Dans un discours attendu, la Première ministre britannique Theresa May a présenté le 17 janvier 2017 la feuille de route de son gouvernement en vue des négociations qui vont mettre en œuvre la sortie du Royaume-Uni de l'UE (Brexit) qu'une majorité d'électeurs britanniques a plébiscitée le 23 juin dernier.
"Nous sommes un pays européen et nous sommes fiers de notre héritage européen partagé, mais nous sommes aussi un pays qui a toujours de son discours, le choix fait par les Britanniques étant selon elle celui de "construire une Grande-Bretagne vraiment globale".
Dans cette perspective, "le succès de l'UE est dans l'intérêt de la Grande-Bretagne", a-t-elle relevé avant de s'adresser "directement au peuple d'Europe" pour expliquer les raisons qui ont conduit à faire le choix du Brexit. "Beaucoup ont toujours eu le sentiment que la place du Royaume-Uni dans l'Union européenne se faisait aux dépens de nos liens mondiaux et de liens de libre-échange plus forts avec le reste du monde", a expliqué la Première ministre britannique. Elle a aussi mis en avant des traditions politiques différentes, et le manque de "flexibilité" offerte par une Union européenne "à la peine pour gérer la diversité de ses Etats membres et de leurs intérêts".
"Notre vote n'était pas le rejet des valeurs que nous partageons", "la décision de sortir de l'UE ne représente pas le désir de devenir plus distants de vous, nos amis et voisins" et il ne s'agissait en rien d'une "tentative de nuire à l'UE en tant que telle ou à ses Etats membres", a argué Theresa May. "Il s'agissait d'un vote visant à "restaurer notre démocratie parlementaire, notre auto-détermination nationale et à devenir encore plus global et internationaliste en actions et en esprit", a-t-elle expliqué avant d'assurer que "nous continuerons d'être des partenaires fiables, des alliés zélés et des amis proches". "Nous quittons l'Union européenne, mais nous ne quittons pas l'Europe", a assuré Theresa May.
Ce que le gouvernement britannique désire maintenant négocier, c'est "un partenariat nouveau et équitable", et elle n'a pas manqué de préciser qu'il ne s'agissait pas de prétendre à être membre partiel ou associé de l'UE, mais bien de quitter l'Union européenne.
Theresa May a détaillé les douze objectifs que son gouvernement s'est fixés pour parvenir à ce nouveau partenariat entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.
Theresa May a tout d'abord souligné l'importance d'offrir une certaine sécurité tout au long du processus de négociations. Elle a assuré dans ce contexte que l'acquis communautaire serait transposé dans le droit britannique, ce qui n'empêchera en rien le parlement de modifier ce corpus législatif par la suite. L'accord qui sera négocié avec l'UE sera par ailleurs soumis au vote du parlement britannique avant son entrée en vigueur, a assuré la Première ministre qui a insisté sur le fait que le retour du contrôle de la loi dans le giron national mettra fin à la juridiction de la Cour européenne de Justice au Royaume-Uni.
Theresa May a insisté sur l'importance de l'unité du Royaume dans le processus et elle a présenté comme une priorité le maintien de la zone de voyage commune qui existe avec l'Irlande.
En ce qui concerne l'immigration, qui a été l'un des enjeux de la campagne référendaire, Theresa May a assuré vouloir reprendre le contrôle sur le nombre de personnes venant de l'Union européenne, tout en affirmant l'ouverture et la tolérance du pays. "Nous voulons garantir le droit des citoyens de l'UE qui vivent au Royaume-Uni et le droit des Britanniques qui vivent dans d'autres Etats membres", a-t-elle poursuivi.
Dans un souci de respect du droit des travailleurs britanniques, la Première ministre a par ailleurs expliqué qu'elle veillerait à ce que les droits des travailleurs soient protégés et maintenus dans le cadre de la transposition de l'acquis communautaire dans le droit national.
Theresa May a par ailleurs plaidé pour la conclusion d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne, coupant ainsi court à toute éventuelle inclusion dans le marché unique à l'avenir. A ses yeux, le vote pour sortir de l'UE signifiait clairement un vote pour quitter le marché unique. L'accord de libre-échange qu'elle souhaite négocier pourra contenir "certains éléments de l'actuel marché unique dans certains domaines", et elle a cité comme exemples l'exportation de voitures ou la liberté de fournir des services financiers au-delà des frontières. L'enjeu est donc de négocier un accès le plus large possible au marché intérieur sur une base réciproque par le biais d'un accord de libre-échange, ce qui permettrait de ne pas avoir à subir les contraintes réglementaires de l'UE ou encore l'autorité de la Cour de Justice. Theresa May a aussi insisté sur le fait que les discussions sur les contributions du Royaume-Uni à l'UE seraient ainsi réglées, même si elle a reconnu qu'il peut y avoir certains programmes européens spécifiques auxquels son pays pourrait avoir envie de participer, ce qui se ferait le cas échéant par une contribution appropriée.
Il importe par ailleurs au gouvernement britannique de pouvoir conclure des accords de libre-échange avec d'autres pays, ce qui soulève la question de savoir si le Royaume-Uni restera membre de l'Union douanière. "Je ne veux pas que le Royaume-Uni soit membre de la politique commerciale commune de l'UE et je ne veux pas que nous soyons liés aux tarifs extérieurs communs, ce sont des éléments de l'union douanière qui nous empêcheraient de conclure nos propres accords commerciaux avec d'autres pays. Mais je veux que nous ayons un accord douanier avec l'UE", a expliqué Theresa May. "Que ce soit un accord douanier complètement nouveau, que nous devenions membre associé de l'union douanière d'une certaine manière, ou que nous restions signataires de certains de ses aspects, je n'ai pas d'a priori", a-t-elle précisé, se disant ouverte sur cette question. L'objectif est "d'enlever autant de barrières que possible au commerce", a-t-elle expliqué en ajoutant sa volonté "que le Royaume-Uni soit en capacité de fixer son propre objectif tarifaire à l'OMC, ce qui signifie que nous pourrions conclure des accords de libre-échange non seulement avec l'UE mais aussi avec nos amis et alliés hors d'Europe".
La Première ministre britannique a aussi indiqué son ouverture à l'égard d'un accord pour continuer à collaborer avec ses partenaires européens sur les principales initiatives en matière de recherche et de technologie. Elle a enfin assuré sa volonté de continuer à coopérer avec ses partenaires européens en matière de crime, de terrorisme et de relations internationales.
En pratique, Theresa May souhaite parvenir à un accord sur ce nouveau partenariat dans les deux ans de négociations à partir de l'activation de l'article 50. Elle souhaite ensuite une mise en œuvre par étapes de cet accord, ce qui serait, selon elle, dans l'intérêt mutuel des deux parties. Le délai prévu pour la mise en œuvre de chaque élément de l'accord doit ainsi faire partie de la négociation. L'objectif est, selon elle, d'éviter une rupture abrupte, qui aurait des effets perturbateurs.
Si Theresa May s'est dite confiante quant à la perspective de parvenir à ses objectifs et si elle a précisé "ne vouloir miner ni le marché unique ni l'Union européenne", elle n'a pas manqué de brandir la menace de "changer de modèle économique", avec toutes les conséquences que cela comporte et qu'elle a déclinées dans son discours, dans le cas où les voix de ceux qui veulent "punir le Royaume-Uni et décourager les autres pays de suivre la même voie" devaient prendre le dessus.