A la veille d’une conférence de donateurs organisée à Bruxelles les 4 et 5 octobre 2016, l’Union européenne a signé avec l’Afghanistan un accord intitulé Joint Way Forward on Migration Issues. Cette déclaration offre un cadre à la coopération entre l’UE et l’Afghanistan sur la prévention des migrations irrégulière et sur le retour de migrants en situation irrégulière.
Cet accord avait été rapidement sous le feu des critiques d’une vingtaine d’ONG comme Médecins du Monde, Amnesty International, l’AEDH ou encore Oxfam, qui avaient notamment adressé une lettre au Parlement européen à la fin du mois d’octobre afin de dénoncer un accord trouvé "en toute discrétion" et "sans débat au Parlement européen" qui permettrait "le retour d’enfants non accompagnés" dans un pays "en plein conflit" et "dans une situation fragile". Ils s’inquiétaient à l’idée que cet accord n’ouvre la porte à la possibilité d’expulsions collectives, de déportation d’enfants et de violation du principe de non-refoulement.
Le 29 novembre 2016, une dizaine d’organisations, parmi lesquelles le Cercle de Coopération des ONG de développement, le Collectif réfugiés Luxembourg, ont à leur tour lancé au Luxembourg une initiative intitulée "Afghanistan is not safe" ("L’Afghanistan n’est pas sûr") pour faire part de leur inquiétude quant au sort des demandeurs de protection internationale afghans dont les dossiers sont encore en cours d’instruction au Luxembourg au vu de l’insécurité qui règne en Afghanistan : ces organisations s’inquiètent en effet que l’accord trouvé entre l’UE et l’Afghanistan "ait une influence négative sur le taux de reconnaissance".
Les ONG qui se sont réunies pour lancer cette interpellation s’opposent aussi à l’idée que l’aide au développement économique et politique à ce pays ne soit conditionnée au respect de ce genre d’accord dont elles soulignent "le caractère juridiquement douteux de cet accord, car non soumis au vote du Parlement et reposant sur des spéculations quant à l’amélioration des conditions de vie en Afghanistan". Elles demandent notamment au gouvernement luxembourgeois de "soutenir le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) afin qu’il réalise un monitoring renforcé des violations des droits humains et à évalue les résultats concrets et mesurables de l'intégration durable des déplacés internes (...) et ceci avant tout retour du Luxembourg vers l'Afghanistan".
Le 1er décembre 2016, le ministre des Affaires étrangères et européennes, qui est aussi en charge de l'Immigration et de l'Asile, Jean Asselborn, a réagi "aux inquiétudes exprimées par la société civile" par voie de communiqué afin d’exposer la position du gouvernement luxembourgeois sur l’accord entre l’UE et l’Afghanistan intitulé Joint Way Forward on migration issues.
"Le Joint Way Forward ne crée pas de droits et obligations juridiques en matière de droit international, mais résume l’engagement mutuel entre les deux parties à mettre en place une coopération en matière de lutte contre l’immigration illégale et de retour de migrants irréguliers, et ceci en prenant en considération tous les aspects humanitaires nécessaires", est-il expliqué dans le communiqué qui précise aussi que "seules les personnes ne remplissant pas les conditions pour obtenir une protection internationale, ayant épuisé toutes les voies de recours juridiques et ayant opté de refuser une mesure d’aide au retour volontaire, peuvent faire sujet d’un retour forcé".
"Le Luxembourg reste attaché au respect des droits fondamentaux et au principe de non-refoulement", assure encore Jean Asselborn.
"L’accord prévoit également un certain nombre de garanties procédurales. Il sera tenu compte de la situation humanitaire individuelle de chaque personne en vue d’offrir la meilleure assistance et protection pour les personnes vulnérables, dont notamment les femmes et les mineurs non accompagnés", précise encore le ministre luxembourgeois.
Jean Asselborn souligne aussi que "nulle confusion ne doit être faite entre le domaine de l’asile et le domaine des retours". "Lors de l’analyse, au cas par cas, des demandes de protection internationale, seuls les critères d’éligibilité de la Convention relative au statut des réfugiés et de ses protocoles additionnels seront pris en compte", explique le ministre qui précise que "le fait de savoir si une personne peut, le cas échéant, retourner dans son pays d’origine ou non, n’a aucun impact sur l’analyse et la prise de décision".
Le chef de la diplomatie luxembourgeoise rappelle par ailleurs que "la négociation de tels accords de coopération relève de la compétence de l’Union européenne" et que le rôle de cette dernière reste "essentiel dans le cadre de la gestion de la crise migratoire". "À ce jour, seule une personne a été refoulée par le Luxembourg vers la république de l’Afghanistan et ce en 2011", rapporte Jean Asselborn qui reconnaît toutefois que "d’autres d’États membres ont été dans le besoin d’un tel accord pour établir une coopération sur le long terme en la matière".
"Le Luxembourg – qui adhère au camp des États membres défendant et encourageant le principe de la solidarité en matière d’asile et d’immigration au niveau européen – ne se désolidarisera pas de cet accord qui ne se limite pas à la facilitation des retours vers l’Afghanistan, mais qui veut également venir appuyer la lutte contre le trafic des êtres humains, des programmes de retours et de réintégration, ainsi que des campagnes d’information visant à informer les citoyens afghans sur le danger de la migration irrégulière", conclut le ministre.