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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Fiscalité
Pour l’avocat général de la CJUE Melchior Wathelet, il revient aux autorités luxembourgeoises de vérifier que les informations demandées au sujet de la société Berlioz Investment sont pertinentes pour les besoins de l’administration fiscale française
10-01-2017


CJUEL’avocat général de la CJUE Melchior Wathelet a rendu ses conclusions le 10 janvier 2017 dans l’affaire C-682/15 Berlioz Investment, en concluant qu’il revient aux autorités luxembourgeoises de vérifier, sur la base d’un examen sommaire, que les informations demandées au sujet de la société Berlioz Investment sont pertinentes pour les besoins de l’administration fiscale française.

La CJUE avait été saisie par la Cour administrative luxembourgeoise pour déterminer notamment si elle pouvait examiner le bien-fondé de la décision d’injonction et la régularité de la demande d’information faite par l’administration fiscale française à l’administration fiscale luxembourgeoise au sujet de la société luxembourgeoise Berlioz Investment. Un des enjeux de la question préjudicielle était notamment de savoir si la Charte des droits fondamentaux était bien applicable.

A l’origine de l’affaire, une demande d’informations contestée

Dans le cadre de l’examen de la situation fiscale de la société française Cofima, l’administration fiscale française a adressé, en 2014, à l’administration fiscale luxembourgeoise une demande d’informations sur la société mère luxembourgeoise de Cofima, Berlioz Investment. Berlioz a fourni toutes les informations souhaitées à l’exception des noms et adresses de ses associés, du montant du capital détenu par chacun d’entre eux et du pourcentage de détention de chaque associé. Selon Berlioz, ces informations n’étaient vraisemblablement pas pertinentes pour le contrôle effectué par l’administration fiscale française.

Suite au refus de Berlioz de fournir ces informations, l’administration fiscale luxembourgeoise lui a infligé en 2015 une amende administrative de 250 000 euros.

Berlioz a saisi la justice administrative luxembourgeoise pour faire annuler l’amende et la décision d’injonction (c’est-à-dire la décision des autorités luxembourgeoises lui enjoignant de fournir les informations litigieuses).

En première instance, le tribunal administratif de Luxembourg a ramené l’amende à 150 000 euros tout en refusant de vérifier le bien-fondé de la décision d’injonction.

Berlioz a alors saisi en appel la Cour administrative du Luxembourg, considérant que son droit à un recours juridictionnel effectif, tel que garanti par la Charte des droits fondamentaux de l’UE, avait été violé.

La Cour administrative du Luxembourg a à son tour saisi la Cour de justice pour déterminer notamment si elle peut examiner le bien-fondé de la décision d’injonction et la régularité de la demande d’information. Un des enjeux de la question préjudicielle était notamment de savoir si la Charte des droits fondamentaux était bien applicable.

Pour l’avocat général Melchior Wathelet, la Charte des droits fondamentaux est applicable dans cette affaire

Dans ses conclusions rendues le 10 janvier 2016, l’avocat général Melchior Wathelet relève que la demande d’information adressée par les autorités françaises aux autorités luxembourgeoises au sujet de la société Berlioz se fonde sur la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, si bien que, ces autorités ayant mis en œuvre un acte de l’Union, la Charte des droits fondamentaux est applicable.

L’avocat général considère ensuite qu’un administré peut se prévaloir de l’article 47 de la Charte (droit à un recours juridictionnel effectif) lorsqu’il estime que la sanction administrative pécuniaire qui lui est infligée en raison de son refus de communiquer des renseignements dans le cadre d’un échange d’informations entre des autorités fiscales se fonde sur une demande d’information dont il met en doute la validité. En effet, le droit à un recours effectif entraîne nécessairement le droit d’accès à la justice, c’est-à-dire la possibilité pour un particulier de soumettre à un contrôle juridictionnel toute décision susceptible de porter atteinte à ses intérêts.

L’avocat général considère que, dans le cadre de l’exercice du droit à un recours effectif, la juridiction saisie du recours contre la sanction administrative pécuniaire doit pouvoir examiner la légalité de la décision d’injonction et vérifier à cet égard si la demande d’information émise par l’administration fiscale d’un autre État membre porte, comme l’exige la directive, sur des informations vraisemblablement pertinentes pour les besoins de l’administration fiscale étrangère. Le juge national doit donc pouvoir vérifier que la décision d’injonction se fonde sur une demande d’information qui présente un lien entre, d’une part, les informations demandées, le contribuable concerné (la société Cofima en l’espèce) et le tiers détenant les informations (la société Berlioz en l’espèce) et, d’autre part, la finalité fiscale poursuivie. L’avocat général précise toutefois que l’inadéquation entre la demande d’information et la finalité fiscale poursuivie doit être manifeste, c’est-à-dire que la vérification du juge national doit se faire sur la base d’un examen sommaire.

Enfin, l’avocat général considère que la demande d’information initiale doit nécessairement être portée à la connaissance du tribunal compétent, faute de quoi celui-ci serait dans l’impossibilité d’exercer son contrôle de légalité. Il considère également qu’elle doit être transmise au tiers requis (en l’espèce Berlioz) afin que celui-ci puisse se défendre utilement en justice. Si l’administration de l’État requis (en l’espèce l’administration fiscale luxembourgeoise) estime qu’une telle transmission est susceptible de compromettre l’efficacité de la collaboration entre administrations en vue de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, il lui appartient d’en apporter la preuve dans le cadre du recours et au juge de trancher la question.

En résumé, l’avocat général propose à la Cour de répondre que les autorités et juridictions de l’État auquel une demande d’information fiscale est adressée par un autre État membre doivent vérifier, sur la base d’un examen sommaire, que les informations demandées sont vraisemblablement pertinentes pour les besoins de l’administration fiscale de l’autre État membre.