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Economie, finances et monnaie
La surveillance des agences de notation de crédit reste perfectible, estime la Cour des Comptes de l’UE
01-02-2016


cour comptesSelon un nouveau rapport publié le 1er février 2016 par la Cour des comptes européenne, l'autorité mise en place par l'UE dans le sillage de la crise financière de 2008, l’AEMF ou ESMA, pour surveiller les agences de notation de crédit a jeté des bases solides, mais des risques non négligeables subsistent.

La crise financière mondiale de 2008 a focalisé l’attention sur le rôle des agences de notation de crédit et sur l’impact des notations qu’elles attribuent sur les marchés financiers. Les activités de ces agences, qui étaient à peine réglementées en Europe à l’époque, se sont alors retrouvées à l’agenda législatif de l’UE.

L’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a été instituée le 1er janvier 2011. L’une de ses principales missions consiste à réglementer les agences de notation de crédit enregistrées dans l’Union. À cette fin, l’AEMF a été dotée de pouvoirs exclusifs concernant leur enregistrement, le suivi de leur performance et la prise de décisions en matière de surveillance. À l’heure actuelle, elle surveille 23 agences de notation enregistrées dans l’UE.

L’AEMF a-t-elle réussi à s’ériger en contrôleur des agences de notation de crédit présentes dans l’UE?

La conclusion générale de la Cour des Comptes européenne est qu’en peu de temps, elle est parvenue à jeter des bases solides pour assurer la surveillance des agences de notation dans l’Union. «Les notations de crédit constituent des informations importantes pour les investisseurs et les acteurs des marchés boursiers, au point qu'ils en oublient parfois de faire preuve d'une vigilance appropriée», a déclaré M. Baudilio Tomé Muguruza, le membre de la Cour des comptes européenne responsable du rapport. «La surveillance des agences de notation de crédit opérant dans l'UE reste par ailleurs perfectible.»

L’AEMF a repris l’enregistrement des agences de notation de crédit, auparavant assuré par les autorités compétentes nationales, et a réussi à réduire la durée moyenne de ce processus d’enregistrement. Ce dernier reste toutefois compliqué en raison du cadre réglementaire actuel.

Les méthodes de notation de crédit doivent être rigoureuses, systématiques, sans discontinuités et pouvoir être validées. Or, les documents de l’AEMF relatifs au processus d’enregistrement et contrôlés par la Cour étaient principalement axés sur la rigueur de ces méthodes. En outre, étant donné que le règlement sur les agences de notation ne définit pas clairement les critères méthodologiques, l’AEMF rencontre des difficultés supplémentaires lorsqu’il s’agit de les interpréter et de dégager un consensus à leur sujet avec les agences de notation.

Les règles actuelles de l’Eurosystème ne garantissent pas que toutes les agences de notation enregistrées par l’AEMF soient mises sur un pied d’égalité. L’Eurosystème n’accepte que les notations émises par quatre agences enregistrées par l’AEMF comme organismes externes d’évaluation du crédit dans le cadre du dispositif d’évaluation du crédit de l’Eurosystème, en l’occurrence Standard and Poor's, Moody's, Fitch et DBRS, jamais cités explicitement en tant que tels par le rapport, ce qui a pour effet de créer un double marché et de défavoriser les petites agences.

L’AEMF suit une procédure bien établie pour recenser les risques. Cependant, compte tenu de l’absence de documentation écrite, il était pour les auditeurs de la Cour des Comptes européenne difficile de comprendre pourquoi la priorité attribuée à certains risques a été redéfinie. De même, il n’existe aucun document expliquant pourquoi l’AEMF a mené des enquêtes limitées dans certains domaines à haut risque.

Bien que l’AEMF fonde son approche en matière de surveillance sur des bases solides, ses règles et ses orientations sont incomplètes, estime la Cour des Comptes européenne. Étant donné que les outils de documentation et de suivi interne sont plutôt rudimentaires, il n’est pas toujours possible de reconstituer l’historique des travaux réalisés en matière de surveillance continue ainsi que de l’analyse et des conclusions qui en découlent. La documentation relative à certaines étapes intermédiaires des enquêtes était également incomplète.

La Cour des Comptes a examiné la surveillance exercée par l’AEMF dans deux domaines: l’évaluation des méthodes et les conflits d’intérêts potentiels. Au cours de ses travaux de surveillance continue et de ses enquêtes, l’AEMF a évalué un certain nombre d’aspects sur la base des critères réglementaires. Cependant, la couverture assurée par ses activités de surveillance est encore incomplète et il subsiste des domaines qui pourraient faire l’objet d’un examen plus poussé à l’avenir.

Les informations publiées sont particulièrement importantes, parce qu’elles permettent aux investisseurs potentiels d’effectuer leur propre analyse avant de décider de se fier ou non aux notations de crédit. Dans le cadre de ses travaux de surveillance continue, l’AEMF a vérifié les informations générales publiées par les agences de notation. Elle a entamé leur évaluation transversale détaillée à la fin de l’année 2014.

Le CEREP, registre central en ligne de l’AEMF, n’a pas d’équivalent dans les autres systèmes réglementaires. Grâce à cette base de données, l’AEMF fournit des informations harmonisées et aisément accessibles sur la performance des notations attribuées par toutes les agences enregistrées et certifiées. La Cour des Comptes européenne s’est interrogée toutefois sur l’adéquation des statistiques synthétiques publiées et des contrôles effectués par l’AEMF concernant les données transmises au CEREP.

Dans son rapport, la Cour des comptes européenne recommande à l'AEMF:

  • de documenter de manière appropriée son évaluation des exigences réglementaires relatives aux méthodes de notation de crédit au cours de l'enregistrement;

  • de renforcer la traçabilité du processus de recensement des risques et d'assurer un suivi dans tous les domaines à haut risque;

  • d'actualiser en permanence son manuel et son guide sur la surveillance, et d'établir des orientations internes pour documenter efficacement les enquêtes;

  • de mettre en œuvre un outil informatique spécifique pour les activités de surveillance, afin d'améliorer le partage des connaissances, et de préciser qui est responsable des différentes tâches;

  • d'examiner tous les aspects importants de la conception et de la mise en œuvre des méthodes non encore couvertes;

  • d'examiner les systèmes mis en place par les agences de notation pour traiter les conflits d'intérêts – notamment ceux liés aux activités de négociation de leurs analystes – et de tester l'exactitude des informations fournies par ces agences à ce sujet;

  • d'envisager d'élaborer des orientations supplémentaires sur les exigences relatives aux publications;

  • de vérifier et d'améliorer le contenu des informations publiées dans le registre central sur la base des meilleures pratiques en matière de publication de la performance des notations de crédit;

  • de publier toutes les dispositions législatives applicables et les documents pertinents et d'améliorer la convivialité de son site web.