Le 15 juillet 2013, un comité des citoyens a présenté à la Commission la proposition d’initiative citoyenne européenne (ICE) intitulée "Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe". Cette initiative vise à inviter l’UE à améliorer la protection des personnes appartenant à des minorités nationales et linguistiques et à renforcer la diversité culturelle et linguistique dans l’UE. Dans son annexe, la proposition exposait onze domaines dans lesquels des propositions d’actes devraient être élaborées par les institutions de l’UE et donnaient, à cette fin, des indications précises sur les types d’actes à adopter, le contenu desdits actes et les bases juridiques correspondantes dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Les signataires de cette ICE proposaient notamment (i) l’adaptation des programmes de financement afin d’en faciliter l’accès aux petites langues régionales et minoritaires, (ii) la création d’un centre de la diversité linguistique, (iii) l’adaptation des dispositions communes relatives aux fonds régionaux de l’Union de façon à ce que la protection des minorités et la promotion de la diversité culturelle et linguistique y soient incluses en tant qu’objectifs thématiques, (iv) le renforcement à l’intérieur de l’UE de la place des citoyens qui appartiennent à une minorité nationale dans le but de veiller à ce que leurs préoccupations légitimes soient prises en compte lors de l’élection des députés au Parlement européen, et (v) la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité de traitement, y compris en ce qui concerne les minorités nationales.
Par décision du 13 septembre 2013, la Commission a refusé d’enregistrer cette proposition au motif que celle-ci ne relevait manifestement pas des attributions permettant à la Commission de soumettre une proposition d’adoption d’un acte juridique de l’UE aux fins de l’application des traités de l’Union.
Dans sa décision, la Commission a reconnu que le respect des droits des personnes appartenant à des minorités constitue une valeur de l’UE, que les institutions de l’UE doivent respecter la diversité culturelle et linguistique et qu’elles sont tenues d’éviter toute discrimination fondée sur l’appartenance à une minorité nationale. Elle a ajouté que certains des actes demandés pourraient, considérés individuellement, tomber dans le cadre des attributions en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’UE. Toutefois, elle a estimé que le règlement relatif à l’initiative citoyenne ne prévoit pas l’enregistrement d’une ou de plusieurs parties d’une proposition d’initiative. La Commission en a conclu que les traités de l’Union ne fournissent aucune base juridique aux fins de la présentation d’une série complète de propositions telles que définies dans la demande d’enregistrement et que, dès lors, la proposition en question n’entre manifestement pas dans le cadre de sa compétence.
Par son arrêt rendu le 3 février 2017, le Tribunal de l’UE accueille le recours introduit par le comité des citoyens contre la Commission, et annule la décision de celle-ci parce que la motivation fournie pour refuser l’enregistrement de la proposition en question est manifestement insuffisante. En effet, la Commission aurait dû indiquer les mesures de l’annexe de la proposition qui ne relevaient pas de sa compétence et les motifs à l’appui de cette conclusion.
Ainsi, le comité des citoyens n’a pas été en mesure d’identifier les propositions formulées dans l’annexe de leur proposition d’initiative citoyenne qui, selon la Commission, étaient en dehors du cadre de ses attributions, ni de connaître les motifs ayant conduit à cette appréciation. Le comité des citoyens a donc été empêché de contester le bien-fondé de cette appréciation, tout comme le Tribunal est empêché d’exercer son contrôle sur la légalité de l’appréciation de la Commission. En l’absence d’une motivation complète, l’introduction éventuelle d’une nouvelle proposition, tenant compte des objections de la Commission sur la recevabilité de certaines propositions, serait sérieusement compromise. Cela vaut également pour la réalisation de l’objectif de l’initiative citoyenne européenne d’encourager la participation des citoyens à la vie démocratique et de rendre l’UE plus accessible.
Par ailleurs, le Tribunal laisse ouverte la question de savoir si une proposition d’initiative citoyenne européenne ne peut pas être enregistrée si une partie des mesures proposées n’entre pas dans les attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut présenter un acte juridique de l’UE aux fins de l’application des traités de l’Union.