La protection juridique des fonctionnaires internationaux s’est pendant longtemps calquée sur le modèle élaboré dans les années 40 par la Société des Nations. Ce modèle a été repris dans l’après-guerre par les organisations de la famille des Nations Unies et étendu à l’ensemble des organisations internationales. Il prévoit, entre autres, un seul degré de juridiction et la nomination des juges par l’organe directeur de chaque Organisation (Assemblée Générale des Nations Unies, Conseil/Comité des Ministres pour les Organisations coordonnées et pour les Communautés européennes). Les organisations internationales qui ont mis en place avec un certain retard des juridictions administratives propres – notamment les organisations financières – ont suivi ce modèle au cours des années 70 et 80.
Ce n’est qu’au cours des dernières années que la situation a évolué d’une part au sein des Nations Unies et, de l’autre, au sein des organisations de la famille des Nations Unies, qui ont le Tribunal Administratif de l’Organisation Internationale du Travail (TAOIT) comme juridiction compétente. En particulier, en 2008, deux nouvelles juridictions ont vu le jour au sein de l’ONU et ont remplacé le Tribunal Administratif des Nations Unies (TANU) : le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies (UN Disputes Tribunal) et le Tribunal d’appel des Nations Unies (UN Appeals Tribunal).
Ainsi, le principe du double degré de juridiction est désormais acquis. En outre, une nouvelle procédure de sélection des juges a été mise en place, de sorte à limiter sensiblement le pouvoir discrétionnaire de l’Assemblée Générale. Par ailleurs, au sein de l’Union Européenne, un nouveau système est en place depuis 2005. Les fonctionnaires disposent d’un double degré de juridiction (Tribunal de la fonction publique et Tribunal de première instance). Les juges du Tribunal de la fonction publique sont désignés par le Conseil des Ministres à la suite d’une procédure au cours de laquelle intervient un Comité ad hoc composé de juristes et de magistrats qui sélectionne les meilleurs candidats et propose une liste restreinte à soumettre au Conseil. Lorsque l’Union Européenne aura adhéré à la Convention Européenne des Droits de l’Homme, conformément au Traité de Lisbonne, les fonctionnaires de l’Union pourront également s’adresser à la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’ils estiment que leurs droits fondamentaux ont été lésés.
En revanche, les six Organisations dites Coordonnées (le Conseil de l’Europe, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’Union de l’Europe Occidentale (UEO), l’Agence Spatiale Européenne (ASE), et le Centre Européen pour les Prévisions Météorologiques à Moyen Terme (CEPMMT)), qui ont toutes leur siège en Europe, gardent un système qui continue de s’inspirer du modèle de la Société des Nations.
Les juges sont nommés par l’organe directeur, même si certains recours mettent au moins indirectement en cause les décisions de ce dernier. En outre, aucun appel n’est prévu. Les tentatives de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme (de la part d’agents de l’OTAN et du Conseil de l’Europe) ont échoué sur l’écueil de la recevabilité. En revanche des tentatives récentes de saisir le juge national ont réussi. La Cour de Cassation de Belgique, dans un arrêt du 21 décembre 2009, a considéré que la Commission de Recours de l’UEO ne donnait pas des garanties d’impartialité suffisantes et affirmé que le juge belge, s’il est saisi par des agents de cette Organisation, se doit de trancher les litiges en faisant application du droit interne de l’UEO.
Faut-il réformer la protection juridictionnelle offerte par les Organisations coordonnées à leurs personnels ? Avant de répondre à cette question il conviendrait de remarquer que l’absence de toute réforme pourrait entraîner comme conséquence, outre une perte de confiance de la part des agents concernés, des conflits de juridictions avec les pays membres. Une autre conséquence d’un système où différentes juridictions délibèrent sur des questions sensiblement identiques est que le double emploi est à l’origine d’un surcoût supporté par chaque Organisation par rapport aux frais découlant d’un système coordonné.
Le colloque des 1er et 2 avril 2011 devrait viser à évaluer la qualité de la protection juridique offerte au sein des Nations Unies, ainsi que celle qui existe au sein de l’Union Européenne et de la comparer avec celle propre aux Organisations coordonnées. Une analyse critique de la situation au sein de ces Organisations devrait permettre aux participants au Colloque de tracer des pistes de réflexion et des objectifs à atteindre.
09:30-10:00 Introduction
Gianni PALMIERI, Président du Comité des représentants du personnel des Organisations coordonnées
Paul DUHR, Secrétaire général du Ministére des Affaires Étrangères de Luxembourg
André PRÜM, Doyen de la Faculté de droit, d'économie et de finance du Luxembourg
Présentation générale : Gianni PALMIERI
Renforcement de la protection juridictionnelle des fonctionnaires internationaux et européens
10:00 - 10:50 Réforme du Tribunal Administratif des Nations Unies (UNAT)
Président :Matthew HAPPOLD, Professeur de droit public international à l'Université du Luxembourg; avocat au Barreau de Londres
Statut, procédure, et fonctionnement: Louise OTIS, Membre du Tribunal administratif de l'Organisation de Coopération et de développement économiques (OCDE), ancienne juge de la Cour d'Appel du Québec
Communication: Laurence FAUTH, Conseiller juridique de la Fédération des associations des fonctionnaires internationaux (FICSA)
11:05 - 12:05 Le Tribunal Administratif de l'Organisation Internationale du Travail (TAOIT): bilan
Président: David RUZIE, Professeur émérite des universités, spécialiste de droit internat
Statut, procédure, et fonctionnement: Jean-Didier SICAULT, Chargé du cours du droit de la fonction publique internationale aux Universités Paris I et Paris II, Avocat à la Cour
Communication: Laurence FAUTH, Conseiller juridique de la Fédération des associations des fonctionnaires internationaux (FICSA)
14:30 - 15:30 L'apport du Tribunal de la Fonction publique de l'Union Européenne (TFPUE)
Président: Paul J. MAHONEY, Président du Tribunal de la Fonction publique de l'Union européenne
Statut, procédure, et fonctionnement: Sean VAN RAEPENBUSCH, Juge au Tribunal de la Fonction publique de l'Union européenne
Communication: Petrus KERSTENS, Conseiller, Office de gestion et liquidation des droits individuals à la Commission européenne. Représentant du Personnel, Membre titulaire du Comité du Statut.
15:30 - 16:30 Questions spéciales liées à la protection juridictionnelle: la médiation et la recours au droit national
Président: Mariano BAENA DEL ALCAZAR, Juge honoraire à la Cour suprême d'Espagne
Introduction: Hélène PAULIAT, Professeur à la Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges
La fonction de médiateur exercée par le juge : Horstpeter KREPPEL, Juge au Tribunal de la fonction publique de l'Union européenne
Conflits de lois dans la détermination de l'état personnel Harissios TAGARAS, Juge au Tribunal de la fonction publique de l'Union européenne
09:30 - 11:45 Protection juridictionnelle au sein des Organisations coordonnées: état de lieux et perspectives
Président: Franz CEDE, Président du Comité de Coordination sur les Rémunerations des Organisations coordonnées: Ancien Ambassador
Introduction: Chris de COOKER, Président du Comité permanent sur l'Administration supranationale et la fonction publique internationale de l'Institute international des sciences administratives
Commission de recours de l'OTAN (CROTAN): Stéphane GERVASONI, Juge au Tribunal de la Fonction publique de l'Union européenne et Ancien juge à la Commission de recours de l'Organisation du traité Atlantique (CROTAN)
Tribunal administratif de Conseil de l'Europe (TACE): Jean-Pierre CUNY, Avocat au barreau de Versailles
La liberté d'association des fonctionnaires internationaux et le droit d'ester en justice des organisations syndicales et professionnelles: Laure LEVI, Avocate au Barreau de Bruxelles
Commissions de recours et juridictions nationales: concours de compétences ? Georges VANDERSANDEN, Avocat honoraire au Barreau de Bruxelles et Profeseur émérite de la Faculté de Droit de l'Université Libre de Bruxelles.
Le continuum de la protection juridictionnelle en cas de dissolution d'une organisation internationale - le cas de l'Union de l'Europe occidentale (UEO): Marcel PIQUEMAL, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur honoraire à l'Université, Président du réseau permanent des Missions publiques (REMP)
Communication: Corine CABALLERO-BOURDOT, Vice-Présidente du service des relations extérieures à l'Assemblée européenne de sécurité et de défense / l'Assemblée de l'UEO, Présidente fédérale de la Fédération de la fonction publique européenne
12:15 - 12:45 Synthèse du colloque: Luigi CONDORELLI, Professeur à l'Université de Florence