé, son capital devant atteindre quelque 55 milliards d'euros d'ici à 2023. Or, il s’agissait en amont de pouvoir garantir au fonds, opérationnel dès le 1er janvier 2016, une dotation suffisante lors de sa phase de montée en puissance, d’où la nécessité d’assurer un financement-relais pendant cette période transitoire.

Au sujet de l’Union des marchés de capitaux, la Présidence a pu faire des progrès et notamment en ce qui concerne le paquet titrisation, a noté Pierre Gramegna. "Nous avons pu réaliser ces progrès en seulement neuf semaines et parvenir à un accord politique (le 2 décembre 2015, ndlr)", a souligné le ministre, saluant une "étape importante".

La Présidence luxembourgeoise est également parvenue à un accord politique sur le règlement relatif à la manipulation des indices de référence de marché (règlement "Benchmarks") lors d’un trilogue le 24 novembre 2015. "Nous avons réussi à clore un débat qui avait duré deux ans et demi", a indiqué le ministre.

Enfin, Pierre Gramegna s’est félicité que pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il avait été possible de parvenir à temps à un accord avec le Parlement européen sur le budget de l’UE. "Cela a été possible grâce à un soutien unanime de la part des Etats membres et un grand soutien de la part du Parlement européen", a dit le ministre, qui a conclu en exprimant sa gratitude pour la bonne coopération entre les différentes institutions de l’Union tout au long de la Présidence.

Les débats

Lors du débat, si certains eurodéputés ont salué le travail de la Présidence luxembourgeoise, de nombreuses critiques ont été émises. L’eurodéputé Markus Ferber (PPE), rapporteur au Parlement européen de l’avis sur la directive introduisant l’échange automatique d’informations sur les tax rulings, a notamment regretté que le Conseil n’ait pas tenu compte de cette position votée à une large majorité en plénière. Il a déploré que l’accord du 6 octobre 2015 limite le champ d’application du projet de directive (limité aux rulings transfrontières et avec une rétroactivité pour l’échange de cinq ans au lieu de dix comme proposé) ainsi que l’accès de la Commission à ces informations, ce qui ne permettra pas de vérifier l’existence de potentielles aides d’Etat illégales.

"Parfois, vous vous demandez si on parle bien du même texte, vous ne reconnaissez d’aucune manière le progrès extraordinaire que nous avons fait en nous mettant d’accord sur cette directive en un temps record", une avancée d’ailleurs "saluée par le G20", a répondu Pierre Gramegna, avant de revenir en détail sur les différentes critiques. Ainsi, la Présidence luxembourgeoise, contrairement à ce que proposait la Commission, suggérait d’étendre  l’échange à tous les rulings, mais cette proposition n’a pas recueilli assez de soutien de la part des Etats membres, a-t-il dit.

Sur la question de la rétroactivité, le ministre luxembourgeois a tenu à rappeler qu’un retour en arrière de cinq années demanderait déjà un énorme travail pour les administrations fiscales, Pierre Gramegna mettant par ailleurs en avant la durée de vie généralement très limitée des rulings. Enfin, il a jugé que le fait que la Commission n’ait finalement accès qu’à des informations réduites, ce que l’institution a d’ailleurs accepté, était "un bon compromis" car il s’agit de pouvoir "garder une certaine confidentialité" dans le domaine des rulings.

Plusieurs autres députés, Michael Theurer (ADLE) et Fabio De Masi (GUE/NGL) notamment, se sont également inquiétés de l’absence de prise en compte des propositions du Parlement dans ce contexte. Pierre Gramegna a rappelé à cet égard que la directive pourrait faire l’objet d’adaptations dans le temps "qui prennent en compte certaines des propositions" du Parlement, notamment dans le contexte du projet BEPS de l’OCDE sur l’optimisation fiscale agressive.

Prenant note des "frustrations" exprimées par le Parlement, le ministre luxembourgeois a néanmoins rappelé que la fiscalité était "au cœur de la souveraineté" et qu’elle nécessitait donc l’unanimité des Etats membres. Il a par ailleurs appelé le Parlement européen "à jeter un nouveau regard" sur le domaine dans le contexte de la "conclusion réussie" de l’initiative BEPS qui a permis des "progrès remarquables" et porté le sujet au centre des priorités mondiales. "Il est de l’intérêt de l’UE qu’elle n’avance pas seule dans domaine fiscalité internationale", a poursuivi Pierre Gramegna selon lequel il faut faire très attention lorsque l’on soumet des propositions qui veulent aller plus loin que BEPS.

L’Union bancaire a été une autre source de critiques de certains parlementaires. Alors que les Etats membres se sont accordés sur un financement-relais du Fonds de résolution unique (FRU) permettant au Mécanisme de résolution unique (MRU) d’être opérationnel au 1er janvier 2016, Elisa Ferreira (S&D) a déploré que ce financement viole les engagements précédents des Etats membres. Selon elle, le choix de lignes de crédit nationales plutôt qu’un financement commun (à travers le Mécanisme européen de stabilité) "réintroduit le lien entre banques et souverain", a estimé la députée qui s’est interrogée sur la loyauté de la parole du Conseil.

"Il est vrai que cela ne respecte pas l’esprit qui sous-tend l’Union bancaire [et] que le cercle vicieux entre souverain et banques n’est pas brisé", a convenu Pierre Gramegna qui a néanmoins souligné que dans ce domaine un accord nécessitait l’aval de tous les Etats membres et que celui qui avait été obtenu était "mieux que rien" pour "des raisons de crédibilité". Selon le ministre, les Etats membres ont bel et bien convenu de mettre en place un filet de sécurité commun à l’avenir, mais certains Etats membres ont jugé qu’il était trop tôt pour le faire alors qu’une évolution vers davantage de partage de risque nécessitera de réaliser une diminution des risques en parallèle, a-t-il répété. "Les incitations pour les pays à remplir leurs obligations seraient moindres avec la mise en place immédiate d’un filet européen commun", a-t-il encore souligné.