Les ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont réunis le 13 novembre 2016, à la veille d’un Conseil Affaires étrangères à l‘ordre du jour chargé, pour un dîner informel consacré aux relations UE-USA. L’invitation avait été faite par Federica Mogherini suite à l’annonce des résultats des élections américaines du 8 novembre 2016 qui, contre les attentes de la plupart des observateurs et des instituts de sondage, ont donné pour vainqueur le candidat républicain Donald Trump.
Dès l’annonce des résultats, les réactions officielles des représentants européens soulignaient à la fois l’importance de la relation transatlantique et les défis posés par les inconnues que soulève l’élection de Donald Trump au vu de certains des propos qu’il a tenus tout au long de la campagne électorale.
"L’Union européenne et les Etats-Unis sont partenaires et vont continuer de l’être en ce qui nous concerne dans l’UE, sur la base de notre propres valeurs, principes et intérêts", a souligné à l’issue de cette rencontre Federica Mogherini qui a mis l’accent sur des dossiers comme la mise en œuvre de l’Accord de Paris, la non-prolifération et l’accord sur le nucléaire iranien, ou encore le commerce. "Nous sommes impatients d'avoir un partenariat très fort avec la prochaine administration", a-t-elle assuré en insistant aussi sur la "nécessité de renforcer l’unité européenne" sur ces questions.
Si les 28 étaient représentés, comme l’a souligné Federica Mogherini, plusieurs ministres étaient absents de cette réunion informelle, les uns pour des raisons politiques, comme le ministre hongrois, dont le gouvernement s’était montré très favorable au candidat Trump en amont des élections, ou encore pour des raisons d’agenda, comme le ministre français Jean-Marc Ayrault. Le ministre britannique, Boris Johnson, avait pour sa part dit "ne pas voir l’utilité" de cette réunion.
Au lendemain de ce dîner qui s’est terminé à une heure tardive, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, était l’invité du journaliste Dirk-Oliver Heckmann sur les ondes de la radio allemande Deutschlandfunk. Dans cet entretien diffusé dans la matinée du 14 novembre 2016, Jean Asselborn est revenu sur un dîner au cours duquel il a relevé une "différence qualitative" dans la manière de discuter de l’Amérique au sein de l’UE. Si, jusqu’ici la question était de savoir comment faire en sorte pour améliorer l’efficacité de la coopération transatlantique, lors de ce dîner, la question était de plutôt de savoir si les Etats-Unis voudraient encore œuvrer au partenariat transatlantique, a ainsi expliqué le chef de la diplomatie luxembourgeoise.
"Nous devons attendre" car "nous ne savons pas vraiment de façon rationnelle ce qui va advenir", a souligné le ministre qui ne perd toutefois pas de vue que, dans cette attente, il faut "être actif à Washington" pour rappeler clairement qu’il existe entre l’Europe et les USA un partenariat fondamental basé sur le multilatéralisme de la coopération internationale, que ce soit en matière de politique étrangère ou de climat. La liste des questions qui restent ouvertes est longue, que ce soit l’avenir de l’accord sur le nucléaire iranien, les relations avec la Russie ou encore le positionnement de la prochaine administration américaine sur la Syrie. Mais ce qui est ressorti des discussions, c’est que "l’Europe est un ‘soft power’, certes avec une stratégie globale en matière de sécurité sur laquelle il convient de se concentrer", rapporte encore le chef de la diplomatie luxembourgeoise au micro de la radio allemande en mettant l’accent sur le fait que la campagne de Donald Trump n’a pas été "particulièrement truffée de valeurs fondamentales".
Pour pouvoir faire face, il nous faut "peaufiner nos positions" et "savoir clairement ce que nous voulons", a encore expliqué Jean Asselborn en citant comme exemple des questions à trancher celle d’un renforcement d’une défense européenne et de la création d’une armée européenne, que refusent notamment les pays baltes de crainte que cela ne fasse vaciller les relations transatlantiques. "Nous devons y travailler avec grand sérieux et nous demander si, après le Brexit, après cette élection aux Etats-Unis, nous voulons continuer de voir le projet européen comme un projet sérieux", a poursuivi le ministre pour qui, le cas échéant, il faut "nous ressaisir et mettre en avant la solidarité et ce que nous avons en commun". Comme il l’a expliqué un peu plus tard en arrivant au Conseil Affaires étrangères, l’enjeu pour l’Europe est de pouvoir peser sur la scène internationale.
Interrogé plus avant sur la question d’une armée européenne, Jean Asselborn ne perd pas de vue que "dans certains pays, on a peur qu’en se concentrant sur ce vieux débat, on joue aussi les cartes de ceux qui veulent affaiblir l’OTAN". Or, avec l’OTAN, les lignes sont claires, souligne Jean Asselborn qui liste notamment "les principes, les droits de l’homme et l’Etat de droit". Le chef de la diplomatie luxembourgeoise se dit par ailleurs "convaincu que Monsieur Trump va très vite reconnaître que la sécurité de l’Amérique ne commence pas en Amérique mais a aussi beaucoup à voir avec l’Europe".