Le 29 avril 2016, après un débat marathon à la Chambre les trois jours précédents, et deux rencontres avec les partenaires sociaux au sein du Conseil économique et social (CES) en janvier et mars 2016, le gouvernement luxembourgeois a présenté le Programme national de réforme ou PNR du Luxembourg dans le cadre du semestre européen 2016.
Il se base sur les objectifs nationaux formulés dans le cadre de la stratégie Europe 2020, dont il fait le bilan, et tient compte des priorités de l'Examen annuel de la croissance 2015 de la Commission européenne, des recommandations 2015-2016 du Conseil à l’égard du Luxembourg et des recommandations spécifiques à l’attention de la zone euro. Il répond finalement aux principales conclusions contenues dans le rapport 2016 sur le Luxembourg, que la Commission européenne a publié fin février 2016.
Pour le gouvernement, "l’ensemble coordonné des mesures comprises dans le PNR, accompagnées d’une politique budgétaire responsable, ainsi que le renforcement de la gouvernance au niveau national, devraient permettre au pays de consolider les fondements d’une croissance intelligente, durable et inclusive à moyen et long terme".
En juillet 2015, le Conseil avait adressé au Luxembourg trois recommandations pour la période 2015-2016.
Pour élargir l’assiette fiscale, le gouvernement a augmenté à partir de janvier 2015 les taux de TVA normal, intermédiaire et réduit, respectivement de 15 % à 17 %, de 12 % à 14 % de 6 % à 8 %. En vue d’élargir l’assiette fiscale, le gouvernement a aussi étendu le nouveau taux de TVA normal de 17 % aux boissons alcoolisées servies dans les établissements de restauration et à tous les investissements immobiliers (sauf ceux qui sont effectués au titre d’une résidence principale), au lieu du taux super-réduit de 3 %. En ce qui concerne plus particulièrement la fiscalité sur les produits énergétiques dans le transport, le gouvernement a aussi augmenté l’imposition des produits énergétiques utilisés dans les transports en procédant à une hausse du taux de TVA de 15 % à 17 %. Finalement, le gouvernement a présenté fin février 2016 les éléments d’une réforme fiscale qui devrait entrer en vigueur en 2017.
Pour combler l'écart entre l'âge légal et l'âge effectif de départ à la retraite, une réforme des pensions est entrée en vigueur au 1er janvier 2013, ayant notamment pour objet d’aligner le taux de remplacement à l’espérance de vie et de prévoir des mécanismes régulateurs en cas de ressources financières insuffisantes. Le gouvernement procédera à une première évaluation de l’impact de la réforme au cours de l’année 2016.
Dans un souci de prolonger la vie active des assurés, le gouvernement a procédé à une réforme du régime du reclassement professionnel en cas d’incapacité partielle de travail. En août 2015, le gouvernement a déposé un projet de loi portant modification des régimes de préretraite (solidarité, progressive et préretraite des salariés postés et des salariés de nuit, sauf ajustement). Cette réforme vise à cibler davantage les salariés qui exercent un travail difficile, et tient donc mieux compte des conditions de travail des salariés, tout en promouvant le maintien dans la vie active des personnes âgées.
La gestion de la pyramide des âges au sein d’une entreprise étant un facteur clé pour le maintien dans la vie active des personnes âgées, le gouvernement a pris l’initiative d’élaborer un dispositif législatif en la matière, tout en préservant une large marge de manœuvre aux partenaires sociaux afin de pouvoir tenir compte des spécificités sectorielles, voire permettre des approches tenant compte des problèmes spécifiques d’une entreprise individuelle.
Finalement, afin de soutenir et d’améliorer la formation tout au long de la vie (LLL), facteur clé pour le maintien des salariés en emploi, notamment les plus âgés, le gouvernement continuera de mettre progressivement en œuvre les mesures du livre blanc sur la stratégie nationale de la formation tout au long de la vie.
En ce qui concerne la réforme du système de formation des salaires, le gouvernement avait décidé dès décembre 2011 une modulation de l’indexation automatique des salaires. Suite au ralentissement de l’inflation, il n’y a pas eu d’adaptation des salaires depuis octobre 2013. Par ailleurs, dans son programme gouvernemental de fin 2013, le gouvernement a stipulé que le principe de l’indexation automatique resterait intact. Cependant, le gouvernement a déclaré que, s’il devait y avoir une remontée de l’inflation dans un contexte économique difficile, le système d’indexation serait à nouveau modulé. En principe, entre deux adaptations des salaires et traitements à l’indice des prix à la consommation, il devra s’écouler 12 mois en moyenne au cours de la période allant de juillet 2014 à juillet 2018. Vu les prévisions sur l'évolution des prix, la prochaine adaptation automatique des salaires et traitements pourrait avoir lieu entre le 4e trimestre 2016 et le 2e trimestre 2017. Cela signifierait qu’aucune indexation automatique n’aurait finalement eu lieu au Luxembourg pendant environ trois ans, à savoir depuis octobre 2013.
Le Conseil européen de juin 2010 a arrêté la mise au point de la nouvelle stratégie Europe 2020 et a confirmé cinq grands objectifs de l'UE qui constitueront des objectifs communs pour ce qui est de favoriser l'emploi, d'améliorer les conditions de l'innovation et de la recherche et développement (R&D), d'atteindre les objectifs dans le domaine du changement climatique et de l'énergie, d'améliorer les niveaux d'éducation et de favoriser l'inclusion sociale, en particulier en réduisant la pauvreté. Chaque Etat membre a dû définir ses objectifs nationaux traduisant ces objectifs européens. Dans le cadre de son PNR, le Luxembourg arrête ses objectifs nationaux pour 2015/2020 et une série de mesures pour la mise en œuvre.
L’objectif du Luxembourg en matière de taux d’emploi à atteindre en 2020 est fixé à 73 %, contre 75 % dans l’UE. À mi-parcours de la stratégie Europe 2020, en 2015, le Luxembourg avait visé d’atteindre un taux d’emploi autour de 71,5 %. Suivant les dernières données disponibles, le Luxembourg s’est fortement rapproché de cette cible intermédiaire avec un taux d’emploi de 70,9 % pour l’année 2015. L’accroissement du taux d’emploi ces dernières années est aussi dû à une plus forte participation des femmes sur le marché du travail. Ainsi, le taux d’emploi des femmes est passé de 58,4 % en 2005 à 65 % en 2015. Pour y arriver, les efforts du gouvernement ont porté et porteront particulièrement sur le soutien à l’insertion professionnelle des demandeurs d’emploi en ciblant les populations vulnérables, notamment les jeunes, les femmes, les séniors et les personnes à besoins spécifiques : stages de professionnalisation, contrats de réinsertion-emploi, parcours personnalisé pour les demandeurs d’emploi, programme "Entreprises, partenaires pour l’emploi" porté par l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), le gouvernement et l’ADEM, pour recruter 5.000 demandeurs d’emploi supplémentaires sur la période 2015-2017, modification du congé parental pour mieux prendre en compte les besoins spécifiques des hommes et des femmes qui travaillent et qui désirent s’occuper de leur enfant, une politique ferme en faveur d’une représentation équilibrée entre femmes et hommes au niveau de la prise de décision. Enfin, la mise en œuvre des mesures et actions développées en faveur d’une insertion professionnelle durable, du maintien dans la vie active et de l’inclusion sociale est soutenue par le programme opérationnel 2014-2020 du Fonds social européen (FSE).
Dans le cadre de la stratégie Europe 2020, le Luxembourg s’est engagé à intensifier son soutien à la recherche et l’innovation et de porter comme objectif ses investissements à un montant se situant dans une fourchette de 2,3 % à 2,6 % du PIB en 2020, dont environ un tiers (0,7 % à 0,9 % du PIB) proviendra de la recherche publique. L’objectif européen est de 3 %.
L’évolution des budgets de l’Etat en faveur de la RDI, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, n’a cessé de croître en passant de 23,6 millions d’euros en 2000 (0,10 % du PIB) à 382,1 millions en 2015 (0,73 % du PIB). La crise économique et financière des dernières années a cependant eu comme conséquence un impact négatif important sur les dépenses de la R&D privée au Luxembourg, qui a baissé à 0,66 %. Une analyse approfondie montre que la baisse des dépenses de la R&D privée semble la plus prononcée dans le secteur des activités financières et d'assurance. Les dépenses du secteur public ont elles continuellement augmenté. L’intensité R&D publique se situe avec 0,59 % désormais proche de l’objectif national (0,7 % à 0,9 % du PIB). A noter que la part de la recherche publique au Luxembourg est passée de 7,5 % de la totalité des dépenses (2000) à presque 48 % (2014). Mais avec seulement 1,25 % du PIB d’investissements privés et publics cumulés dans la R&D, le résultat est largement en-deçà de l’objectif national.
L’objectif européen est de "réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport aux niveaux de 1990, faire passer à 20 % la part des sources d'énergie renouvelable dans notre consommation finale d'énergie et s'acheminer vers une augmentation de 20 % de notre efficacité énergétique". L’objectif national particulier en matière d’énergies renouvelables est de 11 % dans la consommation finale d’énergie en 2020.
Selon la Commission, des efforts supplémentaires sont nécessaires dans les domaines suivants: les émissions de gaz à effet de serre, dans la mesure où les projections nationales et les mesures existantes donnent à penser que l’objectif de -20 % pour 2020 ne sera pas atteint ; les énergies renouvelables, où le risque existe de ne pas atteindre l’objectif national concernant les énergies renouvelables, bien que le taux ait doublé au fil des années.
Dans les explications qu’il a données aux députés le 27 mars, le vice-premier ministre et ministre de l’Economie, Etienne Schneider, a mis en avant les effets de la forte croissance économique, mais aussi de la très forte croissance démographique du Luxembourg sur la consommation en énergie et l’émission de gaz à effet de serre. Ce n’est qu’à partir de 2018 que le Luxembourg devrait enregistrer un "déficit d’émissions" par rapport à ses allocations annuelles de quotas d’émissions ou AAQE.
Dans le domaine des transports, le Luxembourg vise néanmoins "un véritable changement de paradigme grâce à la mise en œuvre d’actions et de projets au niveau national et transfrontalier avec sa stratégie globale pour une mobilité durable (MoDu), publiée en 2012. Il veut également développer le trafic transfrontalier en faveur des transports alternatifs. Il a mis en place un calendrier pour renforcer progressivement les exigences en matière de performance énergétique pour les nouveaux bâtiments d’habitation. Une mise à jour de l’étude sur le potentiel d’énergies renouvelables sera finalisée courant 2016. En ce qui concerne la fiscalité sur les produits énergétiques dans le transport, le gouvernement a décidé une hausse du taux de TVA normal de 15 % à 17 % à partir de janvier 2015, et a présenté fin février 2016 les premiers éléments d’une réforme fiscale dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2017.
La part des énergies renouvelables dans la consommation finale atteint 4,54 % en 2014. En ce qui concerne le respect de la trajectoire, le Luxembourg a dépassé son objectif de 3,93 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale, avec la réalisation d’un taux moyen de 4,1 % pour les années 2013 et 2014. Le plan d’action national en matière d’énergies renouvelables prévoit trois domaines pour la réalisation de l’objectif national en la matière :
En matière d’efficacité énergétique, le Luxembourg s’est donné comme objectif pour l’année 2020 que la consommation annuelle d’énergie finale ne dépasse pas les 49.292 GWh, soit 4.239,2 ktoe (52.111 GWh ou 4.481,6 ktoe en termes d’énergie primaire). Il s’est aussi donné un objectif d’économies d’énergies de 5.993 GWh à réaliser d’ici le 31 décembre 2020, qu’il entend réaliser par le biais d’un mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique mis en place en 2015. Bien que l’objectif d’économies d’énergie ne soit pas lié à l’objectif d’efficacité énergétique, dans le sens qu’il est totalement indépendant de la variation de la consommation annuelle d’énergie finale, le mécanisme d’obligations en matière d’efficacité est l’un des instruments principaux devant contribuer à la réalisation de l’objectif d’efficacité énergétique.
Les autres mesures touchent à la performance énergétique des bâtiments d’habitation et fonctionnels. Le gouvernement a également élaboré une stratégie à long terme pour mobiliser les investissements publics et privés dans la rénovation du parc national de bâtiments à usage résidentiel et commercial. Le gouvernement a également établi un inventaire des bâtiments chauffés et/ou refroidis appartenant au gouvernement central et ayant une surface au sol utile totale supérieure à 500 m2 dans le cadre d’une stratégie d’assainissement énergétique du patrimoine de l’Etat avec l’objectif de faire augmenter la performance énergétique à travers la rénovation annuelle de 3 % de la surface au sol totale des bâtiments en question.
En matière de cogénération, le gouvernement favorise le développement de la cogénération à base d’énergies renouvelables prioritairement par rapport à celle basée sur des sources d’énergie fossiles.
Les nouvelles lois sur l’organisation du marché de l’électricité et du gaz naturel ont été publiées en juin 2015. Les systèmes intelligents de comptage, définissant un cadre et un calendrier pour le déploiement d’une infrastructure nationale commune et interopérable de comptage intelligent, qui favorisent la participation active des consommateurs aux marchés du gaz naturel et de l’électricité, basée sur un système central commun permettant la communication des données par un seul système commun pour au moins l'électricité et le gaz naturel, ont été introduits dans les textes législatifs. Le début de ce déploiement généralisé, initialement prévu pour juillet 2015, a été décalé d’une année. Au 31 décembre 2019 pour l’électricité, et au 31 décembre 2020 pour le gaz naturel, au moins 95 % des clients finaux d’électricité et 90 % des clients finaux de gaz naturel doivent être équipés d’un tel système de comptage intelligent.
L’ objectif européen est double, "améliorer les niveaux d'éducation, en particulier en s'attachant à réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10 % et en portant à 40 % au moins la proportion de personnes âgées de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur ou atteint un niveau d'études équivalent".
Le gouvernement s’est rallié aux critères de référence européens et se propose comme objectif de maintenir durablement le décrochage scolaire en dessous de 10 %. En 2014, le Luxembourg a affiché un taux de décrochage scolaire moyen de 6,1 %. L’objectif est donc atteint de manière durable. Les mesures que le gouvernement a mis et est en train de mettre en place, coïncident avec les principales conclusions du symposium sur la lutte contre le décrochage scolaire que le Luxembourg a organisé en 2015 dans le cadre de sa présidence du Conseil de l’UE.
L’objectif national "enseignement supérieur" consiste à veiller à ce qu’à l’horizon 2020, 66 % de la population âgée entre 30 et 34 ans soit détentrice d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Cet objectif a été fixé au moment où deux emplois sur trois créés au Luxembourg requièrent une formation de type enseignement supérieur. Au fil des dernières années, ce taux de détention d’un diplôme de l’enseignement tertiaire a augmenté de 36 % en 2006 à plus de 50 % en 2015. Parmi les instruments pour atteindre l’objectif national, le gouvernement cite la mise en œuvre d’une réforme du régime des aides financières de l’Etat pour études supérieures par laquelle les enfants de travailleurs frontaliers deviennent éligibles. Etoffer l’offre des programmes publics et privés de l’enseignement supérieur constitue un autre moyen pour atteindre l’objectif national. Le gouvernement continue à mettre en œuvre une politique renforcée de l’enseignement supérieur et de la recherche en termes de moyens financiers. L’Université du Luxembourg s’est installée sur le site de Belval avant la rentrée académique 2015/16. Les investissements dans ces infrastructures d’enseignement supérieur et de recherche sur le site de Belval se poursuivent avec un investissement total de 800 millions d’euros de 2010-2019. Environ 7.000 étudiants et 3.000 enseignants et chercheurs sont prévus à moyen et long terme.
L’objectif européen est de "favoriser l'inclusion sociale, en particulier en réduisant la pauvreté, en s'attachant à ce que 20 millions de personnes au moins cessent d'être confrontées au risque de pauvreté et d'exclusion. Cette population est définie comme étant le nombre de personnes qui sont menacées par la pauvreté et l'exclusion au regard de trois indicateurs (risque de pauvreté, dénuement matériel et fait de vivre dans un ménage sans emploi), les États membres étant libres de fixer leurs objectifs nationaux sur la base des indicateurs qu'ils jugent les plus appropriés parmi ceux-ci."
Le gouvernement soutient cet objectif européen et s’est fixé comme objectif national une réduction du nombre de personnes menacées par la pauvreté ou d’exclusion sociale au Luxembourg de -6 000 personnes en 2020. Reste que le nombre de personnes en risque de pauvreté ou d’exclusion a augmenté à 19 %, contrairement à l’objectif national d’une diminution.
Le gouvernement soutient cet objectif par des mesures contribuant à augmenter notamment le taux d’emploi des femmes et celui des familles monoparentales, en vue d’atteindre un taux d’emploi de 73 % en 2020. L’accès à l’emploi crée les conditions pour favoriser l’inclusion sociale et constitue un rempart pour réagir contre la pauvreté et l’exclusion sociale, à la fois pour l’individu et pour la société en général. Le taux d’emploi est en augmentation au Luxembourg, ce qui est dû largement à l’augmentation du taux d’emploi féminin.
La Chambre des Députés a notamment été impliquée lors de la semaine du semestre européen autour de la déclaration du gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays qui a eu lieu fin avril 2016, avant la soumission du PNR et du PSC à la Commission européenne.
Les partenaires sociaux ont été impliqués dans le cadre du dialogue social national sous l’égide du Conseil économique et social (CES). En janvier 2016, une première réunion a inauguré le nouveau cycle annuel de concertation, et au cours de la deuxième réunion en mars 2016, les discussions ont notamment porté sur les principaux messages à tirer du rapport pays 2016 du Luxembourg publié fin février par la Commission européenne ainsi que les grandes priorités des nouveaux PNR et PSC. Des réunions additionnelles sont prévues en 2016, notamment après la publication en mai des nouvelles propositions de recommandations 2016-2017 de la Commission européenne.