Les eurodéputés de la commission des Affaires économiques et monétaires (ECON) ont décidé le 1er septembre 2016 d’émettre une objection formelle au projet de dispositions techniques relatives au règlement européen destiné à améliorer l’information des investisseurs non professionnels à l’achat de produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (les PRIIPs). Ce règlement doit entrer en vigueur le 31 décembre 2016, et la Commission a mis sur la table, sur la base des travaux des autorités de supervision financières, un projet de mesures d’exécution qui établissent les normes techniques de réglementation (NTR) auxquelles les fournisseurs d'investissement devront répondre pour fournir une plus grande transparence sur les produits d'investissement et des informations plus claires pour les investisseurs.
Dans leur projet de résolution, qui a eu le soutien écrasant de 55 députés et qui a fait l’objet de trois abstentions, les eurodéputés appellent à modifier ces propositions d’acte délégué.
Ce rejet des projets de la Commission doit encore être confirmé en plénière d’ici la fin septembre, et un des enjeux des débats animés qui ont précédé le vote portait sur la possible entrée en vigueur du règlement sans les normes techniques censées l’accompagner. Cette option, envisagée par le représentant de la Commission, ainsi que le rapporte un communiqué de presse du Parlement européen, a été clairement rejetée par les eurodéputés qui se sont majoritairement rangés derrière la proposition de Markus Ferber (PPE) de retarder l'introduction de la législation principale jusqu'à ce que les normes techniques aient été approuvées.
Au cours du débat, Pervenche Bérès (S&D) a dénoncé le "jeu de cache-cache" auquel s’était livré la Commission dans ses échanges avec les eurodéputés sur ce texte. A l’issue du vote, elle a salué le "signal fort" envoyé par la commission ECON, précisant toutefois que cette résolution ne "clôture pas le processus". "La Commission européenne, le Parlement européen et l’ensemble des parties prenantes poursuivront leur travail de modification du texte", a-t-elle expliqué, se disant "confiante dans notre capacité à parvenir à un accord avant la fin de l’année". "Dans cette optique, nous avons défini une série de lignes directrices", a-t-elle indiqué, en précisant que les eurodéputés avaient notamment "indiqué clairement qu’il ne peut y avoir de référence à des performances passées, susceptibles d'induire en erreur les investisseurs non professionnels".
Une grande partie de l’opposition des députés se centre sur le "Document d'investissement clé" (KID pour l’acronyme anglais), qui vise à fournir aux consommateurs des informations sur les caractéristiques, les risques et les coûts d'un produit d'investissement.
Sven Giegold (Verts) a ainsi fait valoir que les formules proposées pour prédire le rendement des placements contenaient des défauts qui feraient paraître la performance bien meilleure qu'elle ne l'était probablement. "Les gens doivent savoir quand ils prennent un risque, or cette information est trompeuse," a-t-il dit. Par ce vote, s’est-il félicité, les eurodéputés "veillent à ce que les informations sur les produits financiers ne puissent pas tromper les consommateurs européens". Les Verts ont réussi à faire adopter avec le groupe GUE/NGL un amendement portant sur la question de la performance future et plaidant pour une approche standardisée de l’usage d’une "alerte de compréhension" pour les produits complexes. Les députés ont adopté aussi un amendement du groupe GUE/NGL rejetant les arguments de l’industrie assurantielle relative à l’inclusion de certains coûts dans le document KID.
Alors que de nombreux eurodéputés ont dénoncé le lobbying intense exercé sur la Commission tout au long des travaux menés pour préparer ce projet de textes, au Luxembourg, l’Association des banques et banquiers (ABBL) a réagi par voie de communiqué pour saluer le projet de résolution de la commission ECON. En effet, de l’avis de l’ABBL, "un délai est vraiment nécessaire pour supprimer certaines incertitudes et pour clarifier les obligations des intermédiaires financiers", et le rejet de ces normes techniques va "permettre de prendre le temps de retravailler sur les standards techniques qui sont déterminants pour permettre aux investisseurs particuliers de comprendre et de comparer les éléments clefs des PRIIPs".