Le Verein für Konsumenteninformation, une association de protection des consommateurs établie en Autriche, a introduit devant la justice autrichienne une action en cessation visant à faire interdire l’utilisation par Amazon EU, établie au Luxembourg, de clauses prétendument abusives figurant dans ses conditions générales de vente à l’égard des consommateurs résidant en Autriche. En particulier, cette association considère comme abusive la clause désignant, en tant que loi applicable, le droit luxembourgeois - lieu du siège d’Amazon. La juridiction autrichienne saisie du litige pose des questions à la Cour sur le droit applicable et sur le caractère abusif de cette clause.
Dans ses conclusions rendues le 2 juin 2016, l’avocat général Henrik SaugmandsgaardØe considère tout d’abord que, conformément au règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, c’est le droit autrichien qui doit s’appliquer pour apprécier si, dans le cadre d’une action visant à faire cesser l’utilisation de clauses abusives dans des contrats de consommation, les clauses concernées revêtent un caractère abusif ou non. En effet, il ressort de ce règlement que, dans le cadre de telles actions, le droit applicable est la loi du pays où les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés, c’est-à-dire, en l’occurrence l’Autriche. Il s’ensuit que la juridiction autrichienne devra apprécier le caractère abusif des clauses contestées sur la base du droit autrichien. L’avocat général précise que, lorsqu’il s’agit d’une action individuelle et non d’une action collective, le droit applicable pour examiner le caractère abusif de la clause est celui déterminé par le contrat (en l’occurrence, le droit luxembourgeois), étant entendu que le consommateur peut se prévaloir dans ce cas des règles impératives du pays de sa résidence.
S’agissant de savoir si la clause désignant le droit luxembourgeois comme loi applicable revêt un caractère abusif en tant que tel, l’avocat général considère qu’une telle clause ne peut être considérée comme abusive que si elle engendre un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. À cet égard, il rappelle que la clause doit être rédigée de manière claire et transparente, si bien qu’elle ne doit pas, selon lui, induire en erreur le consommateur moyen quant au contenu de ses droits. Or, l’avocat général considère que la clause litigieuse induit le consommateur en erreur du fait qu’elle lui donne l’impression que seul le droit luxembourgeois est applicable au contrat, alors que le règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles dispose clairement que le consommateur peut toujours invoquer les règles impératives du pays de sa résidence (en l’occurrence, le droit autrichien). L’avocat général conclut donc au caractère abusif de la clause litigieuse, dans la mesure où elle ne précise pas ce point. Il convient toutefois de noter qu’entre-temps,Amazon a modifié cette clause et indique désormais que les consommateurs peuvent faire valoir leurs droits au Luxembourg ou dans leur pays de résidence.
L’avocat général considère enfin que, s’agissant du droit applicable au traitement de données à caractère personnel effectué par Amazon (question concernant d’autres clauses des conditions générales d’Amazon, contestées par l’association autrichienne), il ressort de la directive sur le traitement des données que le droit applicable est la loi du pays où le responsable du traitement dispose d’un établissement et où ce traitement a lieu dans le cadre des activités de cet établissement. Il appartiendra à la juridiction autrichienne de déterminer si ces conditions sont réunies en Autriche (ce dont l’avocat général doute), au Luxembourg voire en Allemagne (puisque le site germanophone d’Amazon vaut aussi bien pour l’Autriche que pour l’Allemagne).
En résumé, l’avocat général propose à la Cour de répondre que la clause désignant le droit luxembourgeois comme droit applicable aux contrats conclus entre Amazon et les consommateurs européens est abusive dans la mesure où elle ne précise pas que les consommateurs peuvent toujours se prévaloir des règles impératives de leur pays de résidence.