L'UE doit surmonter ses peurs et divisions paralysantes et gérer les migrations et les flux de réfugiés efficacement, ont déclaré de nombreux eurodéputés le 2 février 2016 lors d’un débat en session plénière à Strasbourg sur la situation migratoire dans l'Union européenne (UE). Au cours de la discussion qui a duré cinq heures, les députés européens ont reconnu que protéger efficacement les frontières extérieures de l'UE était vital pour sauvegarder l'espace Schengen. Certains ont également appelé à la tolérance zéro envers les attaques racistes et violentes contre les migrants et réfugiés. Ils ont par ailleurs souligné la nécessité de respecter le principe de non-refoulement et examiné comment le mécanisme d'aide aux réfugiés en Turquie devrait être financé, note le Parlement européen dans un communiqué de presse.
Le ministre néerlandais des affaires étrangères Bert Koenders, a déclaré au nom de la Présidence du Conseil de l’UE, que le flux de migrants "doit être réduit". À cette fin, les mesures déjà convenues doivent être mises en œuvre, notamment en matière de réinstallation et de centres d'accueil (hotspots). Pour lui, le principe de non-refoulement des migrants reste un principe phare dans l'UE, alors que les arrivées de migrants étaient en moyenne au nombre de 2 000 par jour en janvier selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Des progrès sont réalisés, a –t-il souligné, mais la Grèce et l'Italie ont encore été priées de fournir des efforts en la matière. Seulement "400 personnes ont été relocalisées jusqu'ici, ce n'est pas assez", a dit le ministre, expliquant qu'il n'y avait pas assez de volontaires et que la Présidence néerlandaise avait entamé cette semaine des discussions avec les États membres, en particulier avec les pays les plus réfractaires, pour les inciter à s'engager davantage, indique l’Agence Europe dans une dépêche.
Le commissaire européen en à la Migration, aux Affaires intérieures et à la Citoyenneté, Dimitris Avramopoulos, a pour sa part reconnu que "peu de progrès" ont été réalisés jusqu'à présent au niveau des États membres en ''ligne de front'' et de tous les autres. La liste des choses à faire est longue : relocalisation, réinstallation, hotspots, retours, a-t-il cité. Concernant Schengen, "la Commission se prépare à toutes les options (...) mais il ne s'agit pas de la fin de Schengen ou d'en faire sortir un État membre", a-t-il dit.
Parallèlement au débat, le Collège des commissaires a adopté à Strasbourg un rapport d’évaluation Schengen concernant la Grèce ainsi qu’une proposition de recommandation du Conseil pour remédier aux manquements graves par la Grèce aux règles de Schengen dans le domaine de la gestion des frontières extérieures (détails ci-dessous). Dans un projet de rapport établi suite à une mission réalisée en novembre 2015 en Grèce dans le cadre du mécanisme d’évaluation de Schengen, la Commission européenne avait affirmé, le 27 janvier 2016, que la Grèce était responsable de "graves manquements dans la gestion de ses frontières extérieures" et que ce pays "néglige[ait] gravement ses obligations" dans le contexte de la crise migratoire et des réfugiés.
Pour le chef de file du PPE, Manfred Weber, "il n'y a pas un manque d'idées, mais une situation de blocage au Conseil, mais aussi dans cette Chambre, (...) une fracture que nous devons surmonter afin de préserver Schengen." Il a souligné que l'UE a besoin d'une surveillance efficace de ses frontières, de soutenir ses autorités et de permettre à Frontex d'accéder au système d'information Schengen. "Nous attendons de ceux qui sont hébergés et protégés dans les pays européens, d'y respecter les cultures et les lois", a-t-il ajouté, faisant référence aux incidents du Nouvel An à Cologne.
Le député luxembourgeois Frank Engel (PPE) a pour sa part mis en garde contre une montée des populismes, indiquant que certains gouvernements ne se sentaient pas concernés par la situation et que d’autres refusaient d’agir. Pour lui, le Conseil et les Etats membres n’arrivent pas à se doter d’une marche à suivre et à agir pour protéger nos frontières extérieures. " Nos frontières extérieures sont des frontières communes, elles appartiennent à tout le monde", a-t-il dit.
Le président du groupe S&D, Gianni Pittella a pour sa part déclaré qu’un virus contaminait l'Europe, "le virus de la peur", et que celui-ci empêche l'UE de "prendre les bonnes décisions et menace de la détruire". Gianni Pittella a mis en garde contre une augmentation des flux de migrants au printemps et a souligné la situation particulièrement risquée des enfants dans cette situation.
Pour Syed Kamall du groupe ECR, "nous ne disposons pas de mois ou d'années pour réécrire les règles européennes, mais seulement de quelques semaines". "Si les États membres ne parviennent pas à gérer leurs frontières [...], ne soyez pas surpris si d'autres veulent vous mettre hors-jeu", a-t-il lancé aux institutions européennes, ajoutant que "Schengen ne doit pas être réécrit, mais doit mieux fonctionner".
Le président du groupe ADLE, Guy Verhofstadt, a instamment invité la Présidence néerlandaise du Conseil à agir, conformément à l'article 78 TFUE relatif à l’asile et à la protection internationale, à contrôler les frontières extérieures de l'UE et à mettre sur pied une force de réaction rapide. "L'Europe doit faire son travail", a-t-il dit, soulignant que la décision d'agir pourrait être prise lors du prochain Conseil européen les 18 et 19 février.
"La gestion de la crise des réfugiés nécessite une coopération accrue, et non un choix à la carte par certains États membres qui mettent les décisions communes en question", a expliqué Dimitrios Papadimoulis des GUE/NGL. Il a fait remarquer que seulement 400 des 160 000 réfugiés arrivés en Grèce et en Italie ont été relocalisés à ce jour.
Rebecca Harms, chef de file des Verts/ALE, a convenu qu'une meilleure gestion des frontières était nécessaire, mais a aussi précisé qu'il fallait davantage soutenir les réfugiés en Turquie afin de garantir plus que leur simple survie.
Enfin, Laura Ferrara du groupe EFDD a souligné que "la gouvernance de l'UE en matière de migration est un échec total [...] et est aux antipodes de la solidarité".
Le rapport d'évaluation sur la situation migratoire de la Grèce et la façon dont elle gère les frontières extérieures de l'UE a justement été adopté à Strasbourg le 2 février 2016, après que la Commission avait reçu le feu vert du comité d'évaluation Schengen le 29 janvier. Une proposition de recommandation du Conseil pour remédier aux manquements graves constatés dans le rapport d’évaluation de l’application a également été adoptée, recommandations qui doivent encore obtenir l’aval du Conseil.
Les recommandations à la Grèce portent sur plusieurs domaines tels que l’amélioration de la procédure d’enregistrement (prises d’empreintes digitales, vérification de l’identité des migrants ainsi que de leurs documents de voyage par rapport à ceux des bases de données de SIS, d’Interpol et des bases de données nationales).
La Grèce devrait également fournir les installations d’hébergement nécessaires pendant la procédure d’enregistrement et lancer des procédures de retour pour les migrants en situation irrégulière qui ne sont pas demandeurs d’asile ni n’ont besoin d’une protection internationale, indique en outre le communiqué de presse de la Commission.
La surveillance des frontières devrait être améliorée, notamment par la mise en place d’un système d’analyse des risques et l’accroissement des formations à l'intention des garde-frontières. Des améliorations devraient également être apportées aux infrastructures et aux équipements aux points de passage frontaliers.
La Commission explique que pour garantir le respect de ces recommandations, elle peut, en vertu de l’article 19 bis du code frontières Schengen, recommander à l’État membre évalué de prendre certaines mesures spécifiques, lesquelles peuvent comprendre le déploiement d’équipes européennes de garde-frontières ou la présentation d’un plan stratégique définissant les modalités de déploiement, par cet État membre, de son personnel et de ses équipements propres pour répondre à ces préoccupations.
Par ailleurs, si, trois mois après l'adoption des recommandations du Conseil, des manquements graves persistent et si les mesures prises s’avèrent insuffisantes pour y remédier correctement, la Commission peut déclencher l’application de la procédure prévue à l’article 26 du code frontières Schengen.
En vertu de cette disposition, si les mesures prévues à l’article 19 bis ne sont pas efficaces, le Conseil peut en dernier recours, sur la base d’une proposition de la Commission, recommander à un ou plusieurs États membres de réintroduire les contrôles frontaliers à toutes leurs frontières intérieures ou sur des tronçons spécifiques de celles-ci, afin de protéger l’intérêt commun de l’espace Schengen. La recommandation du Conseil doit être adoptée à la majorité qualifiée.
En vertu de l’article 26, et dans les circonstances exceptionnelles décrites ci-dessus, les contrôles peuvent être réintroduits pour une durée n'excédant pas six mois. Cette mesure peut être prolongée par période supplémentaire de six mois, pour une durée maximale de deux ans.