Le 3 février 2016, le Parlement européen réuni en plénière a adopté par 337 voix pour, 286 contre et 73 abstentions, une résolution déposée par les groupes S&D, ALDE, GUE/NGL et Verts/ALE, appelant la Commission européenne à présenter une nouvelle stratégie en matière d’égalité des genres et des droits des femmes pour la période 2016-2020, et à respecter ses engagements en la matière.
Les députés estiment en effet que l'ancienne stratégie de la Commission (2010-2015) n'est pas suffisamment exhaustive pour contribuer à l'égalité des genres aux niveaux européen et international.
Pour mémoire, la stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2010-2015 établit le programme de travail de la Commission en matière d'égalité entre les genres. Il s'agit d'un cadre global à travers lequel la Commission s'engage à promouvoir l'égalité des genres dans toutes ses politiques. Chaque année, les progrès réalisés sont consignés et présentés dans un Rapport sur l'égalité entre les hommes et les femmes.
Aux yeux des eurodéputés, une nouvelle stratégie devrait insuffler un élan nouveau et arrêter des mesures concrètes pour renforcer les droits des femmes et promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes. La communication devrait répondre aux enjeux en matière d'égalité hommes-femmes, tout en étant conforme au programme fixé au niveau international, ajoutent les députés.
Dans sa résolution du 9 juin 2015, le Parlement avait déjà appelé à une nouvelle stratégie pour l'égalité des genres et les droits des femmes pour l'après-2015. Le Conseil avait lui aussi plaidé pour un tel renouvellement, lors du Conseil EPSCO du l7 décembre 2015.
Depuis lors, la Commission a seulement présenté un document de travail de ses services - qui selon les eurodéputés n'a aucune valeur interinstitutionnelle - en faveur d'un "engagement stratégique pour l'égalité hommes-femmes 2016-2019". Ce document "interne de moindre importance" limite la durée des actions proposées, font remarquer les députés qui déplorent également l'absence de critères concrets et d'un budget spécifique.
Si le Parlement salue le fait que la Commission ait publié en août 2015 sa feuille de route, intitulée "Nouveau départ pour relever les défis de l'équilibre travail-vie privée rencontrés par les familles qui travaillent" - qui contient des propositions législatives et non législatives, il regrette cependant que le 7 décembre, le Conseil EPSCO n'ait pas pu s’accorder sur une position officielle sur la directive relative à la présence des femmes dans les conseils d'administration.
"Un document de travail, qui ne nécessite pas l'approbation du Collège des commissaires, ne répond pas aux engagements politiques", a déclaré l’eurodéputée et rapporteur Garcia Perez (S&D), présidente de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres. "Il ne fournit pas non plus de budget spécifique ni de critères concrets, rendant par conséquent impossible toute évaluation des progrès accomplis pour répondre aux objectifs", a-t-elle ajouté.
Le commissaire européen en charge de la Santé, Vytenis Povilas Andriukaitis, a souligné que le document de travail de la Commission constitue "la position officielle du collège des commissaires". "Cela est établi dans son programme de travail 2016 : la Commission s’engage dans un travail pratique pour promouvoir l’égalité des genres", a-t-il indiqué. Il a défendu le document de la Commission en rappelant l’engagement de celle-ci à "mieux légiférer", en recentrant ses activités et ses instruments.
Vytenis Povilas Andriukaitis a ensuite rappelé les domaines d’action prioritaires dans l'engagement stratégique de la Commission :
"Il y a plus de 30 actions clés à mettre en œuvre dans chacun des cinq domaines prioritaires identifiés, ainsi que des objectifs et des échéances pour ces actions, des responsabilités définies dans les services de la Commission et des fonds disponibles pour appuyer les progrès", a indiqué le commissaire. Il estime ainsi que le document de la Commission constitue "une base pour des actions en matière d’égalité des genres dans les prochaines années". Par ailleurs, ce document couvre selon lui les questions clés identifiées par le Parlement européen dans sa résolution de juin 2015.
"Ce qui compte, c'est la volonté politique, l'engagement, l'intensité avec lesquels sont identifiés un certain nombre de domaines d'action ainsi que des processus, des méthodes, de la méthodologie", a déclaré l’eurodéputée Constance Le Grip au nom du groupe PPE, dont la résolution a été rejetée par les eurodéputés. "Dans cette perspective, la méthodologie, les domaines d'action, les engagements publiés par la Commission européenne, par la commissaire Jourová, dans le document de travail correspondent exactement aux priorités et aux préoccupations du groupe PPE", a-t-elle ajouté. Et de souligner la nécessité d’une approche "concrète, pragmatique, efficace, opérationnelle, à travers des objectifs quantifiables, mesurables, des procédures d'évaluation", et sur la nécessité de "bien transposer, de bien mettre en œuvre la législation existante avant que d'envisager d'éventuelles nouvelles propositions législatives".
Au nom du groupe S&D, l’eurodéputée Maria Noichl a invoqué l’appui du Parlement européen, des Etats membres et des citoyens de l’UE pour appeler la Commission européenne à lancer une nouvelle stratégie. Elle a rejeté invoquée par la Commission selon laquelle un document de travail interne équivaut à une stratégie ou une communication. "Ce document qu’ils nous présentent est plus faible, si bien que le sujet de l’égalité des genres subit de ce fait même une dévaluation", a-t-elle regretté. "Nous voulons une stratégie, et nous la voulons maintenant", a-t-elle lancé.
Au nom du groupe ECR, l’eurodéputée Jadwiga Wiśniewska a critiqué "les questions de genre idéologiques promues par la gauche", risquant de créer des situations où "les familles traditionnelles peuvent se sentir discriminées", étant qualifiée comme "obsolètes". "Le nombre de textes antidiscriminatoires adoptés par le Parlement européen est énorme, si bien qu’il est inutile d’en adopter davantage", a-t-elle ajouté, avant d’indiquer que son groupe s’opposait aux résolutions proposées par "la gauche".
L’eurodéputée Angelika Mlinar, coordinatrice pour l'ALDE au sein de la commission FEMM, s’est dite déçue "de constater que la Commission estime que l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'UE ne mérite que l'établissement d'un document de travail interne plutôt qu'une stratégie globale appropriée". "Les droits de plus de la moitié de la population de l'UE ne sont pas respectés. La lutte contre l'inégalité se résume-t-elle à une question de bureaucratie ?", a-t-elle lancé ?
Au nom du groupe GUE/NGL, l’eurodéputée Malin Björk a souligné l’importance de la mise en place d’une nouvelle stratégie d’égalité au vu des inégalités de genre dans l’accès au pouvoir et aux ressources, "Nous avons besoin d’une vision politique et d’engagements concrets", a-t-elle déclaré, appelant l’Europe à "aller de l’avant" en abandonnant "le joug patriarcal".
"Le retrait de la directive sur le congé de maternité et le report de la directive relative à la présence des femmes dans les conseils d’administration ne sont que deux des très nombreux développements frustrants et alarmants auxquels nous assistions", a déclaré l’eurodéputée Terry Reintke au nom du groupe des Verts/ALE. Et d’appeler la Commission à compléter "les droits des femmes, un travail inachevé du 21e siècle".