Les ministres de l’Environnement de l’UE se sont réunis à Bruxelles le 30 septembre 2016 pour un Conseil Environnement exclusivement consacré aux questions climatiques. L’enjeu était la ratification par l’UE de l’accord mondial sur le changement climatique adopté à Paris en décembre 2015 avant que celui n’entre en vigueur.
Au cours de ce Conseil qualifié d’historique par la Commission et la Présidence slovaque du Conseil, les ministres sont parvenus à s’entendre à l’unanimité pour "accélérer le processus de ratification" de l’accord de Paris au niveau de l’UE. La réunion s’est achevée par des applaudissements à l’accord trouvé au cours de la réunion.
Les Etats membres déposeront leur instrument de ratification soit avec l’UE pour ceux qui auront achevé leur procédure de ratification nationale, soit aussi vite que possible ensuite, indique le communiqué de presse diffusé par le Conseil dans les minutes qui ont suivi le feu vert des ministres.
L'accord de Paris entrera en vigueur trente jours après sa ratification par 55 pays au moins, représentant ensemble 55 % au moins des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Or, à ce jour, il a été ratifié par 61 pays représentant 47,79 % des émissions mondiales.
Le seuil des 55 % des émissions mondiales sera donc très probablement atteint à temps pour l'entrée en vigueur de l'accord d'ici le début de la conférence de Marrakech sur le changement climatique qui se tiendra du 7 au 18 novembre 2016. La première réunion des parties à l'accord de Paris (CMA) pourrait donc avoir lieu au cours de la conférence. Avant la décision du Conseil du 30 septembre, l’Union européenne risquait de ne pas en être si elle n’avait pas ratifié à temps cet accord pour lequel elle s’était pourtant très fortement engagée au moment où il a été négocié. Jean-Claude Juncker avait en amont mis en garde contre cette éventualité qui aurait porté préjudice à la "crédibilité" de l’UE, la couvrant de "ridicule", sachant que la Chine et les Etats-Unis, principaux pollueurs de la planète, avaient ratifié l'accord mondial sur le climat.
La difficulté résolue au cours de la réunion était que l’accord de Paris étant un accord mixte, il doit être ratifié à la fois par l'UE et par l'ensemble de ses 28 États membres. Or, au 30 septembre, seules la France, la Hongrie, l'Autriche, Malte et la Slovaquie avaient déjà achevé leurs procédures nationales de ratification, tandis que plusieurs autres Etats étaient sur le point de les finaliser, dont le Portugal.
Finalement, les Etats membres se sont donc entendus sur une solution qui permettra à l’UE de ratifier l’accord de Paris avant que l’ensemble de ses Etats membres ne l’aient fait. En se mettant d’accord sur la conclusion de l’accord au nom de l’UE, les ministres ont ouvert la voie à une approbation du Parlement européen, qui doit se réunir en session plénière du 3 au 6 octobre. Une fois que le Parlement aura donné son approbation, le Conseil pourra alors adopter la décision du Conseil permettant à l'UE de déposer ses instruments de ratification auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies. Cela pourrait se produire avant le 7 octobre. La formule est inédite pour la ratification d’un accord mixte, pour lesquels il est d’usage d’attendre la ratification par les 28 avant une ratification de l’UE.
Il est prévu que les États membres qui ont achevé leurs procédures nationales puissent déposer leurs instruments de ratification, c’est-à-dire les documents officiels leur permettant d'adhérer à l'accord, en même temps que l'UE. Les autres États membres devraient ensuite déposer les leurs dès que possible, une fois qu'ils auront achevé leurs procédures nationales.
Pour éviter que cette formule ne crée un précédent qui donne l’impression de "court-circuiter" les parlements nationaux, la décision politique du Conseil est assortie d’une déclaration expliquant que cette procédure inédite répond au souhait du Conseil européen de mars que l’UE soit partie à l’Accord dès son entrée en vigueur. Elle précise qu’une telle procédure ne créera pas de précédent et elle rappelle l’importance du rôle des parlements nationaux dans le processus de ratification et la nécessité de ne pas tenir à l’écart des négociations les États membres qui ne seront pas prêts. Au cours de la conférence de presse, le commissaire européen en charge de l’énergie et de l’action climatique, Miguel Arias, Cañete, a admis qu’un parlement national pourrait en théorie refuser de ratifier l’accord de Paris. Mais il a écarté cette hypothèse, estimant que des Etats membres "de toutes les couleurs", i.e. gouvernés par la droite ou la gauche, plus enclins ou plus sceptiques à l’égard de la lutte contre le réchauffement climatique, avaient d’ores et déjà ratifié l’accord.
Certains pays, notamment la Pologne, demandaient des garanties sur la manière dont les pays de l'Union devront se répartir l'effort collectif européen de réduction des émissions polluantes, pour appliquer l'accord de Paris après sa ratification par l'UE. Ils ont reçu ces garanties, dans le sens où il sera tenu compte dans la répartition des efforts des bouquets énergétiques propres à chaque pays.
Lors du débat, la ministre luxembourgeoise de l’Environnement, Carole Dieschbourg, a salué les efforts déployés pour permettre cette ratification anticipée. "Nous nous trouvons en effet devant une situation unique, avec l’entrée en vigueur de plus en plus probable de l’accord après moins d’un an depuis son adoption. Ceci est une opportunité unique qui justifie une procédure exceptionnelle, sans créer de précédent", a-t-elle déclaré en disant souscrire pleinement au projet de déclaration proposé.
"Par cette ratification rapide, l’Union européenne confirme son engagement et sa détermination et elle reste une force vive de la coalition de la haute ambition", a déclaré la ministre qui s’était personnellement engagée dans les négociations qui ont eu lieu au moment où le Luxembourg assumait la présidence tournante du Conseil de l’UE. Carole Dieschbourg n’a pas perdu de vue les attentes des "nombreux acteurs sur le terrain que nous risquerions de décevoir si nous nous engagions dans des discussions procédurales". Elle s’est dite "convaincue que nous allons garder l’élan de Paris et prendre nos responsabilités et que nous allons envoyer un signal fort aujourd’hui au monde". Il s’agit à ses yeux d’une "affaire de responsabilité et de crédibilité".
La ministre n’a pas manqué de souligner que la procédure de ratification du Luxembourg devrait être achevée en principe le 11 octobre avec le vote du projet de loi par la Chambre des Députés. "Nous serons donc prêts avant Marrakech", a-t-elle conclu